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Impact de la qualité sur l’estimation de la taille critique

2.8 Annexes du chapitre 2

2.8.2 Impact de la qualité sur l’estimation de la taille critique

Des estimations biaisées par l’absence de variable de qualité. Puisqu’il est difficile

de trouver des variables pertinentes de qualité pour le secteur des maisons de retraite, peu d’études en intègrent. Mais l’absence de variable de qualité peut biaiser les estimations de la taille optimale à la hausse ou à la baisse (Christensen, 2004 [30]). Le sens du biais sera fonction des corrélations entre l’output et la qualité, et entre la qualité et les coûts. Dans l’hypothèse où la qualité a un effet positif sur les coûts, si elle est également positivement corrélée au nombre de journées-résidents annuelles des EHPAD, alors la taille critique et les élasticités d’échelle seront probablement sous-estimées en l’absence de variable de qualité. A l’inverse, si la qualité est négativement corrélée à la taille de l’institution, les élasticités d’échelle seront surestimées. Nous pouvons mesurer ce biais en reprenant la mesure des élasticités d’échelle et en intégrant une variable de qualité (q) (Christensen, 2004) [30]. La mesure non biaisée des élasticités d’échelle est la suivante :

𝐸𝐸𝑁 𝐵 = 𝐶𝑀(𝑌, 𝑞, 𝑍) 𝐶𝑚(𝑌, 𝑞, 𝑍) = 𝐶(𝑌,𝑞,𝑍) 𝑌 ∂𝐶(𝑌,𝑞,𝑍) ∂𝑌

avec Y l’output (le nombre de journées-résidents) et Z un vecteur de facteurs de coût. Si Y est corrélé à q, alors les élasticités d’échelle estimées sans prise en compte de la qualité correspondent à l’expression suivante :

𝐸𝐸𝐵 = 𝐶(𝑌,𝑞,𝑍) 𝑌 ∂𝐶(𝑌,𝑞,𝑍) ∂𝑌 + ∂𝐶(𝑌,𝑞,𝑍) ∂𝑞 ∗ ∂𝑞 ∂𝑌

En comparant cette expression (𝐸𝐸𝐵) avec la mesure non biaisée des élasticités d’échelle

et q est nulle, ce biais l’est également. Si, en revanche, Y et q sont positivement corrélés,

(∂𝐶/∂𝑞) ∗ (∂𝑞/∂𝑌 )>0 et 𝐸𝐸𝐵 est sous-estimé.

Nous proposons de comparer les élasticités d’échelle estimées par un modèle de coût sans qualité avec celles correspondant à un modèle de coût avec qualité.

L’impact de la taille de l’établissement sur la qualité et les effets de la qualité

sur les coûts. Avant d’intégrer des variables de qualité dans notre fonction de coût, il

est important d’analyser au préalable leurs liens avec la taille et les coûts des établisse- ments afin d’avoir une idée du sens du biais généré par leur absence. Nous retenons deux variables de qualité de structure : le taux d’encadrement en personnel et leur qualifica- tion. Le taux d’encadrement est un proxy pertinent de la qualité en EHPAD (Dormont et Martin, 2013 [46], chapitre 1). De manière à prendre en compte la diversité des besoins

en personnel soignant, nous calculons un encadrement théorique optimal (𝑁∗) en fonction

des catégories GIR des résidents. Nous utilisons pour cela les normes présentes dans le secteur de la prise en charge à domicile, qui permettent de calculer des équivalents temps plein (ETP) journaliers de personnel nécessaires à chaque personne âgée. Ce calcul d’ETP

s’effectue en fonction du GIR attribué à l’individu46 : une personne en GIR 1 a ainsi be-

soin quotidiennement de 1 ETP, en GIR 2 de 0,84, en GIR 3 de 0,66, en GIR 4 de 0,42, en GIR 5 de 0,25 et enfin en GIR 6 de 0,07 ETP (Ratte et Imbaud 2011, [125]). Nous rapportons ensuite l’encadrement effectif (𝑁 ) (incluant tout le personnel non administratif

et hors services généraux47) à cet encadrement théorique calculé : 𝑁/𝑁∗. Outre le taux

d’encadrement, la structure de qualification du personnel a probablement, toutes choses égales par ailleurs, un effet sur la qualité de la prise en charge en établissement. Nous définissons ainsi une deuxième variable de qualité (𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 ), calculée comme le rapport du personnel soignant qualifié (médecins, infirmiers, aides-soignants et AMP) sur le personnel non qualifié (ASH et personnel d’animation). Nous observons dans le tableau 2.14 que ces ratios d’encadrement et de qualification ne semblent pas fortement corrélés à la taille de l’établissement. Un nombre de lits supérieur à 100 ou inférieur à 50 permettrait de disposer d’un personnel légèrement plus important et plus qualifié qu’une taille intermédiaire de 50 à 100 lits.

Il aurait également été intéressant d’ajouter des variables de qualité de résultats, i.e.

46. Il s’agit des ratios d’encadrement préconisés par le Plan Solidarité Grand Age 2007-2012.

47. Nous avons ajouté aux ETP de personnels salariés dans l’établissement les ETP correspondant aux heures de sous-traitance, d’interim et des personnels libéraux.

Table 2.14 – Taux moyens d’encadrement (𝑁/𝑁∗) et de qualification (𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 ) selon la taille de l’établissement

lits<50 50≤ lits<75 75≤ lits<100 lits≥100 Total

N/N∗ 0,90 0,87 0,86 0,90 0,88

Qualif 2,41 1,70 1,92 2,37 1,99

Nombre d’établissements 135 378 367 185 Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : enquête EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

correspondant à l’état de santé des résidents. Grâce à l’enquête EHPA 2007 (DREES), nous disposons, pour 5 646 résidents institutionnalisés en maison de retraite, de trois variables représentatives de leur état de santé : le degré d’incontinence, le degré d’état dépressif et une variable binaire indiquant si le résident a fait au moins une chute au cours de l’année. Nous effectuons, à partir de ces observations, deux régressions en probit ordonné et une régression probit binomiale sur diverses variables explicatives : l’âge et le groupe GIR du résident, deux variables binaires indiquant si le résident peut marcher et s’il se plaint de douleurs, la proportion de bénéficiaires de l’aide sociale dans l’établissement, la

présence de chambres de fin de vie, 𝑁/𝑁∗, 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 et le nombre de lits dans l’établissement.

Nous présentons dans le tableau 2.15 uniquement l’effet du nombre de lit sur ces variables d’état de santé. En contrôlant par l’encadrement en personnel et leur qualification, nous observons un impact positif de la taille de l’institution sur la détérioration de l’état de santé des résidents. Nous pouvons faire deux interprétations de ces résultats : d’une part, un établissement "à taille humaine" est sans doute moins déstabilisant et peut de ce fait accroître le bien-être des résidents ; d’autre part, les établissements de petite taille sont souvent associés à une meilleure répartition géographique sur le territoire et permettent ainsi aux personnes âgées d’être moins éloignées de leur habitat d’origine, ce qui peut également constituer un facteur de bien-être. Puisque nous ne disposons de ces variables d’état de santé que pour un faible nombre de résidents par maison de retraite, nous ne pouvons pas les intégrer à notre modèle de coût.

L’intégration de variables de qualité dans un modèle de coût, afin d’évaluer la pré- sence d’économies d’échelle, n’a de sens que si les coûts sont positivement liés à la qualité. C’est le cas ici puisque l’encadrement en personnel et leur qualification génèrent des coûts supplémentaires (Dormont et Martin, 2013 [46], chapitre 1).

Table 2.15 – Régression probit de l’état de santé des résidents sur le nombre de lits des maisons de retraite

Degré d’incontinence Etat dépressif Chutes N.lits 0, 001∗∗ 0, 0007∗ 0, 0006†

Seuils de significativité : † : 10% ∗ : 5% ∗∗ : 1% Echantillon de 5 646 résidents en EHPAD

Source : enquête EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin

Modélisation. Nous choisissons d’estimer par analyse stochastique de frontière et par

MCO un modèle de coût translog.

Intégrer les variables d’encadrement et de qualification dans notre modèle semble po- ser un problème d’endogénéité puisque les budgets alloués aux établissements peuvent contraindre leurs choix de recrutement. Pour traiter ce problème, nous utilisons une mé- thode de variables instrumentales. Nous faisons l’hypothèse qu’une moindre qualité de la prise en charge et un épuisement du personnel, liés à un faible ratio d’encadrement ou/et à une faible qualification, peuvent engendrer un turnover important (Spilsbury et al., 2011 [134]). Nous choisissons alors d’intégrer comme instruments des variables d’ancien- neté moyenne du personnel infirmier et d’autres catégories de personnel - aides-soignants,

ASH, AMP, auxiliaires de vie - (𝐴𝑁 𝐶𝐼𝑛𝑓 et 𝐴𝑁 𝐶𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠), ainsi que ces mêmes variables

d’ancienneté au carré. Puisque l’ancienneté du personnel peut varier en fonction du type de contrat de l’employé et donc du statut de l’établissement, nous choisissons d’intégrer le 15-quantile de l’établissement classé au regard des variables d’ancienneté parmi les maisons de retraite de même statut. Nous ajoutons comme instruments des variables d’interaction de l’ancienneté avec une variable binaire indiquant si l’établissement est localisé en région

parisienne (𝐴𝑁 𝐶𝐼𝑛𝑓.𝑃 𝑎𝑟𝑖𝑠 et 𝐴𝑁 𝐶𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠.𝑃 𝑎𝑟𝑖𝑠). Nous projetons les variables 𝑁/𝑁∗ et

𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 sur les variables non endogènes du modèle et sur les instruments exclus via des régressions probit. Nous présentons les résultats d’estimation de cette première étape dans

le tableau 2.1648 et les résultats d’estimation de deuxième étape dans le tableau 2.17.

48. Les tests du Chi-Deux de significativité globale des instruments effectués à partir des résultats d’esti- mation de chacune de ces équations d’instrumentation permettent d’écarter l’hypothèse nulle d’instruments faibles. On obtient en effet :

-pour la première équation d’instrumentation (projection de 𝑁/𝑁∗) : 𝜒2(6)=57,91 et une p-value de 0,000 ; -pour la deuxième équation (projection de 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 ) : 𝜒2(6)=14,31 et une p-value de 0,0263.

Nous effectuons également un test d’Hausman : nous rejetons l’hypothèse nulle d’exogénéité de 𝑁/𝑁∗et de 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 avec une p-value égale à 0. Le test de Sargan permet enfin de contrôler l’exogénéité des instruments exclus ; nous acceptons l’hypothèse nulle de non endogénéité avec une p-value de 0,7118.

Table 2.16 – Equations d’instrumentation de 𝑁/𝑁∗ et de 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 𝑁/𝑁∗ 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓 Coeff. (𝜎) Coeff. (𝜎) Y ns ns w𝐴𝑆/𝐼𝑛𝑓 ns ns w𝐴𝑆𝐻/𝐼𝑛𝑓 ns ns w2 𝐴𝑆/𝐼𝑛𝑓 ns ns w2 𝐴𝑆𝐻/𝐼𝑛𝑓 ns ns Y2 0,555(0,250) ns Y.w𝐴𝑆/𝐼𝑛𝑓 ns ns Y.w𝐴𝑆𝐻/𝐼𝑛𝑓 ns ns w𝐴𝑆/𝐼𝑛𝑓.w𝐴𝑆𝐻/𝐼𝑛𝑓 ns ns

URB : rural ref ref ref ref

URB : urbain -0,198∗∗ (0,075) ns

URB : paris ns ns

PUI 0,238† (0,138) 0,504∗∗ (0,153) PROP=propriété ref ref ref ref

PROP=loc.pub ns ns PROP=loc.HLM -0,381∗∗ (0,127) ns PROP=loc.privéBNL ns 0,368∗ (0,163) PROP=loc.privéBL ns -0,286† (0,166) OS ns ns Y.OS ns ns BATI ns ns

propGIR2 ref ref ref ref

propGIR1 ns ns propGIR3 40,678∗ (16,723) ns propGIR4 ns ns propGIR5 ns ns propGIR6 31,690∗ (13,645) ns NonHebperm ns ns

Y.propGIR2 ref ref ref ref

Y.propGIR1 ns ns Y.propGIR3 -3,920∗ (1,658) ns Y.propGIR4 ns ns Y.propGIR5 ns ns Y.propGIR6 -2,659∗ (1,347) ns Y.NonHebperm ns ns ANCET ns ns ANCET2 ns ns Instruments exclus : ANC𝐼𝑛𝑓 0,080∗ (0,035) 0,024 (0,036) ANC2𝐼𝑛𝑓 -0,004† (0,002) -0,002 (0,002) ANC𝐼𝑛𝑓.URB :paris -0,033 (0,041) 0,041 (0,044)

ANC𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠 0,003 (0,036) -0,093∗ (0,037)

ANC2𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠 -0,004† (0,002) 0,007∗∗ (0,002)

ANC𝐴𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠.URB :paris -0,001 (0,042) -0,014 (0,042)

N 1065 1065

Log-likelihood -1244,612 -1198,151 𝜒2

(39) 292,562 112,206

Seuils de significativité : † : 10% ∗ : 5% ∗∗ : 1% 𝑛𝑠 : non significatif Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : DADS 2008 (INSEE), enquêtes MAUVE 2010 et EHPA 2007 (DREES) Calculs B.Dormont et C.Martin

L’effet de l’introduction de variables de qualité sur l’estimation de la taille

critique. Nous présentons dans le tableau 2.18 les résultats d’estimation des élasticités

d’échelle obtenus à partir du modèle de coût translog intégrant les variables 𝑁/𝑁∗et Qualif

corrigées de leur endogénéité. La taille critique des établissements se situe désormais entre 110 et 120 lits. Nous observons sur la figure 2.6 que la courbe de coût moyen estimé par MCO et avec prise en compte de la qualité a une forme en U moins prononcée que celle obtenue sans variable de qualité, et présente bien un minimum correspondant à une taille critique plus importante. Les élasticités d’échelle obtenues sans intégration de variable de qualité sont par conséquent sous-estimées. Puisque les taux d’encadrement et la qualifi- cation du personnel ont des effets positifs sur les coûts, nous pouvons en déduire que la qualité, telle qu’elle est ici définie, est bien corrélée positivement à la taille de l’établis- sement. Ceci confirme l’idée de Davis (1991) [37], selon laquelle la taille des maisons de retraite aurait un impact positif sur la qualité de la prise en charge qui y est délivrée.

Table 2.18 – Etude des élasticités d’échelle avec intégration de 𝑁/𝑁∗ et 𝑄𝑢𝑎𝑙𝑖𝑓

Estimation 50% moy. 75% moy. moyenne 125% moy. 150% moy. 175% moy. Taille optimale SFA CM 79,4 78,1 77,5 77,3 77,3 77,4 translog Cm 75,4 75,7 76,2 76,9 77,5 78,2 ≈ 113 EE 1,05 1,03 1,02 1,01 1,00 0,99 MCO CM 80,6 79,3 78,7 78,5 78,4 78,5 translog Cm 76,5 76,8 77,3 77,9 78,5 79,2 ≈ 116 EE 1,05 1,03 1,02 1,01 1,00 0,99 N.lits 40 60 80 100 120 140

CM : coût moyen : Cm : coût marginal ; EE : élasticité d’échelle Echantillon de 1 065 maisons de retraite conventionnées EHPAD

Source : DADS 2008 (INSEE), enquêtes MAUVE 2010 et EHPA 2007 (DREES) - Calculs B.Dormont et C.Martin