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Prévalence et facteurs de risque :

EN PAYS TROPICAUX

III.2 Les pathologies à transmissions féco-orale:

III.2.1 La diarrhée du voyageur

III.2.1.2 Prévalence et facteurs de risque :

Cette définition simplifiée permet d’inclure les deux principaux mécanismes des diarrhées infectieuses : les diarrhées par troubles de la sécrétion et les diarrhées invasives par troubles de l’absorption [61].

En pratique clinique la diarrhée peut être définie par l’émission d’au moins trois selles très molles à liquides par 24 heures [59].

La diarrhée peut être associée à au moins un symptôme d’accompagnement : nausées, vomissements, douleurs abdominales, fièvre, selles glaireuses ou sanglantes. Cette définition restrictive ne prend cependant pas en compte la gêne ressentie par le voyageur, qui se trouve pris d’un besoin impérieux dans un lieu improvisé [4 ][61].

III.2.1.2 Prévalence et facteurs de risque :

Quarante pour cent des voyageurs se rendant dans un pays en développement (PED) ont une DV, jusqu’à 60 % de ceux qui se rendent dans une région à très bas niveau d’hygiène comme en Asie. En 2009, on dénombrait 880 millions de touristes internationaux dont 45 % à destination d’un pays tropical [61].

On peut ainsi estimer à 160 millions le nombre de cas de DV par an. C’est le problème de santé le plus fréquent pour les voyageurs se rendant d’une zone à niveau d’hygiène élevé vers un pays à niveau d’hygiène faible [61].

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Le risque d’avoir une DV dépend de plusieurs facteurs (Tableau 2). Les sujets jeunes sont plus exposés du fait d’une moindre immunité spécifique et du fait de conditions de voyage souvent plus exposées (contacts avec la population, conditions d’hygiène parfois plus précaires, voyage plus itinérant).

Une comorbidité comme une maladie chronique (diabète, déficit immunitaire), une hypochlorydrie (gastrectomie, traitement au long cours par inhibiteur de pompe à protons) vont non seulement entraîner un risque accru de diarrhée mais également des formes plus sévères [61] [63].

Cependant, une étude récente ne confirme pas un risque accru de DV chez des sujets ayant une immunodépression médicamenteuse ou une maladie inflammatoire du tube digestif. Des facteurs génétiques encore mal connus jouent sans doute un rôle comme les facteurs déterminant le groupe sanguin ou les médiateurs de l’inflammation.

À côté des facteurs individuels, interviennent de façon déterminante des facteurs d’environnement liés au niveau d’hygiène de la chaîne alimentaire [61].

Tableau II : Facteurs de risque associés à la survenue d’une diarrhée du voyageur

Voyage en provenance d’un pays industrialisé vers une destination sub-tropicale. Jeunes enfants et adolescents.

Pas de séjour antérieur dans un pays tropical.

Manque de précautions par rapport à l’alimentation et aux boissons. Antécédent de DV lors de précédents séjours en pays tropical. Facteurs génétiques.

Traitement quotidien par inhibiteur de la pompe à protons. Voyage à petit budget et/ou aventureux.

Causes de la diarrhée du voyageur

L’infection digestive provient de l’absorption d’aliments ou d’eau contaminés en relation directe avec le « péril fécal » ou indirecte avec les « mains sales » [61].

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Les aliments les plus à risque sont par ordre décroissant : fruits de mer, poissons et viandes mal cuits, plats préparés consommés froid, glaces artisanales, crudités, fruits déjà épluchés, lait et produits laitiers, aliments avec traces de moisissure, eau du robinet, boissons non encapsulées[61].

Les causes infectieuses sont les plus fréquentes, même si des facteurs non infectieux (psychogènes, modifications du rythme de vie, décalage horaire, changements de climat ou d’alimentation, épices) peuvent avoir une action favorisante [61].

Les bactéries sont responsables de 80 à 90 % des cas documentés de DV. Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC) et E. coli entéroadhérent (EAEC) sont les plus fréquents, devant Shigella,Salmonella, Campylobacter, Aeromonas, Plesiomonas. D’autres espèces bactériennes ont été identifiées comme cause de DV tel Bacteroides fragilis entérotoxinogène.

Le choléra est une cause exceptionnelle de DV, le risque est évalué à moins de un cas pour 100 000 voyageurs et par mois d’exposition. Les causes virales et parasitaires sont plus rares[61].

Dans près de la moitié des cas aucun pathogène n’est identifié par les techniques standards. Une étude utilisant la PCR sur des DV contractées en Amérique Centrale et en Inde a montré que ETEC ou EAEC étaient responsables de 29 % de ces cas sans cause trouvée [61].

Tableau III :La fréquence d’isolement(%)d’agents infectieux responsables de la

diarrhée du voyageur [61]. Causes Amérique Latine Afrique Inde ETEC 34 31 31 EAEC 24 2 16 Shigella 7 9 8 Salmonella 4 6 7 Campylobacter 3 5 8 Aeromonas 1 3 3 Plesiomonas 1 3 5

Norovirus 17 13 Non connu

Protozoaires1 3 3 9

Pas de pathogène 49 45 39

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L’incidence selon le pays d'origine et la destination :

Les facteurs d'environnement et d'écologie microbienne locaux, interviennent bien évidemment, et de façon déterminante. Le reflet du niveau d'hygiène général (notamment au sein du personnel de la chaine alimentaire)[63].

Le risque de contracter une DV est beaucoup plus faible lorsque le déplacement est effectué vers un pays de niveau d'hygiène équivalent [15].La destination est donc un facteur déterminant, d'où la notion de destinations à risques.(Tableau IV)[15] .

On peut ainsi schématiquement classer les pays en trois groupes selon leur niveau sanitaire et le risque de diarrhée du voyageur [63].Les pays les plus à risque de DV sont les pays d’Asie, d’Afrique sub-saharienne et d’Amérique Latine, alors que le risque est moindre sur le pourtour méditerranéen, au Moyen Orient et en Europe de l’Est[61].

Tableau IV : Évaluation du risque de diarrhée du voyageur pour un voyageur originaire d'un pays à haut niveau d'hygiène partant pour un séjour de 2 semaines, en fonction de

la destination.

Pays à faible niveau d'hygiène : Amérique latine, Afrique (sauf Afrique du Sud), Moyen-Orient, Asie du Sud-Est (incluant l'Inde et le Népal)

Risque de 20 à 70 %

Pays à niveau d'hygiène intermédiaire : Europe du Sud et de l'Est, Russie, Chine, Haïti et République Dominicaine, Israël, Afrique du Sud

Risque de 15 à 20 %

Pays à haut niveau d'hygiène : États-Unis, Canada, Nord de l'Europe et Europe centrale, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon

Risque < 10 %

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Tableau V : Evaluation de risque de diarrhée pour le voyageur en fonction du niveau d’hygiène de son pays d’origine et e celui du pays visité [63].

Niveau d’hygiène du pays d’origine

Pourcentage de risque de diarrhée dans un pays visité à niveau d’hygiène.

Faible intermédiaire Elevé

Elevé* 40 10 2à4

Intermédiaire** 2à18

Faible*** 2à18 2à14

*Amérique du nord Europe de l’ouest et du nord Australie Nouvelle Zélande Japon **Pourtour méditerranéen, Moyen Orient chine, URSS Europe de l’Est

*** Amérique latine Afrique Asie du Sud Est. L’incidence selon la Saison

L'incidence des infections à Escherichia coli entérotoxinogène (ECET), à salmonelles, à Shigella sp est maximale au cours des saisons pluvieuses, tandis que les infections à Campylobacter sp. prédominent à la saison sèche [15].

L’incidence selon la durée de séjour

Le taux d'attaque de la DV est maximal pour les séjours de 2 semaines (en moyenne de 7 à 14 jours) et semble diminuer au-delà de 4 mois, du fait de l'acquisition d'une immunité et probablement d'une adaptation à la vie locale (changement de mode de vie, préparation des repas par le résident lui-même) [15].

Le risque est réduit aussi en cas de séjour effectué chez des amis ou dans sa famille [15].

Le mode de vie sur place

Les facteurs de risque liés au comportement alimentaire sont difficiles à cerner car variables d'une étude à l'autre [63].

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Ainsi, une étude faite au Népal a montré que boire de l'eau du robinet et manger dans les restaurants de rue étaient plus à risque que manger des plats << internationaux>> et aller dans les restaurants << européanisés >> [63].

Le partage des habitudes alimentaires et des coutumes locales mode de voyage plus fréquent chez les jeunes, favorise la survenue de DV [15].

Il en est de même pour les séjours type trekking en montagne ou traversée du désert [15]. Les voyages organisés par des agences représentent plus de 50 % des modes de déplacement : ils comportent un risque moindre du fait de la sélection des hôtels et des restaurants.

De plus en plus d'établissements (en général de grand standing) sont dotés de filtres sur les arrivées des canalisations d'eau.

Cependant, le risque de DV persiste du fait de certains plats de préparation complexe (multiples manipulations) comportant des crudités et/ou des crustacés.

Enfin, face à la virulence de l'agent pathogène, la fragilité de l'hôte constitue un élément déterminant.

Le risque est directement lié à l'âge (enfant de moins de 6 ans et sujet de plus de 75 ans), à l'existence d'un certain degré d'immunodépression (infection possible alors avec un inoculum plus faible), de la perte de la barrière acide par hypochlorhydrie (gastrectomie, traitement antisécrétoire H2 ou par inhibiteur de la pompe à protons) favorisant surtout les infections à salmonelles et à Campylobacter sp. [15].

Le mode de contamination

Il est principalement de type féco-oral. Les deux principaux vecteurs étant l'alimentation et l'eau de boisson.

La contamination alimentaire peut survenir à divers niveaux : lors de la culture (utilisation d'engrais humains), de la conservation (faute de possibilité de stérilisation, de pasteurisation ou de réfrigération), de la préparation des plats ou de leur conservation (infection manuportée).

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Les mouches ont un rôle non négligeable (véritables « ponts aériens » entre les excréta et les aliments) [15].

Les voyageurs à risque

Le risque de diarrhée du voyageur augmente chez certains voyageurs : -Originaires des pays les plus développés ;

-Ayant le statut socioéconomique le plus élevé ;

-N’ayant pas voyagé dans des pays tropicaux dans les six derniers mois ; -Voyageant sur un mode aventureux ;

-Ne respectant pas les règles hygiéno-diététiques ;

-Présentant une hypochlorhydrie gastrique (gastrectomie, traitement antiacide, néoplasie), une maladie intestinale inflammatoire chronique (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) ou un déficit immunitaire [1].

Au-dessus de 75 ans, la mortalité par diarrhée infectieuse n’est pas négligeable, liée aux accidents de déshydratation pendant la diarrhée, à un pic de mortalité de huit à dix jours après le début de la diarrhée alors que celle-ci a souvent disparu (cette mortalité est attribuée aux conséquences à moyen terme d’une hypoperfusion d’organes vitaux pendant la phase de déshydratation[59].La diarrhée aiguë est toujours potentiellement grave chez l’enfant [61].

3-2-1-3 Les étiologies de la diarrhée du voyageur :

Les étiologies microbiennes de la DV sont particulièrement nombreuses et leur répartition varie en fonction des destinations et des saisons.

Les agents incriminés dans les DV sont par ordre de fréquence les différents pathovars d’Escherichia coli, et en particulier les E. coli entérotoxinogènes et entéroaggrégants suivis par des bactéries à mécanisme entéro-invasif (Campylobacters pp.,Shigellas pp., Salmonella

enterica), les virus entériques (norovirus, rotavirus) et les protozoaires (Gardia intestinalis,

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Le développement des techniques de biologie moléculaire devrait permettre de mieux apprécier la fréquence relative des différents agents et en particulier des agents viraux dans la DV.

Les protozoaires et les microsporidies sont plus fréquents dans les DV persistantes ou chroniques, surtout dans un contexte d’immunodépression.

La recherche étiologique devrait être systématique dans les diarrhées fébriles, en cas de présence de sang dans les selles, chez les patients immunodéprimés, à la suite d’un traitement antibiotique (toxines de Clostridium difficile) ou dans un contexte de diarrhée persistante ou chronique[16].