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Présentation de la méthode d’enveloppement de données

2.8 Annexes du chapitre 2

2.8.1 Présentation de la méthode d’enveloppement de données

La méthode d’enveloppement de données (Data Envelopment Analysis - DEA) est une méthode non paramétrique d’estimation de frontières de production, de coût ou de profit. La construction d’une frontière permet de mesurer l’inefficacité des établissements par la distance séparant chacun d’eux de cette frontière. Lorsqu’il s’agit d’une frontière de production, l’inefficacité technique est ainsi calculée dans un repère associant les ressources utilisées au niveau de production d’un (ou de plusieurs) output(s).

Nous présentons un exemple simplifié de frontière de production pour illustrer la mé-

thode d’enveloppement de données avec une mesure d’efficacité en termes d’inputs43. Nous

supposons que pour produire une quantité Y de journées-résidents, les maisons de retraite

ont recours à un seul facteur de production : du travail infirmier (𝐿𝐼𝑛𝑓). Les niveaux d’out-

puts produits et d’inputs utilisés de cinq maisons de retraite sont présentés dans le tableau

2.13. Il est possible de représenter dans l’espace des productions (𝐿𝐼𝑛𝑓,𝑌 ) ces observations

et de construire à partir de ces points la frontière de production (figure 2.5), i.e. le mi- nimum d’heures employées pour chaque quantité de journées-résidents réalisées. Puisque nous utilisons ici une mesure orientée inputs, les scores d’inefficacité sont mesurés horizon- talement : l’établissement 3 est ainsi le seul situé sur la frontière de production et donc le seul efficace ; la maison de retraite 2 est inefficace et peut réduire sa quantité d’infirmiers de moitié sans diminuer le nombre de journées-résidents réalisées.

Nous avons jusqu’alors raisonné comme si la technologie de production était à ren- dements constants, ce qui signifie que, quel que soit le nombre de journées-résidents ef- fectuées, le nombre d’infirmiers requis pour chaque journée-résident est le même. Or, il peut exister des rendements d’échelle croissants ou décroissants. Si l’on suppose que l’on est en présence de rendements croissants, l’établissement 1 peut être efficace puisque le nombre d’infirmiers requis par journée-résident est alors plus élevé lorsque l’établissement ne réalise que 10 journées-résidents que lorsqu’il en réalise 30. A l’inverse, si l’on est en

42. Certains schémas gérontologiques départementaux, à l’instar de celui de la Vendée, mentionnent ainsi des tailles optimales largement inférieures à 80 lits : "établissement à taille humaine de 24 places" (Source : Conseil Général de Vendée, Plan Bien vieillir en Vendée 2010-2014, 2010).

présence de rendements d’échelle décroissants, c’est la maison de retraite 5 qui est peut-être efficace. La construction de frontières sous différentes hypothèses de rendements permet ainsi d’évaluer les rendements d’échelle. La distance entre la frontière de production ob- tenue à partir de rendements d’échelle constants et celle obtenue à partir de rendements

d’échelle variables correspond aux inefficacités d’échelle44. Pour connaître la nature de ces

rendements d’échelle, nous devons construire une troisième frontière de production cor- respondant à une hypothèse de rendements d’échelle non croissants. Lorsque celle-ci est confondue avec la frontière obtenue à partir de rendements variables, cela signifie que les

rendements d’échelle sont décroissants ; dans le cas inverse, ils sont croissants45. A l’instar

de Dervaux et al. (2006), nous utilisons dans notre étude la comparaison de différentes frontières de coût - avec rendements constants, variables et non croissants - pour évaluer la présence d’économies d’échelle. Cette technique n’est utilisée que dans peu d’études non paramétriques. Nyman et Bricker (1988) [115], Fizel et Nunnikhoven (1992) [58], Chatto- padhyay et Heffley (1994) [28] et Rosko et al. (1995) [129] ont tous utilisé une méthode DEA avec hypothèse de rendements constants pour identifier les scores d’inefficacité ; ils ont ensuite régressé ces scores sur plusieurs variables de contrôle, dont la taille des maisons de retraite, pour évaluer la présence d’éventuelles d’économies d’échelle.

Table 2.13 – Exemple d’application de la méthode DEA : heures infirmiers et journées- résidents de cinq maisons de retraite

Maison de retraite output Y input L𝐼𝑛𝑓

1 10 2

2 20 4

3 30 3

4 40 5

5 50 6

Si un problème simple comme celui présenté en exemple peut être résolu par un rai- sonnement graphique, il n’en va bien évidemment pas de même pour des problèmes plus réalistes intégrant de multiples organisations qui produisent plusieurs outputs à partir de plusieurs inputs. Une formulation mathématique est alors nécessaire. Le programme d’op-

44. Pour avoir une mesure des rendements d’échelle, par exemple pour l’établissement 1, nous calculons le ratio=1/2=0,5 (mesure horizontale orientée inputs). Nous en déduisons que la taille de l’établissement 1 n’est pas optimale puisqu’il peut être plus efficace en modifiant son niveau de production. Lorsque le ratio est égal à 1, l’établissement a une taille de production optimale.

45. Dans notre exemple, l’établissement 1 présente des rendements d’échelle croissants puisque la frontière de production obtenue sous hypothèse de rendements non croissants n’est pas confondue avec la frontière de production obtenue sous hypothèse de rendements variables.

Figure 2.5 – Exemple d’application de la méthode DEA : frontières de production avec technologies à rendements constants, variables et non croissants

timisation linéaire pour une technologie de production à rendements d’échelle constants est le suivant : 𝑚𝑖𝑛𝜆,𝜃 𝜃 sous contraintes : −𝑦𝑒𝑗+ 𝜆.𝑌𝑗 ≥ 0, ∀𝑗 ∈ 𝐽 𝜃.𝑥𝑘𝑒− 𝜆.𝑋𝑘≥ 0, ∀𝑘 ∈ 𝐾 𝜆 ≥ 0

avec 𝜃 un scalaire, E le nombre d’établissements de l’échantillon, 𝜆 un vecteur de E*1

constantes, K le nombre d’inputs, J le nombre d’outputs, 𝑥𝑘𝑒 la quantité d’input k (i.e.

le personnel de catégorie k ) de l’établissement e, 𝑦𝑗𝑒 le niveau d’output j (le nombre de

journées-résidents de degré de dépendance j ) de l’établissement e, 𝑋𝑘 et 𝑌𝑗 les vecteurs

d’input k et d’output j de tous les établissements de l’échantillon. Pour une technologie de production à rendements variables, nous ajoutons une contrainte dans le programme

de minimisation : 𝐸1′𝜆 = 1, avec 𝐸1 un vecteur E*1 de 1. Les maisons de retraite ne

sont plus alors comparées qu’avec des établissements de taille similaire. Dans le cas d’une

technologie à rendements d’échelle non croissants, nous posons à l’inverse 𝐸1′𝜆 ≤ 1.

Pour modéliser une frontière de coût et ainsi évaluer l’inefficacité-coût des établisse- ments, le programme d’optimisation est légèrement différent. Puisqu’il s’agit d’une mini-

misation des coûts, l’intégration des prix d’inputs est nécessaire : 𝑚𝑖𝑛𝜆,𝑥𝑘 𝑒 𝑤 𝑘 𝑒′𝑥𝑘𝑒, ∀𝑘 ∈ 𝐾 sous contraintes : −𝑦𝑗 𝑒+ 𝜆.𝑌𝑗 ≥ 0, ∀𝑗 ∈ 𝐽 𝑥𝑘𝑒− 𝜆.𝑋𝑘 ≥ 0, ∀𝑘 ∈ 𝐾 𝜆 ≥ 0

avec 𝑤𝑒𝑘 le salaire moyen de la catégorie de personnel k de l’établissement e.