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Chapitre 7 Conclusions et perspectives

7.1. Conclusions générales

L’objectif de cette thèse était de développer une méthode permettant d’identifier les zones prioritaires pour la conservation et la restauration des écosystèmes aquatiques continentaux et des assemblages de poissons qu’ils accueillent. Les travaux que j’ai menés dans ce but se sont situés à l’interface entre la recherche fondamentale, avec des questionnements méthodologiques complexes et novateurs, et la recherche appliquée, en échangeant fréquemment avec les acteurs locaux de la gestion des milieux aquatiques. Ces travaux ont permis de mettre au point un outil de planification applicable à différentes échelles, que j’ai souhaité simple à mettre en œuvre (i.e. les scripts que j’ai programmés et utilisés sont disponibles sur demande) et rapide à exécuter (i.e. le temps requis pour faire tourner les différents calculs est d’environ une dizaine de minutes). Suivant les cas, la méthodologie proposée peut être utilisée pour :

 déterminer les priorités globales de conservation (i.e. à large échelle) qui tiennent compte de la biodiversité actuelle et de ses éventuelles modifications dans le futur sous différents scénarios de changements globaux ;

 identifier précisément les mesures de gestion qu’il serait souhaitable de mettre en place en priorité à l’échelle locale, à la fois concernant la protection des milieux naturels et la restauration de leurs conditions environnementales naturelles.

Une des caractéristiques intéressantes de la méthode de priorisation proposée est qu’elle s’avère aisément transposable à d’autres échelles spatiales, milieux ou organismes. Certains prérequis doivent néanmoins être satisfaits avant de pouvoir effectivement l’appliquer. Tout d’abord, il est nécessaire d’obtenir une description la plus exacte possible des caractéristiques biologiques (e.g. assemblages d’espèces) de l’ensemble des zones que l’on cherche à évaluer. Un échantillonnage exhaustif de ces zones peut être réalisé, mais il est parfois préférable d’estimer ces caractéristiques biologiques au moyen d’approches de modélisation. En effet, ces dernières peuvent être ensuite utilisées pour prédire l’état de ces caractéristiques biologiques dans d’autres conditions environnementales, notamment dans des conditions futures (cf. chapitre 5) ou peu perturbées (cf. chapitre 6). Après avoir rassemblé les données sur les assemblages d’espèces, il est ensuite nécessaire de décrire chacune des espèces selon les différentes facettes de la diversité que l’on souhaite intégrer dans l’étude (e.g. déterminer le statut de conservation et/ou l’intérêt socio-économique des espèces observées). Pour finir, la méthodologie proposée laisse une grande liberté sur un certain nombre de choix méthodologiques, comme par exemple concernant l’importance relative à

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accorder aux différentes facettes ou la méthode de priorisation multi-objectifs à appliquer. Dans l’idéal, ces choix devront être faits après concertation avec les gestionnaires et acteurs locaux, afin de pouvoir leur proposer des solutions adaptées à leurs besoins.

L’application des méthodes développées dans ma thèse a permis d’identifier les zones qui, si elles sont protégées, permettraient de conserver durablement la biodiversité des poissons de rivière actuelle et future à l’échelle française. Afin de compléter ces résultats, j’ai estimé la proportion de ces zones qui est d’ores et déjà protégée (i.e. incluse dans une réserve naturelle). Pour cela, j’ai évalué le taux de superposition entre les zones que j’ai identifiées comme prioritaires à conserver pour les poissons de rivière (i.e. 406 ZH ; cf. chapitre 5) et le réseau de réserves naturelles actuellement mis en place, qui s’étend sur une superficie totale de 47700 km² en France métropolitaine (Corse exclue) (Figure 7.1). Seule 28% de la superficie des 406 ZH prioritaires (zones représentées en bleu sur la Figure 7.1) s’avère actuellement protégée. Ce résultat suggère que, sur la base de la priorisation réalisée et des critères d’évaluation de la biodiversité considérés, le réseau actuel de réserves naturelles semble peu efficace pour protéger la diversité actuelle et future des assemblages de poissons du réseau hydrographique français. Ce constat semble d’autant plus vrai si l’on considère également les incertitudes qui existent concernant la capacité de ces réserves à protéger la biodiversité aquatique de manière plus générale (Saunders et al., 2002 ; Abell et al., 2007 ; Amis et al., 2009 ; Chessman, 2013). Ceci confirme ainsi la nécessité de mettre en place de nouvelles réserves qui soient dédiées plus spécifiquement à la protection des milieux aquatiques (Abell, 2002 ; Roux et al., 2008 ; Nel et al., 2011). Les analyses préliminaires réalisées ont permis d’identifier un ensemble de zones qui compléterait idéalement le réseau actuel de réserves naturelles (zones représentées en vert sur la Figure 7.1), couvrant une superficie totale de 15100 km². En augmentant d’environ un tiers la superficie du réseau actuel de réserves, il serait ainsi possible d’obtenir une protection plus efficace et durable de la biodiversité des poissons de rivière en France.

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Figure 7.1. Zones hydrographiques (ZH) identifiées comme prioritaires à protéger et réseau actuel de

réserves naturelles continentales en France. Seules les réserves naturelles impliquant une protection législative des écosystèmes ont été considérées ici, c’est-à-dire les zones Natura 2000, les zones centrales des parcs nationaux et des réserves de biosphère, les réserves naturelles nationales (RNN) et les zones couvertes par un arrêté préfectoral de protection du biotope (APB). La liste des zones concernées, ainsi que les informations géographiques associées sont disponibles sur le site de l’INPN24

(Inventaire National du Patrimoine Naturel). Les 406 ZH identifiées comme prioritaires à protéger (cf. chapitre 5) ont été représentées soit en bleu si elles se situent au sein d’une des réserves naturelles considérées, soit en vert si elles ne se situent pas dans l’une de ces réserves. Les réserves naturelles continentales ne contenant pas de ZH prioritaires sont représentées en gris foncé.

Par ailleurs, plusieurs études ont montré que les changements globaux pouvaient représenter une forte menace pour les zones actuellement protégées et la biodiversité qu’elles accueillent (e.g. Araújo et al., 2011 ; Iwamura et al., 2013 ; Markovic et al., 2014), soulignant ainsi l’importance de maintenir et de multiplier les efforts visant à débloquer de nouveaux

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moyens financiers et humains pour améliorer la couverture des réserves naturelles (Hannah et al., 2007 ; Venter et al., 2014). En complément d’une augmentation significative des fonds alloués à la protection de la biodiversité, une remise en question du réseau actuel de réserves naturelles pourrait être entreprise, dans le but d’identifier les réserves qui ne protègeront plus efficacement la biodiversité dans le futur (Alagador et al., 2014 ; Markovic et al., 2014). En limitant la gestion de ces réserves potentiellement inefficaces, des moyens financiers et humains supplémentaires pourraient être libérés et réinvestis dans le développement de nouvelles réserves (Fuller et al., 2010 ; McCarthy et al., 2012 ; Shaw et al., 2012). Toutefois, il semble au préalable nécessaire de prédire plus précisément les changements de distribution spatiale d’un certain nombre d’espèces à fort enjeu de conservation (e.g. les espèces rares, migratrices ou invasives) (Runge et al., 2014 ; Platts et al., 2014). Cela passera inévitablement par un examen plus fin des trajectoires d’évolution de la biodiversité, en explorant et comprenant mieux les mécanismes à l’origine de la réponse des espèces aux changements environnementaux (Mokany et al., 2012 ; Comte et al., 2013 ; Franklin, 2013 ; Hannah et al., 2014).

Enfin, la transférabilité des méthodes développées durant ma thèse à des organismes autres que les poissons pourrait permettre d’évaluer la biodiversité des zones étudiées de façon plus globale et, à terme, de considérer simultanément différents types d’écosystèmes (terrestres et aquatiques). Ceci permettrait de privilégier la conservation des zones dont la protection serait bénéfique pour le plus d’écosystèmes différents, et ainsi d’améliorer l’efficacité des réserves naturelles à préserver la diversité biologique sous ses différentes formes (Amis et al., 2009 ; Heino et al., 2009 ; Nel et al., 2009a ; Beger et al., 2010 ; Adams et al., 2014). Il serait pour cela possible d’utiliser par exemple les bases de données sur les oiseaux (e.g. le projet STOC25, Suivi Temporel des Oiseaux Communs) et les papillons (e.g.

Observatoire des Papillons des jardins26) disponibles à l’échelle de la France.