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Chapitre 4 Comparaison de méthodes de priorisation multi-objectifs et

4.2. Présentation des méthodes de priorisation multi-objectifs étudiées

Parmi les nombreuses méthodes d’optimisation multi-objectifs existantes (voir par exemple Collette & Siarry, 2002), j’en ai sélectionnées trois que j’ai adaptées aux spécificités de la planification de la conservation (appelées « méthodes de priorisation multi-objectifs » par la suite). Ces trois méthodes de priorisation multi-objectifs étant présentées en détail dans l’article P3 et dans les références qui y sont citées, je ne les décrirai que brièvement ici. Ces

méthodes s’appuient sur des principes théoriquement très différents, mais elles permettent toutes d’obtenir une unique valeur synthétique pour chaque unité de planification à partir des différents objectifs de conservation. Dans un but de généralisation, le terme « objectifs de conservation » est utilisé par la suite pour désigner les facettes de la diversité décrites dans le chapitre 3.

Premièrement, j’ai sélectionné une méthode de notation multi-critères traditionnellement utilisée en planification de la conservation (e.g. Dony & Denholm, 1985 ; Roberts et al., 2003b ; Wood & Dragicevic, 2007 ; Bergerot et al., 2008 ; Chantepie et al., 2011 ; Zhang et al., 2013), qui consiste à calculer une combinaison linéaire pondérée des différents objectifs. Le choix des poids à affecter à chaque objectif est généralement subjectif, ce qui représente l’un des principaux défauts des méthodes de notation multi-critères (cf. chapitre 1). En effet, il n’existe pas de procédure standardisée permettant de définir ces poids (JRCEC, 2008), certains choisissant de le faire après concertation avec des experts ou des acteurs locaux (e.g. Regan et al., 2007), et d’autres s’appuyant sur l’analyse statistique des corrélations entre les objectifs (e.g. Moffett et al., 2005). Souhaitant placer cette étude dans le cadre le plus général possible et ne disposant pas d’a priori sur l’importance relative des différents objectifs de conservation, j’ai choisi d’accorder le même poids à chacun d’eux, comme cela est le plus couramment fait dans cette situation (JRCEC, 2008 ; Dobbie & Dail, 2013 ; Langhans et al., 2014b). Ainsi, pour chaque zone, la priorité de conservation est égale à la somme des objectifs de conservation standardisés (Equation 2).

Score = ∑ 𝑤𝑖 ∗ 𝑂𝑏𝑗𝑖 𝑁𝑜𝑏𝑗

𝑖=1

(2)

avec Obji le ième objectif de conservation, wi la pondération associée à l’objectif i (avec ∑wi = 1)

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Deuxièmement, les objectifs de conservation ont été utilisés comme données d’entrée (i.e. input data) dans Zonation v3.019 (Moilanen et al., 2009a), qui est un logiciel de

planification de la conservation librement utilisable. L’utilisation de ce type de logiciel pour synthétiser différents objectifs de conservation est notamment conseillée par McDonnell et al. (2002) et Regan et al. (2007), car elle permet de tenir compte des propriétés du logiciel utilisé (e.g. la complémentarité des zones sélectionnées), tout en conservant les caractéristiques initiales des objectifs de conservation (i.e. l’approche multi-facettes de la diversité dans notre cas). Cette méthode met ainsi en application l’une des manières prometteuses de combiner les approches de notation et les approches basées sur la complémentarité identifiée dans le chapitre 1 (Zeydanlı et al., 2012). De plus, les sorties (i.e. output) du logiciel Zonation possèdent deux propriétés majeures que ne proposent pas les autres méthodes :

(i) Les zones identifiées comme ayant les plus fortes priorités de conservation sont complémentaires sur la base des différents objectifs de conservation considérés, selon le principe de complémentarité défini par Vane-Wright et al. (1991).

(ii) Les priorités de conservation tiennent compte de la proximité des zones le long du réseau hydrographique (i.e. connectivité longitudinale) (Moilanen et al., 2008). Ainsi, deux zones présentant de fortes valeurs pour les différents objectifs et étant de plus voisines (le long du gradient amont-aval) obtiendront des priorités de conservation plus élevées que si elles étaient éloignées et entourées de zones à faible intérêt de conservation. Cette propriété est intéressante car elle s’appuie sur la théorie de la biogéographie insulaire (MacArthur & Wilson, 1967), qui stipule notamment qu’une unique réserve de grande taille est plus efficace en termes de conservation que plusieurs petites réserves isolées (Diamond, 1975 ; Williams et al., 2004 ; Nicholson et al., 2006), même si cette théorie reste encore au cœur de nombreux débats (Marsh et al., 2014).

Le principe de Zonation est de classer l’ensemble des zones étudiées en fonction de leur importance respective pour le maintien de la biodiversité régionale. Pour cela, l’algorithme du logiciel débute en considérant l’ensemble des zones, puis calcule de manière itérative la perte de biodiversité qui est potentiellement engendrée par le retrait de chacune des zones, sur la base des caractéristiques biologiques considérées (e.g. les espèces présentes, les objectifs de conservation dans notre cas) (Moilanen et al., 2005). Cette procédure permet d’obtenir une carte hiérarchisée de la région étudiée où chaque zone est notée entre 0 (i.e. zones contribuant

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très faiblement à la biodiversité régionale et donc peu prioritaires en termes de conservation) et 1 (i.e. zones irremplaçables à protéger en priorité).

Troisièmement, j’ai considéré une dernière méthode basée sur le principe d’optimalité de Pareto, qui provient d’études socio-économiques réalisées au début du 20ème siècle (Pareto,

1906). Lorsqu’une solution à un problème multi-objectifs est identifiée comme optimale au sens de Pareto, cela implique qu’il n’existe pas d’autres solutions présentant des valeurs plus élevées pour tous les objectifs simultanément (la solution est alors dite « dominante ») (Reynolds & Ford, 1999 ; Zitzler & Thiele, 1999). Différentes études ont identifié l’optimalité de Pareto comme le principe le plus approprié pour résoudre les problèmes d’optimisation multi-objectifs, spécifiant que les solutions optimales obtenues devaient être considérées en priorité (Ascough et al., 2008 ; Moilanen et al., 2009b ; Irisarri et al., 2011). J’ai adapté et appliqué ce principe à la planification de la conservation en considérant chaque zone comme une solution et en comparant l’ensemble des zones selon le principe d’optimalité de Pareto. Le classement des zones s’effectue de la manière suivante (cf. article P3, Figure 1 pour une

représentation schématique de la méthode) :

(i) Les zones correspondant aux solutions optimales (i.e. non dominées, aucune zone ne présentant de valeurs plus fortes pour les quatre objectifs de conservation en même temps) constituent le premier rang (ou front) de Pareto (Reynolds & Ford, 1999 ; Zitzler & Thiele, 1999). Les plus fortes priorités de conservation sont alors affectées à ces zones, car celles-ci représentent le meilleur compromis entre les différents objectifs et ne peuvent être objectivement départagées (Rothley, 1999 ; Kennedy et al., 2008 ; Kramer et al., 2013)

(ii) Ces zones sont exclues de l’analyse et les nouvelles solutions optimales sont alors recherchées. Ces zones ainsi identifiées constituent le second rang de Pareto, auxquelles sont attribuées des priorités de conservation inférieures à celles des zones du premier rang. Les zones appartenant au second rang sont à leur tour retirées de l’analyse et cette étape est répétée jusqu’à qu’à ce que toutes les zones aient été affectées à un rang de Pareto.

(iii) Les zones sont ensuite classées de manière continue au sein de chaque rang. Pour cela, le nombre de zones dominées (i.e. présentant des valeurs inférieures pour les quatre objectifs simultanément) par chacune des zones est calculé. Au sein de chaque rang, la priorité de conservation des zones dominant un maximum d’autres zones est alors augmentée alors que celle des zones n’en dominant qu’un faible nombre reste

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inchangée. Cette dernière étape n’est pas obligatoire, le classement par rang étant généralement considéré comme idéal, mais elle permet d’obtenir un classement continu des zones qui soit comparable à celui obtenu avec les autres méthodes de priorisation multi-objectifs que j’ai étudiées.

Ainsi, les zones présentant les plus fortes priorités de conservation au sens de Pareto sont celles qui ne sont pas dominées et qui dominent un grand nombre d’autres zones, simultanément.

Les priorités de conservation obtenues en appliquant les trois méthodes de priorisation multi-objectifs aux quatre facettes de la diversité calculées à l’échelle française sont représentées dans la Figure 4.1.

Figure 4.1. Priorités de conservation pour les assemblages de poissons de rivière en France, d’après

trois méthodes : (a) notation multi-critères, (b) logiciel Zonation, et (c) principe d’optimalité de Pareto. Ces priorités de conservation sont représentées au moyen d’un gradient allant du bleu clair (priorités faibles) au bleu foncé (priorités élevées).

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On peut remarquer que les zones identifiées comme les plus prioritaires pour la conservation sont très similaires quelle que soit la méthode de priorisation considérée. En effet, les chaînes de montagnes (i.e. les Alpes, les Pyrénées et les Vosges), les petits bassins côtiers (i.e. une partie des côtiers atlantiques et méditerranéens, ainsi que ceux de la Manche et de la Bretagne) et la partie aval des grands fleuves (i.e. la Loire, la Seine, la Garonne et le Rhône) présentent systématiquement de fortes priorités de conservation.

4.3. Comparaisons empirique et théorique des méthodes de