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Chapitre 3 Développement d’une approche multi-facettes de la diversité

3.2. Définition des facettes de la diversité et des indices considérés

3.2.2. Diversité fonctionnelle

La diversité fonctionnelle d’un assemblage représente la diversité de traits biologiques, écologiques et fonctionnels des espèces qui le composent (Dı́az & Cabido, 2001 ; Villéger et al., 2008). Pour l’évaluation de cette facette de la diversité, deux éléments sont cruciaux : (i) le choix des traits et de leurs modalités permettant de caractériser et de différencier fonctionnellement les différentes espèces considérées, et (ii) le choix de la mesure (i.e. indice) de diversité fonctionnelle permettant de synthétiser quantitativement la diversité de traits rencontrés (Petchey & Gaston, 2006). Concernant le premier élément, j’ai considéré 21 traits biologiques différents, dont les modalités pour chaque espèce ont été collectées à partir de la littérature (e.g. Buisson & Grenouillet, 2009 ; Keith et al., 2011 ; Logez et al., 2013), de l’outil FishBase (Froese & Pauly, 2014) et d’informations sur dires d’experts. Tous ces traits sont catégoriels et décrivent les espèces sur la base de caractéristiques très variées (e.g. morphologie, reproduction, habitat, alimentation) (Tableau 3.1). Pour le second élément, j’ai dû sélectionner, parmi la multitude d’indices de diversité fonctionnelle existants (voir par exemple Schleuter et al., 2010), des indices qui soient applicables à des données uniquement binaires (i.e. présence-absence) et à des assemblages potentiellement constitués de peu d’espèces, mais qui évaluent également différents aspects de la diversité fonctionnelle. Trois indices répondant à ces critères ont été retenus :

La diversité de traits (Trait Diversity, TD) mesure la diversité globale de modalités de trait des espèces composant l’assemblage (Buisson & Grenouillet, 2009). Pour chaque trait, une matrice de dissimilarité basée sur la distance de Jaccard (Legendre & Legendre, 1998) est tout d’abord calculée entre toutes les espèces considérées. Les 21 matrices résultantes sont ensuite synthétisées à l’aide de leur moyenne quadratique afin de construire une unique matrice globale de dissimilarité entre les espèces basée sur leurs traits biologiques. L’indice final TD est obtenu en croisant cette matrice avec l’assemblage d’espèces présent. Ainsi, plus l’indice TD d’un assemblage est élevé, plus le nombre de modalités représentées pour chaque trait est grand.

L’originalité fonctionnelle de l’assemblage d’espèces (Functional originality, Fori),

évalue l’originalité en termes de traits biologiques des espèces présentes par rapport au pool régional d’espèces (Buisson et al., 2013 ; Mouillot et al., 2013b). Pour le calcul de cet indice, j’ai suivi la procédure proposée par Villéger et al. (2008) et Buisson et al. (2013), en construisant tout d’abord un espace fonctionnel multidimensionnel basé sur les 21 traits considérés. J’ai ainsi utilisé la distance de Gower (Gower, 1966), calculée

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entre chaque paire d’espèces, pour constituer la matrice de distance fonctionnelle correspondante. Une analyse en coordonnées principales (ACoP) a ensuite été appliquée à cette matrice afin d’en synthétiser les informations sous la forme d’axes principaux (Legendre & Legendre, 1998). Les trois premiers axes de l’ACoP, représentant environ 40% de la variabilité totale, ont été conservés pour construire l’espace fonctionnel (Figure 3.1). Pour chaque espèce, l’originalité fonctionnelle correspond à la distance euclidienne entre la position de l’espèce considérée et la position de l’espèce moyenne théorique dans l’espace fonctionnel (i.e. le centre de l’espace fonctionnel). L’indice final Fori est obtenu en calculant la moyenne de l’originalité fonctionnelle des espèces

présentes dans l’assemblage.

La singularité fonctionnelle de l’assemblage d’espèces (Functional uniqueness, Funi)

mesure la redondance fonctionnelle des espèces présentes (Buisson et al., 2013 ; Mouillot et al., 2013b). Cet indice est calculé de la même manière que l’indice Fori, à la

différence près que la singularité fonctionnelle de chaque espèce correspond à la distance euclidienne entre la position de l’espèce considérée et la position de l’espèce la plus proche dans l’espace fonctionnel (Figure 3.1). Ainsi, plus l’indice Funi est grand,

moins les espèces qui constituent l’assemblage étudié sont redondantes d’un point de vue fonctionnel, suggérant potentiellement un fort intérêt de conservation pour cet assemblage.

Figure 3.1. Représentation schématique de

l’originalité et de la singularité fonctionnelle des espèces. L’exemple théorique d’un assemblage à six espèces (A à F) est représenté dans un espace fonctionnel à deux dimensions, afin d’en faciliter la visualisation et la compréhension, mais le principe serait exactement le même pour un espace à plus de deux dimensions. Le point O (croix noir) indique le centre de l’espace fonctionnel (i.e. l’espèce moyenne théorique). L’espèce A est à la fois fonctionnellement originale (éloignée de O) et singulière (éloignée des autres espèces). Les espèces B et C sont elles aussi originales mais sont au contraire fonctionnellement redondantes (i.e. proches l’une de l’autre). L’espèce D n’est pas originale (proche de O) mais est singulière, tandis que les espèces E et F sont toutes deux peu originales et peu singulières (d’après Buisson et al., 2013).

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Tableau 3.1. Liste des traits et des modalités utilisés pour l’évaluation de la diversité fonctionnelle.

Trait Modalités

A B C D E

Préférence d’habitat :

Vitesse d’écoulement Rhéophilique Limnophilique Sans préférence - - Alimentation Pélagique Benthopélagique Benthique - - Hors alimentation Pélagique Benthopélagique Benthique - -

Salinité Euryhaline Sténohaline - - -

Type de migration Potamodrome Catadrome Anadrome Aucune - Type de ponte Phytophilique Lithophilique Polyphilique Pelagophilique Abris Fécondité (nombre d'ovocytes) < 10000 10000 - 100000 > 100000 - - Fécondité relative (nombre d'ovocytes/g) < 57 57 - 200 > 200 - - Diamètre des ovocytes (mm) < 1.35 1.35 - 2.00 > 2.00 - -

Nombre de pontes 1 > 1 - - -

Période d'incubation (jours) < 8 8 - 14 > 14 - - Longueur des larves (mm) < 4.2 4.2 - 6.3 > 6.3 - - Type de protection parentale Aucune Nid ou abris Protection + nid ou abris - - Maturité sexuelle des femelles (année) < 2 2 - 3 3 - 4 4 - 5 > 5 Longévité (année) < 8 8 - 15 > 15 - - Coefficient natatoire (ratio longueur

caudale/pédoncule caudal) < 4.35 4.35 - 4.78 4.78 - 5.60 > 5.60 - Coefficient morphologique (ratio

longueur/largeur du corps) < 0.35 0.35 - 0.43 > 0.43 - - Catégorie trophique du stade de développement

majoritairement observé en France Détritivore Phytivore Omnivore Zoovore Piscivore Longueur moyenne du corps (cm) < 125 125 - 250 250 - 400 > 400 - Longueur maximale du corps (cm) < 250 250 - 500 500 - 750 > 750 - Tolérance thermique Eurytherme Sténotherme chaud Sténotherme froid - -