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1.6 Les deux espèces de Sicydiinae de La Réunion

1.6.4 Prévision d’évolution de ces pressions dans un contexte d’accroissement

climatiques

En 2016, le nombre d’habitants à La Réunion s’élevait à environ 850 000 personnes (Insee, 2017) et il a été estimé que ce nombre devrait dépasser 1 000 000 de personnes d’ici 2030 (Sandron, 2013). A l’heure actuelle, les prélèvements d’eau superficielle représentent plus de 60% de l’eau consommée par les particuliers, l’agriculture et l’industrie (OLE, 2017). Qui plus est, environ 15% de l’énergie électrique produite à La Réunion provient de l’hydro-électricité (DEAL, 2013). Dans ce contexte, la croissance démographique de La Réunion devrait accroitre les pressions d’origine anthropique sur les milieux aquatiques d’eau douce. Même si aucune nouvelle construction de barrage n’est plannifiée, une augmentation des volumes d’eau prélevés au niveau de chaque aménagement devrait être observée. Cependant cette tendance est à nuancer. En effet sur la période 2013-2015, l’augmentation des volumes d’eau consommés n’a pas été aussi élevée que prévu. Ceci peut s’expliquer en partie par l’amélioration des rendements des réseaux d’adduction en eau potable et par une baisse de la consommation moyenne par habitant probablement liée à l’augmentation du prix de l’eau (OLE, 2017). De plus, l’application progressive des réglementations environnementales imposant la restitution d’un débit plus élevé

24 en aval des ouvrages de prélèvement d’eau et la restauration de la continuité biologique (montaison et dévalaison) au droit des ouvrages devrait permettre de limiter les impacts écologiques des prélèvements d’eau. En effet ces réglementations sont censées limiter la perte d’habitat liée à la diminution de débit en aval des prélèvements d’eau et restaurer l’accessibilité des habitats en amont pour les juvéniles et adultes ainsi que la dévalaison des larves vers l’aval. Ce dernier point reste à l’heure actuelle problématique du fait du manque de solutions techniques permettant d’empêcher l’entrainement des larves, en particulier celles de Sicydiinae, avec l’eau prélevée et du manque de connaissances fines de leur dynamique de dévalaison qui permettraient la mise en place d’arrêts de prélèvement ciblés sur les périodes de dévalaison principales. Des travaux expérimentaux de recherche appliquée, financés par l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB), le Fond Européen de Développement Régional (FEDER) et le Parc National de La Réunion (PNR), ont été récemment initiés à Hydrô Réunion pour développer des solutions techniques permettant d’exclure physiquement les larves de la proportion d’eau prélevée. Les résultats préliminaires indiquent que l’efficacité de ces solutions est faible, le pourcentage de larves exlues de l’eau prélevée étant négligeable. Les résultats issus des études menées sur la dynamique de dévalaison des larves de Sicydiinae dans le cadre de cette thèse pourront permettre d’évaluer la faisabilité et la pertinence d’éventuels arrêts ciblés des prélèvements. Enfin des actions spécifiques visant à diminuer l’impact des pêcheries de bichiques sont en cours de développement par les associations de pêcheurs de bichiques de la rivière du Mât avec l’appui des services de l’état et du bureau d’étude Ocea Consult’ (Ocea Consult’ & FPTBRM, 2015; Ocea Consult’ & PPEE-RDM, 2015). Ces actions ont pour but de limiter l’impact de l’aménagement des canaux de pêche sur les milieux aquatiques, de faire appliquer la réglementation en vigueur et, à terme, d’estimer l’efficacité des pêcheries à partir de la comparaison entre la quantité de bichiques pêchée et celle qui accède aux habitats en amont des pêcheries. Lorsque ces actions seront généralisées aux principales rivières de l’île, elles devraient favoriser l’accès des juvéniles aux habitats situés en amont des pêcheries ce qui a terme pourrait se traduire par une augmentation de la population d’adultes reproducteurs.

Depuis plusieurs décennies l’Océan Indien a connu une augmentation continue de la température à la surface de l’eau. Cette température a augmenté d’un à deux degrés dans le sud- ouest de l’Océan Indien entre 1960 et 1999 (Alory et al., 2007). Bien que les mécanismes à l’origine des différences d’intensité de ce réchauffement observées à l’échelle régionale soient encore controversés (Dong & McPhaden, 2016), ce dernier peut avoir des répercussions directes sur le fonctionnement des milieux aquatiques. En ce qui concerne le stade larvaire des Sicydiinae,

25 l’augmentation de la température de l’eau de mer pourrait influencer la vitesse de croissance des larves et, in fine, pourrait se traduire par une diminution de la durée de la phase larvaire (Teichert et al., 2016b). Ceci pourrait limiter les risques de mortalité associés à ce stade. Cependant, l’augmentation de la température à la surface de l’eau peut entrainer une diminution des échanges de masses d’eau entre la surface et les zones plus profonde ce qui réduit la production planctonique (Roxy et al., 2016). La quantité de proies disponibles pour les larves de Sicydiinae pourrait ainsi être réduite alors que les besoins nutritionnels des larves augmentent avec la température (Houde, 1989). Qui plus est, la durée de la période de nourrissage mixte (i.e. période pendant laquelle les larves peuvent se nourrir à la fois à partir de proies exogènes et de leur réserves endogènes) diminue avec la température (Teichert et al., données non publiées). Ainsi, l’augmentation de la température de l’eau pourrait diminuer la probabilité de survie des larves lors de leurs premiers jours de vie en mer. Les larves auraient une période plus courte avant de trouver une source de nourriture exogène qui serait elle-même plus rare. En outre, Webster et al. (2005) ont montré que même si l’augmentation de la température de la surface des océans n’est pas corrélée à une augmentation de la fréquence des cyclones, les cyclones de très forte intensité pourraient être plus fréquents. Les crues d’intensité exceptionnelle associées aux cyclones très intenses, et pouvant significativement détériorer les habitats aquatiques, pourraient donc être plus fréquentes. Parallèlement une diminution des précipitations moyennes a été observée dans le sud- ouest de l’Océan Indien depuis 1961 (Vincent et al., 2011). Le déficit de précipitation pourrait être à l’origine d’étiages plus marqués et de l’augmentation de la fréquence et de l’emprise des assèchements de cours d’eau.

La prévision de l’évolution de l’impact que les espèces exotiques pourraient avoir sur les Sicydiinae est plus incertaine. L’augmentation démographique devrait accroitre le risque d’introduction accidentelle de nouvelles espèces. De nombreuses espèces exotiques présentes dans les cours d’eau comme le Nigro et plans d’eau de La Réunion comme le Néon du Pauvre (Tanichthys albonubes, Lin 1932) ou le Guapode tigre (Parachromis managuensis, Günther 1867) sont probablement issues d’introductions ponctuelles dans le milieu naturel par des aquariophiles amateurs. Le nombre d’aquariophiles devrait augmenter en même temps que la démographie entrainant un risque accru d’introductions accidentelles d’espèces exotiques. Cette tendance est illustrée par la récente découverte d’une espèce de crustacé exotique, la crevette « Red Cherry » (Neocaridina davidi, Bouvier 1904) sur le bassin versant de la rivière du Mât (Clicanoo.re, 2017). La présence de cette espèce très prisée des aquariophiles est en effet probablement due à une introduction. Qui plus est, l’augmentation de l’artificialisation des

26 milieux liée aux diverses pressions d’origine anthropique (i.e. prélèvement d’eau, aménagement des bassins versants, pollutions…) pourrait aussi être plus favorable aux espèces exotiques qu’aux espèces indigènes (Bunn & Arthington, 2002). Cependant l’augmentation de la fréquence des évènements catastrophiques tels que les crues ou les assèchements de cours d’eau pourrait avoir un impact fort sur les populations d’espèces exotiques. En effet ces espèces sont, jusqu’à présent, exclusivement d’eau douce. En cas de détérioration ponctuelle de leur habitat aucune recolonisation des cours d’eau par des individus présents en mer, comme c’est le cas pour les espèces indigènes diadromes, ne sera possible.