• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Introduction

1.3. Les approches permettant d’identifier les actions prioritaires pour la gestion des

1.3.4. Comparaison et combinaison de ces deux types de méthodes

Plusieurs études ont appliqué les deux types de méthodes (i.e. de notation et basées sur la complémentarité) sur le même jeu de données, afin de réaliser une comparaison quantitative des résultats obtenus (e.g. Turpie, 1995 ; Williams et al., 1996 ; Kati et al., 2004 ; Abellán et al., 2005). La plupart de ces études ont mis en évidence que la principale différence entre les deux types de méthodes était leur « efficacité » respective. Dans ce contexte, cette efficacité est évaluée sur la base de deux objectifs : (i) maximiser le nombre d’espèces protégées par l’ensemble des zones sélectionnées (i.e. maximum-coverage) et (ii) minimiser le nombre total de zones à protéger pour conserver l’ensemble des espèces (i.e. minimum-set) (Pressey & Nicholls, 1989 ; Williams et al., 1996 ; Justus & Sarkar, 2002). Il n’est donc pas surprenant que, d’après cette définition de l’efficacité, les approches basées sur la complémentarité aient été identifiées comme plus efficaces que celles de notation (Simaika & Samways, 2009). Ceci s’explique essentiellement par le fait que les deux approches partagent le même enjeu (i.e. identifier les zones à protéger en priorité) mais n’ont pas le même objectif : les approches de notation fournissent une évaluation de l’intérêt de conservation respectif (i.e. un classement) d’un ensemble de zones, alors que les approches basées sur la complémentarité identifient un ensemble de zones qui permettent de représenter au mieux les espèces considérées (Simaika & Samways, 2009 ; Marignani & Blasi, 2012).

Afin de comparer ces deux types d’approches, j’ai détaillé ci-dessous leurs principaux avantages et inconvénients.

Les approches de notation ont pour avantages principaux :

(i) d’être simples à utiliser et à comprendre, facilitant ainsi la communication avec les gestionnaires (Sierra et al., 2002 ; Roberts et al., 2003b ; Abellán et al., 2005 ; Marignani & Blasi, 2012) ;

(ii) de pouvoir prendre en compte simultanément de nombreux critères d’évaluation, permettant d’obtenir une priorisation très complète si les critères retenus sont complémentaires (Fleishman et al., 2006 ; Stewart, 2011) ;

(iii) d’être, à ce jour, la seule approche permettant de prendre en considération certains critères pertinents pour la conservation, tels que la viabilité des populations, l’abondance des individus ou la diversité fonctionnelle et phylogénétique (Turpie, 1995 ; Root et al., 2003 ; Simaika & Samways, 2009).

32

A. Maire Chapitre 1 - Introduction

Cependant, les deux défauts principaux de ces approches sont :

(i) la possible non représentation de toutes les espèces considérées dans les zones présentant les plus fortes priorités de conservation, comme détaillé précédemment (Pressey & Nicholls, 1989 ; Williams et al., 1996 ; Justus & Sarkar, 2002) ;

(ii) la forte subjectivité du choix des critères d’évaluation à prendre en compte dans la priorisation, ainsi que de la pondération adoptée (Götmark et al., 1986 ; Rosset et al., 2013).

Les approches basées sur la complémentarité présentent aussi certains avantages, dont :

(i) leur efficacité à représenter un maximum d’espèces dans un nombre minimum de zones (Kershaw et al., 1994 ; Howard et al., 1998 ; Possingham et al., 2000) ; (ii) l’existence de logiciels de planification de la conservation librement utilisables, tels

que Zonation et Marxan, qui facilitent grandement l’application du principe de complémentarité (Moilanen et al., 2009c).

En revanche, les principaux défauts de ces approches sont :

(i) d’identifier dans certains cas un ensemble indivisible de zones à protéger, impliquant potentiellement une perte de complémentarité dans le cas où il serait impossible a posteriori de protéger l’une des zones prioritaires sélectionnées (pour des raisons socio-économiques par exemple), ce qui ne s’avère pas toujours approprié pour la mise en pratique des mesures de conservation (Prendergast et al., 1999 ; Meir et al., 2004 ; Cabeza & Moilanen, 2006 ; Regan et al., 2007 ; Wilhere et al., 2008 ; Arzamendia & Giraudo, 2011) ;

(ii) d’être limitées à une vision taxonomique des espèces, ces approches ne permettant pas de tenir compte des autres façons de distinguer les espèces (e.g. les distinctions fonctionnelles) dans l’évaluation de la complémentarité entre les zones (Justus & Sarkar, 2002 ; Regan et al., 2007 ; Simaika & Samways, 2009).

Les deux approches possèdent ainsi des avantages et des inconvénients qui leur sont propres, ce qui peut expliquer le fait que les deux types de méthodes soient toujours autant utilisés (Figure 1.6).

33

A. Maire Chapitre 1 - Introduction

Figure 1.6. Evolution du nombre d’études publiées chaque année et ayant utilisé soit une approche de

notation (barres blanches ; N = 61), soit une approche basée sur la complémentarité (barres grises ; N = 113) sur la période 1971-2013. Sur les 232 publications analysées au total, cinquante-huit d’entre elles n’ont pas appliqué l’une des deux approches en particulier et n’ont donc pas été représentées (modifiée d’après article P1, Figure 2).

Alors que les études précédemment citées ont cherché à comparer les deux approches, d’autres se sont focalisées sur les moyens pouvant permettre de les combiner, et ainsi de bénéficier de leurs avantages respectifs. Certaines ont choisi d’appliquer les deux approches séparément et de ne retenir que les zones sélectionnées en commun (e.g. Allnut et al., 2012 ; Marignani & Blasi, 2012). Un autre moyen mis en œuvre pour les combiner a été d’améliorer les fonctions de « coût » des récents algorithmes basés sur la complémentarité, en y intégrant des critères traditionnellement utilisés par les méthodes de notation (e.g. métriques phylogénétiques, vulnérabilité des espèces) (e.g. Arponen, 2012 ; Pouzols et al., 2012). Enfin, une façon prometteuse de combiner les deux approches est de les appliquer successivement. Par exemple, Roberts et al. (2003b) et Darwall & Vié (2005) ont tout d’abord combiné plusieurs critères biologiques et/ou socio-économiques pour identifier les zones potentiellement intéressantes pour la conservation, avant de retravailler cette sélection afin de s’assurer que les espèces et habitats clés étaient bien représentés sur l’ensemble des zones finalement sélectionnées. Un autre exemple de ce type de combinaison est l’utilisation d’un logiciel de planification de la conservation (e.g. Zonation, Marxan) avant ou après l’application d’une approche de notation. Par exemple, Strecker et al. (2011) ont d’abord calculé trois métriques de diversité, chacune associée à une facette de la biodiversité (taxonomique, fonctionnelle et phylogénétique) en utilisant Zonation, qu’ils ont ensuite 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Year N u m b e r o f re fe re n ce s 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Year N u m b e r o f re fe re n ce s 0 5 10 15 20 25 Scoring Complementarity-based Approche de notation

Approche basée sur la complémentarité

Année Nom b re d e réf é ren ce s

34

A. Maire Chapitre 1 - Introduction

additionnées afin d’identifier les zones qui, une fois protégées, maximiseront la représentation de ces trois facettes. Zeydanlı et al. (2012) ont quant à eux adopté la démarche inverse en calculant dans un premier temps plusieurs indices de diversité (e.g. la richesse spécifique, la rareté des espèces) avant de les utiliser comme données d’entrée dans le logiciel de planification Marxan, afin de s’assurer que l’ensemble des zones sélectionnées était représentatif des différents critères considérés (i.e. pour conserver les zones présentant le plus d’espèces mais aussi celles accueillant les espèces les plus rares).