Chapitre 2 Modélisation de la distribution spatiale des espèces de poissons
2.3. Données environnementales
La description des conditions environnementales dans chacune des zones (ou unités de planification) a été réalisée au moyen de plusieurs variables connues pour influencer la distribution spatiale des espèces de poissons (Jackson et al., 2001 ; Oberdorff et al., 2001 ; Lasne et al., 2007 ; Buisson & Grenouillet, 2009 ; Grenouillet et al., 2011 ; Laffaille et al.,
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2011). La plupart de ces variables ont été calculées à partir de données brutes (e.g. modèle numérique de terrain) en utilisant des outils de SIG (Système d’Information Géographique) à l’aide du logiciel ArcGIS (version 10 ; ESRI, 2011), et des scripts que j’ai développés avec le logiciel R (version 2.14.2 ; R Development Core Team, 2012).
Tout d’abord, quatre variables ont été utilisées pour décrire les caractéristiques hydrographiques de chaque zone étudiée :
La région hydrographique à laquelle appartient la zone (i.e. Seine, Garonne, Rhône, Loire, Rhin-Meuse-Escaut, Adour, côtiers méditerranéens, côtiers atlantiques et côtiers de la Manche ; découpage modifié d’après Oberdorff et al., 2001) (Figure
2.2). Ces grands bassins biogéographiques sont théoriquement très peu connectés (à
l’exception des canaux de navigation) et représentent généralement une forte limitation à la dispersion des espèces (Oberdorff et al., 2001), d’où leur rôle important dans la distribution spatiale des espèces de poissons.
La superficie du bassin versant drainée en amont (km²), qui a été soit calculée à partir de la BD CARTHAGE®8 de l’IGN, soit extraite du Réseau Hydrographique
Théorique français (RHT9 ; Pella et al., 2012), selon l’échelle spatiale considérée.
Cette variable informe sur le débit et sur l’énergie disponible localement pour l’écosystème (Jackson et al., 2001).
La place relative dans le gradient amont-aval (i.e. longitudinal), qui prend la forme d’un score continu allant de 0 (embouchure) à 1 (source). Cette variable a été obtenue en partant des données brutes de la BD CARTHAGE® et en recréant la hiérarchie du réseau hydrographique (i.e. en retraçant le chemin d’écoulement de l’eau à partir de chacune des sources jusqu’à l’embouchure associée). De nombreuses études ont montré que les communautés de poissons sont fortement structurées longitudinalement au sein de chaque bassin versant (Huet, 1959 ; Vannote et al., 1980 ; Lasne et al., 2007 ; Laffaille et al., 2011), soulignant l’importance d’inclure cette variable dans les modèles.
La pente moyenne de la zone (‰), calculée à partir de la BD ALTI®10, qui est le modèle numérique de terrain (MNT) de l’Institut National Géographique (IGN). Cette variable informe localement sur la vitesse du courant et la nature du cours d’eau (Laffaille et al., 2011).
8 BD CARTHAGE® : http://professionnels.ign.fr/bdcarthage 9 RHT : http://www.irstea.fr/rht
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Figure 2.2. Découpage du réseau hydrographique français en régions hydrographiques.
Puis, quatre variables ont été considérées afin de décrire localement les conditions climatiques, en se focalisant sur la température et les précipitations. Plusieurs études ont en effet montré que le climat joue un rôle essentiel dans la répartition spatiale des espèces et des communautés de poissons, chaque espèce ayant ses propres préférences climatiques (Jackson et al., 2001 ; Buisson et al., 2008a ; Logez et al., 2012 ; Comte et al., 2013). Comme cela est classiquement fait (e.g. Oberdorff et al., 2001 ; Pont et al., 2005 ; Lasne et al., 2007 ; Buisson et al., 2013), la température de l’air a été utilisée comme une approximation de la température de l’eau, les données sur la température de l’eau étant en général disponibles seulement pour un nombre limité de sites de suivi. De plus, ces deux températures sont fortement corrélées positivement (Caissie, 2006), en particulier dans le cas d’études à large échelle. Selon les objectifs des analyses, ces variables ont été soit extraites de la base de données WorldClim11 (décrivant les conditions climatiques actuelles en s’appuyant sur les données observées sur la période 1950-2000 ; Hijmans et al., 2005), soit fournies par Météo France sur la base du modèle ALADIN-Climat12.
11 WorldClim : http://www.worldclim.org
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Les variables climatiques considérées sont : La température annuelle moyenne (°C).
L’écart moyen de température entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid (°C).
Les précipitations annuelles moyennes sur le bassin versant drainé en amont (mm). L’écart moyen de précipitations sur le bassin versant drainé en amont entre le mois le
plus humide et le mois le plus sec (mm).
Pour compléter les informations fournies par les variables hydrographiques et climatiques détaillées précédemment, plusieurs variables décrivant des pressions anthropiques ont été calculées :
La densité de population humaine (nombre d’habitants/km²), qui a été extraite, suivant l’objectif de l’étude, soit de la base de données GEOFLA®13 de l’IGN, soit
du modèle PHOENIX14 (Hilderink, 2006). Cette variable informe localement sur le
niveau et l’intensité de l’urbanisation, dont le fort impact sur les milieux aquatiques et les communautés de poissons a été mis en évidence à de nombreuses reprises (e.g. Paul & Meyer, 2001 ; Wang et al., 2001 ; Morgan & Cushman, 2005 ; Violin et al., 2011).
Un indice synthétique approximant la « qualité » de l’eau à partir de variables d’occupation du sol. Pour obtenir cet indice, j’ai utilisé le niveau le plus grossier de distinction entre occupations du sol fourni par la base de données européenne CORINE Land Cover15 (Bossard et al., 2000). Une analyse en composantes
principales (ACP) a été réalisée sur les pourcentages de surfaces agricoles et forestières en amont de chacune des zones étudiées. L’indice synthétique a ensuite été obtenu en considérant le premier axe de cette ACP, représentant plus de 90% de la variabilité des données. Celui-ci a été utilisé pour évaluer l’impact des activités agricoles en amont. En effet, ces activités peuvent être responsables de pollutions chimiques et organiques des eaux, de la dégradation des habitats et d’une réduction des débits due aux prélèvements pour l’irrigation (Allan, 2004 ; Poole et al., 2013 ; Lange et al., 2014).
13 GEOFLA® : http://professionnel.ign.fr/geofla
14 PHOENIX : http://themasites.pbl.nl/models/image/index.php/Human_development
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La densité d’ouvrages hydrauliques (nombre d’ouvrages par kilomètre de rivière), calculée à partir du Référentiel des Obstacles à l’Ecoulement16 (ROE) de l’ONEMA.
Cette variable traduit la fragmentation locale du réseau hydrographique, qui peut fortement influencer la qualité des habitats en modifiant les régimes d’écoulement, et par conséquent avoir une influence sur la structure des assemblages de poissons (Joy & Death, 2001 ; Poff et al., 2007 ; Perkin & Gido, 2012).
Les différentes variables environnementales considérées sont récapitulées dans la
Figure 2.3.
Figure 2.3. Synthèse des variables environnementales utilisées pour modéliser la distribution spatiales
des espèces de poissons.