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Chapitre 1 : Effet des facteurs environnementaux sur la structure des peuplements

2.2 Matériel et méthodes

2.2.1 Plan d’échantillonnage

Un total de 86 et 61 stations représentatives du gradient aval-amont de la plupart des bassins versants et facilement accessibles ont été inventoriées respectivement à Mayotte et à La Réunion entre 2004 et 2017. Les données sont issues principalement des réseaux de suivi des poissons et macro-crustacés réalisés depuis 2008 à Mayotte et depuis 2004 à La Réunion. En complément, des données issues d’inventaires ponctuels réalisés avec des méthodes identiques à celles des réseaux de suivi ont été intégrées en particulier les études menées par EDF sur les rivières des

33 Marsouins et de l’Est à La Réunion. Les données issues du réseau de suivi de La Réunion en 2015, 2016 et 2017 n’ont pas été prises en compte, les méthodes d’inventaire étant différentes de celles mises en place entre 2004 et 2014. Chaque station a été inventoriée entre une et sept fois à Mayotte (Figure 11b) et entre une et 12 fois à La Réunion (Figure 11c) ce qui représente un total de 161 inventaires à Mayotte et 366 à La Réunion.

Figure 11 : Localisation de Mayotte et de La Réunion dans le sud-ouest de l'Océan Indien (a) et positionnement des stations d’inventaires au sein des différents bassins versants de Mayotte (b) et de La Réunion (c). À Mayotte, les bassins versants correspondent à ceux identifiés par Eberschweiler (1987) ou ceux non identifiés par ce dernier mais sur lesquels des stations d’inventaire étaient présentes. À La Réunion les bassins versants correspondent à ceux identifiés par Robert (1986). Le nombre d’inventaires est précisé pour chaque station.

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2.2.2 Méthodes d’inventaire

Deux méthodes d’inventaire ont été utilisées selon les stations. Pour les stations dont la largeur mouillée moyenne était inférieure à 5 m, l’ensemble du linéaire de la station a été prospecté par pêche électrique avec un appareil portatif (Deka, 3000 ou Hans Grassl, IG 200). Le linéaire prospecté était supérieur ou égal à dix fois la largeur mouillée moyenne de la station (Olivier et al., 2004). Les extrémités amont et aval de la station étaient bloquées par un filet ou un obstacle (naturel ou anthropique) afin de limiter les émigrations et immigrations d’individus depuis ou vers la station pendant la durée de l’inventaire. Lorsque la largeur mouillée de la station était supérieure à 5 m une méthode d’inventaire stratifiée par type d’habitat a été mise en place. Une surface minimum de 200 m² a été échantillonnée au sein de la station dont le linéaire était supérieur ou égal à 20 fois la largeur mouillée moyenne (Olivier et al., 2004). Les différents habitats présents au sein de la station ont été décrits à partir des faciès d’écoulement selon la clé de Malavoi et Souchon (2002). Au sein des faciès des placettes d’échantillonnage, ou ambiances, ont été placées de façon à ce que la proportion des ambiances échantillonnées au sein d’un type de faciès soit proche de la proportion de ce type de faciès dans la station. Les ambiances ont été prospectées par pêche électrique avec un appareil portatif (Deka, 3000 ou Hans Grassl, IG 200).

L’ensemble des individus capturés a été identifié à l’espèce à partir de Keith et al., (2006) à l’exception des genres Eleotris et Anguilla pour lesquels les plus petits individus ne sont pas identifiables et des genres Ambassis, Glossogobius, Kuhlia, Agonostomus et Microphis, des Carangidae et Mugilidae (autres qu’Agonostomus) pour lesquels l’identification des espèces est incertaine. Les abondances de chaque taxon (i.e. espèce, genre ou famille) ont été exprimées en nombre d’individus par 100 m². Pour les échantillonnages de l’ensemble du linéaire, l’abondance d’un taxon a été estimée à partir du nombre d’individus divisé par la surface totale de la station. Pour les échantillonnages stratifiés, l’abondance d’un taxon dans chaque type de faciès, i.e. nombre d’individus capturés divisé par la somme de la surface des ambiances pour le type de faciès, a été pondérée par la proportion du type de faciès au sein de la station. L’abondance totale du taxon correspondait à la somme des abondances pondérées.

Les paramètres environnementaux de description de la station ont été mesurés directement lors des inventaires ou déterminés a postériori à partir de données cartographiques. Les paramètres relevés pendant les inventaires étaient : la température (°C), le pH, et la conductivité (µS.cm-1) mesurés à l’aide d’une sonde multi-paramètres (YSI, Professional Plus ou équivalent), l’oxygène dissout (O2, mg.l-1) mesuré à l’aide d’un capteur d’oxygène dissous (YSI PRO ODO

35 ou équivalent) et le pourcentage de chaque type de faciès à partir des mesures de surfaces des différents faciès. Pour ce dernier paramètre les faciès profonds lentiques et lotiques ont été regroupés en un seul type de faciès (i.e. chenal) du fait de l’absence de faciès profonds lotiques à Mayotte. En outre, les coordonnées GPS de la limite aval de la station ont été relevées afin de la géolocaliser pour l’acquisition des données complémentaires à partir de traitement cartographique. Lors du traitement cartographique la distance de la limite aval de la station à la mer (distance à la mer, km) et l’altitude de cette limite aval (altitude, m) ont été mesurées à partir de carte IGN au 1/25000. De plus le nombre d’obstacles (N obstacles) au franchissement, naturels ou anthropiques (i.e. seuils, barrages…), en aval de la station, la hauteur maximum des chutes (Hmax chutes, m) correspondant à ces obstacles et leur hauteur de chute cumulée (H chutes, m)

ont été renseignés. La localisation et les hauteurs de chutes des obstacles ont été estimées à partir d’études précédentes (DEAL, 2011, 2017) et de repérages ponctuels réalisés lors des campagnes de terrain. La pente de la station (pente, %) a été estimée à partir du ratio entre la différence d’altitude et la longueur du tronçon de cours d’eau sur lequel la station était localisée.

2.2.3 Analyses des données

Une analyse des corrélations entre les paramètres environnementaux a été réalisée afin d’identifier les paramètres redondants. Lorsque plusieurs paramètres étaient corrélés entre eux avec un coefficient de corrélation de Kendal supérieur à 0,7 un seul paramètre a été conservé pour les analyses suivantes. Le paramètre choisi était soit celui dont l’effet observé sur les variations d’abondance des espèces lors d’une prévisualisation des données était le plus marqué soit un paramètre synthétisant plusieurs autres. Par exemple, la hauteur de chutes cumulée synthétise à la fois le nombre d’obstacles et leur hauteur de chute maximale.

La comparaison de l’hétérogénéité des paramètres environnementaux entre les îles a été réalisée qualitativement à partir d’une ACP interclasses basée sur les stations. Cette analyse permet de minimiser la variabilité interannuelle de certains paramètres (i.e. physico-chimie ou proportion des différents types de faciès…) pour les stations ayant été échantillonnées plus d’une fois.

L’effort d’échantillonnage pour les deux îles a été évalué à partir de courbes de richesse taxinomique cumulée (Ugland et al., 2003). Ces courbes ont été construites à partir de 1000 permutations aléatoires de la richesse taxinomique de chaque inventaire. Cette méthode permet d’évaluer visuellement si l’ensemble des inventaires réalisés sur chaque île a permis

36 d’échantillonner de manière exhaustive tous les taxons présents ou si, au contraire, la richesse taxinomique théorique maximale est supérieure à celle réellement observée.

La hiérarchisation des facteurs environnementaux qui structurent les peuplements de poissons et de macro-crustacés de Mayotte et de La Réunion a été réalisée à partir d’analyses de type « gradient forest » (Ellis et al., 2012). Cette méthode multivariée est basée, dans un premier temps, sur la modélisation de l’effet de chaque facteur environnemental sur l’abondance de chaque espèce. Cette modélisation se fait à partir de modèles de « random forest » (Breiman, 2001). Dans un deuxième temps, chaque modèle est agrégé par espèce ou par facteur environnemental. L’importance relative des espèces et facteurs environnementaux peut ensuite être hiérarchisée à partir de la valeur du coefficient de régression (R² pondéré) de chaque modèle agrégé (Ellis et al., 2012). Cette méthode conserve les avantages des analyses univariées basées sur les analyses de type random forest à savoir de ne pas être contrainte par les hypothèses de normalité et d’égalité des variances des données, de ne pas nécessiter de pré-transformation de ces dernières et d’intégrer des réponses non linéaires (Breiman, 2001). Ce dernier point apparait particulièrement important car des préanalyses ont confirmé la non linéarité des relations entre l’abondance de plusieurs espèces et certains paramètres environnementaux. Par ailleurs, l’effet des facteurs environnementaux sur les espèces très rares peut être biaisé par la faible probabilité d’échantillonnage de ces dernières et de leur présence limitée parfois à une station unique. Les analyses de type gradient forest n’ont donc été réalisées que pour les espèces dont l’occurrence était supérieure à 3%. L’analyse des ratios de densités de nœuds dans les modèles de gradient forest par rapport aux densités de données permet d’identifier des gammes de valeurs des variables environnementales dans lesquelles des changements marqués de structure des peuplements sont observés (Tang et al., 2017). Concrètement ces changements de structure des peuplements sont importants dans les gammes de valeurs des variables environnementales pour lesquelles le ratio entre la densité de nœud et la densité de données est supérieur à un.

Dans un second temps, la structure des peuplements des espèces de niveau trophique faible (i.e. les consommateurs primaires), des espèces à niveau trophique élevé (i.e. les prédateurs) ainsi que l’abondance de l’espèce exotique la plus commune sur chacune des îles ont été comparées le long des gradients des principaux facteurs environnementaux mis en évidence lors de l’étape précédente. Le régime alimentaire de chaque espèce indigène a été classé en trois catégories à partir des données bibliographiques existantes pour cette espèce ou à partir d’espèces du même genre (cf. tableau S1 en annexe de chapitre 1). Les espèces périphytophages, phytophages et

37 saprophages ont été considérées comme des consommateurs primaires, les espèces invertivores et piscivores comme des prédateurs. Les espèces pouvant être à la fois consommateurs primaires et prédateurs (i.e. omnivores) n’ont pas été prises en compte du fait des interactions trophiques complexes qu’elles peuvent avoir avec les deux autres groupes. La structure des peuplements de consommateurs primaires, de prédateurs et de l’espèce exotique retenue a été modélisée à partir de random forest. La significativité de chaque facteur environnemental a été estimée à partir de l’indice de pureté des nœuds. Pour chaque facteur environnemental cet indice a été comparé à celui obtenu à partir d’une distribution nulle des facteurs environnementaux obtenue à partir de 1000 permutations aléatoires de ces derniers.

Toutes les analyses ont été réalisées à partir du logiciel R v. 3.3.1 (R Development Core Team, 2016) implémenté du package vegan (Oksanen et al., 2017) pour courbes de richesse taxinomique cumulée, du package ade4 (Dray & Dufour, 2007) pour les analyses de composantes principales inter stations, du package gradientForest (Ellis et al., 2012) pour les analyses de gradient forest et des packages randomForest (Liaw & Wiener, 2002) et rfPermute (Archer, 2016) pour les analyses de random forest.