• Aucun résultat trouvé

Etude des économies de gamme et des économies d’échelle spécifiques

2.6 Résultats

2.6.2 Etude des économies de gamme et des économies d’échelle spécifiques

L’activité des établissements n’est pas homogène et peut varier selon les degrés de dépendance des personnes âgées accueillies. Nous présentons dans le tableau 2.9 les pro- portions moyennes de chaque catégorie de résidents pour les établissements de notre échan- tillon. La plupart d’entre eux (97,9%) accueillent des résidents de chaque catégorie de dé- pendance, mais le nombre de journées correspondant aux résidents de dépendance lourde (de GIR 1 et 2) est toutefois, en moyenne, beaucoup plus important.

Table 2.9 – Proportions moyennes des catégories GIR des résidents accueillis en maison de retraite

N (GIR 1-2) (GIR 3-4) (GIR 5-6) EHPAD sans résident en GIR 5 et 6 22 69,2% 30,8% - EHPAD avec toutes les catégories de résidents 1 043 47,4% 35,5% 17,1%

Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD Source : enquête EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

Analyse des économies de gamme. Nous présentons dans le tableau 2.10 les écono-

mies de gamme totales et spécifiques à chaque catégorie de résidents37, calculées à partir

des résultats d’estimation du modèle de coût hybride38.

Table 2.10 – Economies de gamme totales et spécifiques selon la taille de l’établissement

50% moy. 75% moy. moyenne 125% moy. 150% moy.

(𝑌𝐺𝐼𝑅12)+(𝑌𝐺𝐼𝑅34)+(𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,14 -0,18 -0,22 -0,24 -0,25

(𝑌𝐺𝐼𝑅12)+(𝑌𝐺𝐼𝑅34+ 𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,12 -0,16 -0,20 -0,22 -0,23

(𝑌𝐺𝐼𝑅34)+(𝑌𝐺𝐼𝑅12+ 𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,12 -0,16 -0,20 -0,23 -0,70

(𝑌𝐺𝐼𝑅56)+(𝑌𝐺𝐼𝑅12+ 𝑌𝐺𝐼𝑅34) -0,03 -0,03 -0,03 -0,01 0,01

Nombre de lits 40 60 80 100 120

Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : DADS 2008 (INSEE), enquêtes MAUVE 2010 et EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

Nous observons des déséconomies de gamme totales et spécifiques pour chacun des outputs à tous les niveaux. Il ne semble donc pas pertinent, en termes de coûts, de se spé- cialiser dans une seule catégorie de dépendance. Les déséconomies de gamme globales sont d’autant plus grandes que la taille de l’établissement est importante ; plus l’établissement est grand, plus il est ainsi préférable qu’il soit spécialisé. Nous remarquons néanmoins que les déséconomies de gamme spécifiques aux résidents de dépendance légère (GIR 5 et 6) sont beaucoup plus faibles que celles spécifiques à l’accueil de résidents de lourde ou de moyenne dépendance. Ces déséconomies de gamme spécifiques aux GIR 5 et 6 tendent même à se réduire, jusqu’à devenir positives pour de grands établissements de 120 lits ou plus. L’accueil de résidents de faible dépendance ne génèrerait ainsi pas d’économies de coûts dans les établissements qui y seraient éventuellement spécialisés.

37. Ces estimations ont été réalisées à partir des valeurs moyennes des variables quantitatives (autres que celles d’output) et des valeurs modales des variables qualitatives.

38. Les résultats d’estimation paramétrique du modèle de coût hybride sont présentés en annexe dans le tableau 2.22.

Nous présentons dans le tableau 2.11 les économies de gamme calculées à partir des estimations en analyse stochastique de frontière du modèle hybride pour chaque sous-groupe d’établissements répartis par statut. Ces économies de gamme ont été calculées pour une taille moyenne des établissements d’environ 80 lits. Nous observons des déséconomies de gamme pour chaque catégorie d’établissements, d’ampleur relativement semblable.

Table 2.11 – Economies de gamme totales et spécifiques selon le statut de l’établissement

Privé BNL Public non hosp. Public

moy. moy. moy.

(𝑌𝐺𝐼𝑅12)+(𝑌𝐺𝐼𝑅34)+(𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,20 -0,19 -0,20

(𝑌𝐺𝐼𝑅12)+(𝑌𝐺𝐼𝑅34+ 𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,19 -0,17 -0,18

(𝑌𝐺𝐼𝑅34)+(𝑌𝐺𝐼𝑅12+ 𝑌𝐺𝐼𝑅56) -0,18 -0,16 -0,17

(𝑌𝐺𝐼𝑅56)+(𝑌𝐺𝐼𝑅12+ 𝑌𝐺𝐼𝑅34) -0,03 -0,02 -0,04

Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : DADS 2008 (INSEE), enquêtes MAUVE 2010 et EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

Analyse des économies d’échelle spécifiques. Toujours à partir des résultats d’esti-

mation du modèle de coût hybride, nous calculons les élasticités d’échelle spécifiques pour chacune des catégories de résidents accueillis.

Table 2.12 – Economies d’échelle spécifiques par catégorie de dépendance

GIR 1 et 2 GIR 3 et 4 GIR 5 et 6

𝐶𝑚′𝑗 𝐶𝑀𝑗′ 𝐸𝐸𝑠𝑝′𝑗 Y 𝐶𝑚′𝑗 𝐶𝑀𝑗′ 𝐸𝐸𝑠𝑝′𝑗 Y 𝐶𝑚′𝑗 𝐶𝑀𝑗′ 𝐸𝐸𝑠𝑝′𝑗 Y 50% moy. 88,3 88,6 1,00 6 924 87,5 86,0 1,02 5 025 62,9 63,1 1,00 2 372 75% moy. 89,1 93,3 0,96 10 386 86,6 84,0 1,03 7 539 63,0 63,7 0,99 3 558 moyenne 91,0 100,0 0,91 13 848 85,8 82,9 1,03 10 052 63,3 64,6 0,98 4 744 125% moy. 93,6 108,1 0,87 17 310 85,1 81,8 1,04 12 565 63,7 65,8 0,97 5 930 125% moy. 96,7 117,1 0,83 20 773 84,4 80,2 1,05 15 077 64,2 67,3 0,95 7 116 𝐶𝑚′𝑗: coût marginal ; 𝐶𝑀𝑗′ : coût incrémental moyen ; 𝐸𝐸𝑠𝑝′𝑗: élasticité d’échelle spécifique ; Y : journées-résidents Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : DADS 2008 (INSEE), enquêtes MAUVE 2010 et EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

Nous observons dans le tableau 2.12 des économies d’échelle à tous les niveaux pour l’accueil de résidents de GIR 3 et 4. Cela signifie qu’à partir d’un nombre moyen de journées- résidents réalisées en forte et en faible dépendance (respectivement 13 848 et 4 744 journées), il est toujours avantageux d’accueillir des résidents de GIR 3 et 4, quel que soit leur nombre (tout au moins jusqu’à 15 077 journées-résidents annuelles). Concernant l’accueil

de résidents de GIR 1-2 ou de GIR 5-6, les nombres optimaux de journées-résidents sont à l’inverse relativement faibles, respectivement de 6 924 et 2 372 journées.

2.7

Conclusion

Cette étude, effectuée sur un large échantillon de maisons de retraite en France, met en évidence l’existence d’économies d’échelle dans ce secteur jusqu’à une certaine taille critique. Cette dernière dépend de la méthode d’estimation retenue et du modèle de coût estimé. Nous observons une taille optimale comprise entre 74 et 96 lits à partir d’analyses paramétriques de frontières de coût ; cette taille est légèrement plus élevée, proche de 100 lits, lorsque la méthode d’estimation ne prend pas en compte les inefficacités des établis- sements (MCO). L’application d’une analyse non paramétrique à notre échantillon fournit une estimation également différente de la taille optimale, d’environ 67 lits, ce qui est proche de la taille critique observée par Dervaux et al. (2006) [40] avec cette même méthode et à partir d’un échantillon régional d’EHPAD en France. L’estimation par enveloppement de données nous semble toutefois moins fiable que les estimations paramétriques, puis- qu’elle requiert des données précises sur les quantités de facteurs de production utilisés, i.e. dans notre étude sur les ETP de diverses catégories de personnel. Or, certains établis- sements peuvent avoir recours à la sous-traitance, à du personnel libéral ou intérimaire, pour lesquels il est difficile de mesurer précisément un équivalent en heures travaillées. Les résultats peuvent pour cette raison être faussés, et il nous paraît donc important de com- parer toute étude non paramétrique avec des analyses paramétriques de frontières de coût qui ne nécessitent pas d’information sur ce type de données.

Outre la méthode d’estimation, le choix de la modélisation de la frontière de coût semble également avoir un impact sur les résultats des estimations paramétriques. Nous obtenons des élasticités d’échelle et des tailles optimales plus élevées avec une modélisation translog de la frontière de coût qu’avec une modélisation hybride.

Compte tenu des différences de résultats ainsi obtenues à partir d’un même échantillon d’observations, nous montrons dans ce chapitre l’importance d’utiliser plusieurs modèles et/ou méthodes d’estimation pour étudier la présence d’économies d’échelle dans un sec- teur. Ceci peut expliquer pourquoi nous trouvons dans la littérature des résultats em- piriques dissemblables, qui ne sont pas toujours dus à des différences géographiques ou temporelles des établissements.

Nous avons également montré qu’une telle étude ne peut s’effectuer que si les établisse- ments sont homogènes. En dupliquant cette même analyse sur des sous-groupes de maisons de retraite réparties par statut, nous observons que la taille critique des établissements pri- vés associatifs est plus faible (entre 70 et 87 lits) que celle des établissements publics (entre 77 et 105 lits). Ceci est sans doute dû en partie à des rigidités salariales plus importantes pour les établissements publics qui peuvent alors profiter d’une grande taille pour améliorer la gestion de leurs ressources humaines et répartir leurs frais salariaux.

Concernant les économies de gamme, elles sont négatives à tous les niveaux. Il se- rait donc rentable pour un établissement de se spécialiser sur une seule catégorie de dé- pendance. L’encouragement du maintien à domicile et l’institutionnalisation tardive des personnes âgées, qui devraient accroître la spécialisation des EHPAD sur la grande dépen- dance, pourrait ainsi augmenter à la marge leur efficacité.

Une limite importante de notre étude réside dans l’absence de prise en compte de variable de qualité. Or, la taille de l’établissement pourrait avoir un impact indirect sur les coûts via la qualité. Les estimations de la taille critique seraient dans ce cas biaisées (Christensen, 2004 [30]). Ajouter des variables de qualité dans nos modèles de coût aurait

pu permettre de prendre en compte cet éventuel biais39, mais il est néanmoins difficile de

trouver des variables qui soient pertinentes. L’introduction de variables de qualité n’aurait, quoi qu’il en soit, pas changé l’objet de notre analyse portant sur les coûts des maisons de retraite. Les estimations de la taille critique et des économies d’échelle reposent sur des considérations uniquement financières et ne prennent pas en compte des considérations plus normatives, comme l’effet de la taille de l’établissement sur le bien-être des résidents.

Or, peut-être que celle-ci a un effet négatif sur leur état de santé40, l’intégration des

personnes âgées étant probablement plus aisée dans des structures "à taille familiale". Les petites structures répondent en outre à des objectifs de proximité ; les personnes âgées

recherchent souvent une institution proche de leur ancien domicile41, dans laquelle elles

pourront éventuellement connaître les autres résidents afin de limiter leur déracinement. Ceci explique pourquoi certains Conseil Généraux encouragent la création d’établissements

39. Nous analysons en annexe l’effet de l’introduction de variables de qualité de structure sur l’estimation de la taille critique.

40. Nous montrons en annexe que la taille de l’EHPAD est négativement corrélée aux variables d’état de santé des résidents accueillis (incontinence, état dépressif et chutes).

41. Une enquête récente réalisée auprès de 1 802 résidents en EHPA (Résidents EHPA 2009, DREES) montre que l’élément principal de choix d’un établissement est sa localisation géographique (DREES, 2011) [49].

de petite capacité42, bien qu’économiquement moins rentables, mais qui procurent peut- être une meilleure prise en charge et un cadre de vie plus agréable pour les résidents.