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Préservation de l’innocence et du déterminisme

7.4 Descente des stratégies gagnantes

7.4.1 Préservation de l’innocence et du déterminisme

Pour une coupure c: X Y, le foncteur de descente Dc (définition 7.1) définit successi-vement à partir d’une stratégie dans V¯/X des préfaisceaux booléens dans K¯/X, T˘H/c, K¯/Y et enfinV¯/Y. Ainsi, si α est une stratégie dans V¯/X, on note β, γ, δ, � les préfaisceaux booléens obtenus à chaque étape dans

V/X Π K/X Δ TH/c Σ K/Y Δ V/Y

α �→ β �→ γ �→ δ �→ .

La notion habituelle d’innocence des stratégies provient, dans notre cadre, directement de la structure de préfaisceau booléen sur la catégorie des vues étendues. Cependant, lorsque l’on passe aux préfaisceaux booléens sur les câbles ou les tuiles de descente, il existe certains préfaisceaux qui peuvent ne pas être « définis par leurs vues. » (On donne ci-dessous un exemple d’un tel préfaisceau.)

Dans cette partie, on commence donc par étendre la notion d’innocence à ces préfaisceaux, puis on montre que l’innocence est préservée par chacun des foncteurs polynomiaux qui définissent l’opération de descente, à condition de vérifier l’hypothèse de déterminisme à partir de δ.

Définition 7.7 (Préfaisceau de câbles innocent). On dit qu’un préfaisceau de câbles β ∈K¯/X

est innocent si tout câble k de K/X, k est accepté par β lorsque toutes ses vues sont acceptées par β.

Pour les préfaisceaux sur TH/c, on utilise les vues-tuiles (définition 7.6) :

Définition 7.8 (Préfaisceau de tuiles innocent). Un préfaisceau de tuiles γ ∈ T˘H/c est innocent si pour toute tuile de descente t ∈ TH/c, il suffit que γ accepte toutes les vues-tuiles de t pour que γ accepte t.

Proposition 7.15. Les préfaisceaux β et γ sont innocents. On a d’abord besoin d’un lemme de décomposition :

Lemme 7.16. Pour toute tuile de câbles élémentaire κ: k1 k2 telle que cod(κ) se dé-compose en X f Y g Z, il existe un câble k sur Y et des morphismes k1 κ1 k κ2 k2 tels que κ = κ2◦ κ1.

Preuve. On commence par construire le diagramme suivant :

X2 Z2 Y2 X1 Z1 Y1 X Z Y hX mX hZ mZ f g g1 f2 g2 hY mY k1 k2 f1

— (mX, hX) est la vue élémentaire apparaissant dans t, côté X ; — f1 est obtenue par propriété universelle du pullback Y1; — Y2 est la composante connexe de X2 dans Y1;

— et g2 découle du fait que Z2 est une composante connexe de Z1 contenant X2; en effet, comme Y2 est connexe et contient aussi X2, on conclut que Z2 contient Y2.

On procède ensuite par cas. Si la composée mY ◦ hY a des occurrences non triviales, alors on obtient une tuile active κ2: (mY, hY) (mZ, hZ). Si mX ◦ hX a aussi des occurrences non triviales, alors k1 est un câble élémentaire et on a directement la décomposition voulue. Sinon, k1 est le câble identité sur X et on décompose t en une tuile passive κ1, suivie de κ2. Si maintenant la composée mY ◦ hY n’a pas d’occurrences non triviales, alors mX ◦ hX

non plus et on décompose κ en un morphisme trivial κ1 entre les câbles identité sur X et Y , suivi d’une tuile passive κ2.

Ce résultat s’étend pour toute tuile de câbles :

Lemme 7.17. Pour tout morphisme κ: k1 k2 dans K0

H tel que cod(κ) se décompose en X f Y g Z, il existe un câble k sur Y et des morphismes v κ1

k κ2 k tels que κ = κ2◦ κ1.

Preuve de la proposition 7.15. L’innocence de β provient directement de la définition de Π.

Pour l’innocence de γ, on se donne une tuile de descente t: kl kr dont toutes les vues-tuiles sont acceptées par γ. Pour montrer que t est acceptée par γ, il suffit de montrer que toutes les vues de kl sont acceptées par β. Prenons u: v kl une telle vue et appe-lons hl: Xl Zl le codomaine (vertical) de u et c: Zl Zr le codomaine vertical de t. Graphiquement, on a donc un diagramme :

Yr Yr Xl Zl Zr Yl Yr Xl Zl Zr kl hr hl v hl c kl kr t u

dans lequel on s’apprête à construire les parties notées en traits pointillés.

Soit Yl= c−1(c(Xl)) : intuitivement, Ylest le plus petit ouvert de Zlcontenant Xl et tous les sources et buts des arêtes écrasées par c. Considérons la factorisation

Yl Yr Zl Zr h l cY c hr

de c ◦ hl. La coupure cY est une vraie coupure. Comme Xl est un séquent (parce que v est une vue), toutes les arêtes non pendantes de Yl sont écrasées par cY ; de plus Yl est connexe et donc Yrest un séquent. Par le lemme 7.17, on obtient un câble k

lau dessus de Yltel que u se factorise en v u1

kl u2 kl. On choisit une tuile de descente de bord gauche k

l le long de cY, ce qui, comme Yr est un séquent, donne par le lemme 7.8 donne une vue-tuile t t. Comme, par hypothèse, toutes les vues-tuiles de t sont acceptées par γ, t est acceptée, ce qui est équivalent au fait que k

l est accepté par β, qui est lui-même équivalent au fait que toutes les vues de k

l sont acceptées par α. Donc, en particulier, v est acceptée. Comme on a pris v arbitraire, toutes les vues de kl sont acceptées par α, donc kl est accepté par β et donc t est acceptée par γ, comme souhaité.

En revanche en présence de non déterminisme sur les préfaisceaux de câbles, l’implication « γ est innocent implique δ est innocent » seule est fausse. En effet, considérons deux câbles

kA et kB : on représente kA sur la figure 7.2 (kB est obtenu de manière similaire avec les occurrences qui sélectionnent la formule B). Les coups positifs joués par ce câble ainsi que les coups négatifs qu’il accepte se font tous sur l’occurrence gauche de chaque produit (dans la branche qui contient la formule A). On définit le préfaisceau γ qui accepte tout câble qui possède un morphisme dans K vers kA ou kB. En particulier, le préfaisceau γ n’accepte pas le câble qui prolonge kApar le coup négatif qui sélectionne l’occurrence de B dans ¬A × ¬B. Ce préfaisceau décrit le comportement d’un joueur, marqué , qui tire un booléen au hasard la première fois qu’il a la main pour décider s’il joue sur A ou s’il joue sur B, puis n’accepte plus que les coups qui correspondent à ce choix.

¬¬(¬A׬B) ¬¬¬A׬¬¬B ¬¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬¬A׬¬¬B ¬¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 ¬A׬B ¬A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 A ¬A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 A A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬¬1 A A 1 ¬(¬A׬B) ¬¬A ¬1 A A 1 ¬(¬A׬B) ¬A ¬1 A A 1 (¬A׬B) ¬A ¬1 A A 1 A ¬A ¬1 A A 1

Figure 7.2 – Câble k innocent non déterministe.

¬¬(¬A׬B) ¬¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬1 ¬(¬A׬B) ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬1 ¬A׬B ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬1 A ¬1 ¬(¬A׬B) ¬¬1 A 1 ¬(¬A׬B) ¬1 A 1 (¬A׬B) ¬1 A 1 A ¬1 A 1

Figure 7.3 – Câble descendu

Ce préfaisceau est innocent, mais si l’on considère la coupure qui écrase l’arête d’étiquette ¬¬¬A × ¬¬¬B, alors δ n’accepte que deux câbles kc

A et kc

B (et leurs vues). On donne une représentation de kc

Aen figure 7.3. Cependant, le câble k, qui débute comme kc A et kc

B mais dont le dernier coup est :

(¬A׬B) ¬1 A 1 B ¬1 A 1

a toutes ses vues acceptées par δ, mais n’est pas lui-même accepté par δ. Autrement dit, avant la descente, le joueur marqué avec fait un choix interne dont il conserve une trace dans sa vue grâce à l’arête écrasée. Après descente de cette arête, ce choix n’est plus visible dans la vue du sommet : en refusant k, δ n’est pas innocent.

Ce problème, bien connu en sémantique de jeux [20], se résout facilement en se restreignant aux préfaisceaux déterministes, car on peut alors prouver le lemme 7.18 et la proposition 7.19. Lemme 7.18. Si α est déterministe, alors β, γ, δ et � sont déterministes.

Preuve. Par l’absurde, si β n’était pas déterministe, il accepterait un câble k et deux

exten-sions de k par des coups positifs non isomorphes m1 et m2, i.e., β accepterait km1 et km2. Ces deux coups jouent sur l’unique séquent positif de dom k, que l’on note S. Par induction sur k, on construit facilement une vue v de k, de domaine S. En prenant les pullbacks de

m1 et m2 le long du plongement S cod m1 = cod m2, on obtient deux extensions de v par des coups positifs non isomorphes m�1 et m�2 et acceptées par β. Par définition de Π, α accepterait les vues m�1v et m�2v, ce qui contredit l’hypothèse « α déterministe. »

Les préfaisceaux γ et � sont obtenus par restriction le long d’un Δ plein et fidèle, qui préserve évidemment le déterminisme.

Pour δ, si ce préfaisceau accepte deux câbles km1 et km2 où m1 et m2 sont deux coups positifs non isomorphes, on peut remarquer par unicité de la descente que m1et m2descendent d’une suite de coups positifs composables (m�1,1, . . . , m1,k) et (m�2,1, . . . , m2,l) donc isomorphes jusqu’à un certain rang (au pire, seuls m

1,k et m

2,l qui descendent respectivement sur m1 et

m2ne sont pas isomorphes). Autrement dit, on aurait deux tuiles de descente non isomorphes, ce qui contredirait l’hypothèse « γ déterministe. »

Proposition 7.19. Si γ est déterministe et innocent, alors δ est innocent.

Preuve. On se donne un câble kr sur Y , tel que toutes ses vues v kr sont acceptées par

δ. Par définition de Σ, il suffit d’exhiber une tuile de descente t de bord droit kr acceptée par γ. Cette tuile sera obtenue en appliquant le lemme 7.12, où le déterminisme de γ suffit à garantir la compatibilité des tuiles. On montrera que toutes les vues-tuiles de t possèdent des morphismes vers les vues-tuiles utilisées pour reconstruire t : par innocence de γ, ceci assurera que t est acceptée.

Le câble kr définit une famille de vues

Si∈dom(kr) vSi

où chaque vue est unique à isomorphisme de vues près. Par hypothèse, ces vues sont acceptées par δ donc on a une famille de vues-tuiles :

Si∈dom(kr) tSi

où pour chaque i, rig tSi = vSi. Soient t1 et t2 deux tuiles quelconques dont les bords droits partagent une vue préfixe commune v. On montre que t1|v= t2|v par l’absurde en considérant le premier coup de lef t1 qui n’est pas isomorphe à un coup de lef t2 :

— ce coup n’est pas positif car γ est déterministe,

— il n’est pas non plus négatif car alors sa descente ne serait pas triviale. Or, un coup est identifié de manière unique par sa descente (ici dans rig t1) lorsqu’elle n’est pas triviale.

Quitte à appliquer le lemme 7.14, on peut choisir une famille où l’égalité t1|k = t2|k est vérifiée.

D’après le lemme 7.12, il existe donc une tuile t et des cubes de descente ci: tSi t. On montre que toutes ses vues-tuiles sont acceptées par γ.

Soit t tune vue-tuile de t : son bord droit admet un morphisme vers une vue vi donc le lemme 7.12 donne une factorisation du cube en t tSi t pour l’une des vues-tuiles

tSi définies précédemment. Le préfaisceau γ accepte tSi donc γ accepte t. Par innocence de

γ, t est acceptée, donc δ accepte rig t = kr. Proposition 7.20. Le préfaisceau � est innocent.

Preuve. Ce préfaisceau est obtenu par restriction de δ, qui est innocent.