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La requalification du malade à l’hôpital, au carrefour du droit et de la qualité

Référence 51 : La satisfaction du patient et de son

3.2. Présentation de la recherche action

Le dispositif mis en place était constitué d'un groupe réunissant 12 professionnels multi catégoriel du service et l’équipe de santé publique du DIES196, soit deux médecins de santé publique et moi-même. La recherche- action s’intitulait : « l'amélioration des interactions médecins-patients ».

Dans le domaine de la santé, la notion de recherche-action apparaît à la fois comme prosaïque et ambitieuse197. Prosaïque, au sens où il est apparu nécessaire de parler de recherche-action en santé, pour désigner les recherches élaborées sur la base d'une collaboration active entre chercheurs et professionnels de santé œuvrant sur le terrain. Mais aussi ambitieuse, au sens où la recherche-action en santé publique se donne d'emblée une finalité sociale concrète : « contribuer à l'amélioration de l'existant ».

Il s'agissait, en terme de recherche, de saisir les positions des professionnels en faveur de ces nouvelles dispositions législatives, de saisir la façon dont ils allaient ou pas se les approprier, ajuster leur pratique et leurs représentations et de permettre l'explicitation et la mise à jour des contraintes rencontrées à ces occasions.

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Le DIES était une structure privée de santé publique créée par la Fondation de l'Avenir pour la recherche médicale appliquée (FARMA), Fondation reconnue d'utilité publique. La FARMA, est elle-même créée par la Fédération Nationale de la Mutualité Française. La FNMF a été un interlocuteur privilégié pour poursuivre la recherche menée, dont ils étaient déjà financeurs en 1999. Cette filiation et l'intérêt pour la question des usagers de certains des responsables de la FNMF ont favorisé le choix du service, dans un établissement de santé mutualiste. Rappelons que le vice-président de la FNMF n'est autre qu'Etienne Caniard, organisateur des Etats Généraux de la Santé.

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La recherche-action en santé, (sous la dir. de N. Spira), (1985), Expériences et synthèses du séminaire INSERM de mars 1984, INSERM, Analyses et prospective, La documentation française, Nancy.

Et il était question, en terme d'action, d'aboutir à des transformations institutionnelles, par un processus dynamique et court, conduisant à l'élaboration, à la mise en œuvre et à l'évaluation d'un ensemble d'actions.

Nous l’avons vu, les démarches participatives mises en place dans les services hospitaliers sont un moyen riche d’enseignements. Cette posture nous permettra d’explorer tout à la fois les contraintes structurelles et organisationnelles qui pèsent sur les acteurs, l'imbrication de l’environnement sociotechnique et l’exploration des contraintes exogènes au service. En effets, la démarche participative éclaire les effets sociaux réels de la rationalisation, à la fois de la pratique médicale et des droits des malades dans l’institution hospitalière.

Ce service de cardiologie avait débuté une procédure de travail sur l'accréditation et fait l'objet d'une expertise sur la question par une équipe québécoise. L' « amélioration de la qualité du service » était une préoccupation de l'établissement et du chef de service. Ce projet visait un objectif de changement dans l’organisation et dans les pratiques. L'amélioration des interactions médecins-patients se voulait être un moyen mais aussi une finalité, pour répondre aux questions soulevées par les nouvelles dispositions légales en particulier en matière d’information des personnes malades198. En 2000, au début du projet, les Etats Généraux de la Santé venaient de se clôturer et la loi portant sur le droit des malades était en cours d'élaboration.

Extrait, rapport dies, novembre 2000, p. 3

Depuis les années 90, la médecine a été le lieu de profonds changements en matière d’information du patient. Un double mouvement, juridique (avec le renversement de la charge de la preuve en 1997) et administratif (avec l’apparition de l’évaluation

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Les problèmes d'informations du malade vont dominer le débat avec les changements dans le Code de déontologie médicale en 1995, la publication de la Charte du patient hospitalisé et enfin l'arrêt de la Cour de cassation qui en 1997 exige du médecin la preuve de l'information qu'il a faite au malade. Le Code civil (article 16-3) et la loi n°2002-203 du 4 mars 2002, sur les droits des malades et la qualité du système de soins, réaffirme le consentement libre et éclairé et en fixe les dispositifs. Rappelons que cette loi comporte trois volets : 1, l'affirmation des droits individuels de la personne malade, 2, l'accès direct au dossier médical et 3, un dispositif de conciliation et d'indemnisation éventuelle des malades en cas d'accidents thérapeutique sans faute.

dans la loi hospitalière de 1991 et de l’accréditation dans les ordonnances de 1996), prolonge et approfondit les évolutions culturelles rendues nécessaires par le nouveau code déontologie médicale. En 1995, ce code affirmait pour la première fois l’obligation pour le médecin de recueillir le consentement éclairé du patient dans tout acte de soin aux attentes des patients et des médecins.

Le renforcement des cadres juridiques et évaluatifs stimule les actions d’amélioration de la prise en charge du patient et plus spécifiquement le travail de communication de l’information médicale au malade hospitalisé. Sous cette pression juridique, institutionnelle et sociale (développement des associations d’usagers depuis une dizaine d’années), la relation médecin- malade se doit de devenir « informée ». On remarquera que les changements observés viennent « d’en haut » : du droit, des tutelles, de l’Ordre des Médecins… Ils sont bien sûr liés à une certaine réalité et demande sociale, à des groupes de pressions ou à des médecins « éclairés » mais le « terrain » reste souvent étranger à leur genèse. (…) Il s’agit de profiter de l’opportunité offerte par les nouvelles exigences en matière d’information pour renforcer le dialogue entre les protagonistes de la relation de soin.

Douze professionnels appartenant au service furent sélectionnés par le chef de service et la surveillante générale : le chef de service – chirurgien ; la responsable du secrétariat ; la gouvernante (en charge du personnel hôtelier, faisant fonction d’aide-soignante) puis son successeur, un chirurgien ; un cardiologue ; un anesthésiste ; la surveillante du service puis sa remplaçante (une période s'est donc écoulée sans cadre dans le service) ; la surveillante de l'hospitalisation adulte puis sa remplaçante ; une infirmière de pédiatrie pressentie à devenir surveillante pédiatrie en réanimation ; une seconde infirmière pédiatrie amenée à faire des vacations en hospitalisation adulte ; une infirmière hospitalisation adulte travaillant de nuit (qui n'a assisté qu'à la première séance, est partie en congé maternité et n'a pas été remplacée dans le groupe) ; une infirmière travaillant en hospitalisation adulte (elle aussi partie en congé maternité en cours de projet) ; un réanimateur avait été pressenti pour faire partie de l'équipe mais ne vint jamais et ne fut pas remplacé. Les professionnels travaillaient dans le même service, même s'ils ne travaillaient pas tous en lien direct ; nous les nommerons par la suite, équipe, pour plus de simplicité. La représentativité des membres de l’équipe était toute relative dans la mesure où la sélection avait été réalisée par les cadres, on peut constater que si les

diverses catégories apparaissent, la réanimation n'était pas représentée. D'autre part, un déséquilibre s'est constitué quand deux des infirmières ont quitté le groupe (congés maternité) ainsi, provisoirement, que les deux surveillantes (deux nouvelles personnes les ont remplacées, les précédentes ayant changé de service ou d'établissement).

Le groupe s'est réuni à l'occasion de 11 réunions, soit environ 20 heures de débats entre début 2000 et fin 2002. Le groupe de travail n'était pas destiné à s'enfermer dans une fonction de témoignage dans lesquels les individus racontent leurs actions, leurs opinions ou leurs sentiments. L'objectif était de réfléchir sur ses pratiques et de devenir un « groupe d'analyse »199, qui allait entreprendre des innovations de manière concertée.