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Présentation des bioessais normalisés disponibles pour la caractérisation de l'écotoxicité intrinsèque de matériaux potentiellement polluants

Section I : La Problématique de la Rivière Artibonite

Chapitre 5 Toxicité et impacts des polluants vis-à-vis des écosystèmes aquatiques

1. Présentation des bioessais normalisés disponibles pour la caractérisation de l'écotoxicité intrinsèque de matériaux potentiellement polluants

L'écotoxicologie est une science relativement récente qui a pris son essor dans les pays occidentaux dans les années 1970, parallèlement aux premières lois sur l'eau et à l'apparition d'une réglementation et du contrôle des pollutions industrielles. Le terme "écotoxicologie" signifie

"toxicologie de l'environnement". Il s'agit donc d'étudier et de quantifier les atteintes "toxiques" portées à l'environnement.

La nécessité vitale pour les populations de protéger les ressources en eau potable a conduit les législateurs à développer des outils d'évaluation de la toxicité aquatique, ou vis-à-vis des organismes aquatiques. Plus récemment, avec l'évolution des connaissances, la prise de conscience du fait que la pollution des sols, ou le dépôt de déchets toxiques non stabilisés a conduit à l'élaboration de méthodes d'essais vis-à-vis d'organismes terrestres. Actuellement, les mécanismes de transfert de la pollution depuis le sol jusqu'à l'eau sont largement étudiés.

Le terme d'écotoxicologie recouvre plusieurs domaines scientifiques complémentaire mais bien distincts de par les technologies employées, au laboratoire ou sur le terrain, suivant les objectifs fixés.

L'analyse chimique des organismes prélevés dans le milieu permet de mettre en évidence une pollution diffuse par les mécanismes de bioaccumulation, ou par la synthèse de molécules indicatrices de stress physiologique (biomarqueurs). L'inventaire (qualitatif et quantitatif) des organismes du milieu donnera une indication générale de la qualité écologique du milieu étudié (indices biotiques) mais aussi de la récupération du milieu après un changement (traitement des effluents avant rejet dans une rivière par exemple). Des techniques plus sophistiquées permettent d'étudier les mécanismes de répartition de la pollution dans les différents compartiments d'un écosystème et son impact sur les populations à l'aide d'écosystèmes artificiels plus ou moins complexes (microcosmes, mésocosmes, rivières artificielles…).

Les essais de laboratoire sur organismes aquatiques ou terrestres permettent de quantifier la toxicité d'échantillons d'eaux, de sols ou de déchets prélevés sur le terrain, ou encore d'évaluer l'efficacité de traitements de décontamination de sols pollués.

Les principes généraux des bioessais de laboratoire sont relativement simples et peuvent se résumer de la façon suivante : quelle que soit la matrice (eau, sol, boue, déchet), on expose une population homogène d'organismes à une gamme de dilutions de la matrice étudiée, pendant une durée déterminée, dans des conditions standardisées, puis on observe l'effet produit sur un système vital défini. L'effet est ensuite quantifié sous forme de CE50, CL50, LOEC, NOEC… après traitement statistique approprié des données obtenues.

Cette définition sous-entend plusieurs points fondamentaux :

 La matrice étudiée est diluée avec un milieu non toxique de nature équivalente (eau synthétique ou naturelle, sol non contaminé ou artificiel…). Ce milieu de dilution doit être suffisamment complexe pour permettre la survie et la croissance des organismes dans de bonnes conditions, mais il ne doit pas réagir chimiquement avec la matrice étudiée.

 Les effets observés doivent être quantifiables (nombre de cellules, masse sèche d'un lot de plantes, nombre de jeunes produits par femelle, nombre d'organismes mobiles en fin d'essai, nombre d'organismes morts en fin d'essai…) et avoir une signification toxicologique.

 Les organismes doivent impérativement être au contact de la matrice pendant toute la durée de l'essai (ce qui n'est pas le cas par exemple pour les escargots qui peuvent s'isoler et survivre alors qu'ils ont évité le contact avec le déchet ou le sol étudié)

 Les conditions d'essai s doivent être parfaitement maîtrisées de façon à en assurer la répétabilité. En effet, les organismes utilisés pour les bioessais sont des organismes à sang froid (invertébrés ou poissons), des algues ou des bactéries, dont le métabolisme (donc la sensibilité aux toxiques et l'activité physiologique) est strictement corrélé à la température, et dans une moindre mesure à l'éclairement.

 Les résultats de l'essai sont corrélés à sa durée. Selon la durée d'un essai, rapportée à la durée de vie de l'organisme, on distingue des essais de toxicité aiguë (durée brève par rapport au cycle de vie de l'organisme) et des essais de toxicité chronique (durée permettant au moins un cycle de reproduction, voire plusieurs).

Les organismes retenus pour réalisés les bioessais ont été choisis pour des raisons scientifiques (représentativité de l'organisme par rapport à la biocénose, importance de son rôle dans la chaîne alimentaire…) et techniques (facilité d'élevage, stabilité génétique de la souche, stabilité de la sensibilité à des toxiques de référence, disponibilité tout au long de l'année…), ces dernières raisons ayant le plus souvent été prépondérantes.

Tableau 1 : Synthèse des principaux essais d'écotoxicologie normalisés

Référence Titre (essais vis-à-vis d'organismes aquatique) Type de toxicité

durée de

l'essai critère d'effet type d'organisme domaine d'application

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité chronique des eaux par inhibition de la

Qualité de l'eau - Essai d'inhibition de la croissance des algues d'eau douce avec

Essais des eaux - Détermination de l'inhibition de

croissance de Lemna minor chronique 5 jours croissance de la population

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité chronique vis-à-vis de Brachionus calyciflorus en 48 h - Essai d'inhibition de la croissance de la

population

Qualité de l'eau - Détermination de l'inhibition de la mobilité de Daphnia magna Straus (cladocera,

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité chronique vis-à-vis de Ceriodaphnia dubia en 7

jours - Essai d'inhibition de la croissance de la population

chronique 7 jours croissance de la population

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité chronique vis-à-vis de Daphnia magna Strauss

en 7 jours - Essai simplifié d'inhibition de la croissance de la population

chronique 7 jours croissance de la population

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité a long terme de substances vis-à-vis de Daphnia

magna Straus (Clado., Crust.)

chronique 21 jours croissance de la population

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité aiguë létale de substances vis-à-vis d'un poisson

Référence Titre (essais vis-à-vis d'organismes aquatique) Type de toxicité

durée de

l'essai critère d'effet type d'organisme domaine d'application

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité aiguë létale de substances vis-à-vis d'un poisson

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité aiguë létale de substances vis-à-vis d'un poisson

Essais des eaux - Détermination de la toxicité aiguë d'une substance vis-à-vis de Salmo

Qualité de l'eau - Détermination de l'effet inhibiteur d'échantilons d'eau sur la luminescence de Vibrio fischeri -partie 3 : méthode utilisant des bactéries

lyophilisées)

Qualité de l'eau - Essai d'inhibition de la croissance des algues marines avec

Qualité de l'eau - Détermination de la toxicité létale aiguë vis-à-vis de copépodes marins

Essais des eaux - Détermination de la toxicité aiguë d'une substance vis-à-vis de Dicentrarchus

labrax - Méthode sans renouvellement du milieu

aiguë 24h létalité poisson marin produits

chimiques éluats salins

Référence Titre (essais vis-à-vis d'organismes terrestres) Type de toxicité

durée de

l'essai critère d'effet type d'organisme domaine d'application

Qualité des sols - Essai d'inhibition de la

croissance des végétaux par une substance court terme 14 jours biomasse

produite végétaux terrestres produits

Qualité du sol - Détermination des effets des polluants sur la flore du sol - Partie 1 : méthode de

mesurage de l'inhibition de la croissance des racines.

court terme 5 jours longueur des

racines végétaux terrestres

Titre : Qualité du sol - Effets des polluants vis-à-vis des vers de terre Eisenia fetida - Partie 1 : détermination de la toxicité aiguë en utilisant des

substrats de sol artificiel.

Titre : Qualité du sol - Effets des polluants vis-à-vis des vers de terre (Eisenia fetida) - Partie 2 :

détermination des effets sur la reproduction.

chronique 28 jours croissance de la

population vers de fumier produits

Titre : Qualité du sol - Effets des polluants vis-à-vis des vers de terre (Eisenia fetida) - Partie 3 : Lignes directrices relatives à la détermination des

effets sur site.

sur site - - - - vers de fumier essai sur site - -

ISO 11267 Avril 1999

Qualité du sol - Inhibition de la reproduction de Collembole (Folsomia candida) par des polluants

du sol

chronique 7 jours croissance de la

population insecte du sol

sols pollués boues déchets

- -

Référence Titre (normes générales) Type de

toxicité

durée de

l'essai critère d'effet type d'organisme domaine d'application

Qualité du sol - Lignes directrices relatives à la caractérisation écotoxicologique des sols et des

matériaux du sol.

norme générale - - - - - - - - - -

Chaque organisme ayant sa propre sensibilité aux toxiques, il est rapidement apparu nécessaire de pratiquer des batteries d'essais. La batterie classique minimale actuellement recommandée en France est constituée de deux essais aigus : Vibrio fischeri (bactérie) et Daphnia magna (crustacé), et d'un essai chronique : Pseudokirchneriella subcapitata (algue verte unicellulaire). D'autres batteries peuvent être définies en fonction des besoins ou des possibilités.

La figure 1, tiré d'une étude portant sur la toxicité de déchets industriels, illustre la variabilité de la sensibilité des organismes, et la nécessité de réaliser une batterie d'essais complémentaires pour obtenir une information complète.

Figure 1. Bio-essais : Daphinies, Microtox et Algues sur éluats filtrés à 100 microns

Dans le contexte haïtien, il semble préférable d'adapter les méthodologies normalisées existantes à des espèces autochtones (adaptées aux plages de températures existantes) plutôt que de se confronter aux problèmes de maintenance d'espèces européennes, qui exigeront des conditions d'élevages difficiles à maintenir. Une autre solution est de se reporter sur les essais avec des kits (Rotokkit®, Microtox®) qui permettent de s'affranchir des contraintes liées aux élevages des organismes mais qui restent d'un coût élevé.

L'utilité des essais d'écotoxicologie n'est plus à démontrer car il n'existe pas d'autre moyen pour intégrer les données issues des dosages physico-chimiques, et de leur donner une signification

environnementale. En effet, s'il est possible, théoriquement, de quantifier la totalité des polluants potentiellement présents dans une eau usée, dans un déchet, ou dans un sol pollué, cette démarche n'est jamais pratiquée pour des raisons techniques et financières. De plus, une série de données chimiques, aussi exhaustive soit-elle, ne donnera aucune information sur la toxicité ou l'innocuité de toutes ces substances en mélange. Seule la mise en contact directe d'organismes vivants avec la matrice étudiée donnera une information globale sur sa toxicité intrinsèque.

2. Présentation des méthodologies disponibles pour l'évaluation des risques