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Une préoccupation croissante des services en charge du contrôle

Chapitre IV. – Le système de prélèvements obligatoires français est confronté au développement de certains types de

A. Une préoccupation croissante des services en charge du contrôle

La dimension internationale de la fraude est de plus en plus prise en compte par les administrations en charge du recouvrement qui s’efforcent d’apporter une réponse adaptée à ce phénomène. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une inquiétude spécifi quement française : ce thème se retrouve dans les programmes de travail de la plupart des administrations fi scales des pays de l’OCDE.

1. L’aspect international occupe une place croissante dans l’activité du contrôle fi scal

Ce constat se vérifi e aussi bien concernant les grandes entreprises que les PME et même les particuliers. Ainsi, à la direction des vérifi cations nationales et internationales (DVNI), les infractions aux règles de la fi scalité internationale constituent un des principaux motifs de redressement assorti de pénalités exclusives de bonne foi : onze rectifi cations avec pénalités exclusives de bonne foi ont ainsi été prononcées dans les quatre dernières années, pour un total de 10 M€, et un rehaussement des bases correspondant de 101 M€.

En ce qui concerne les PME, l’activité internationale constitue une zone de risque bien identifi ée par les directions interrégionales du contrôle fi scal (DIRCOFI) qui réalisent la majorité des rappels dans ce domaine (46% en nombre et 86% des rendements).

Dans la région Ile-de-France, qui concentre un cinquième des échanges internationaux, les zones de risque concernent principalement les rappels de TVA et les impôts directs à la suite de contestation de prix de transfert. Dans cette région, un millier de rappels avec une moyenne de droits de plus de 400 000€ ont été effectués en 2005. Dans ces affaires, la mise en œuvre de la collaboration internationale via l’assistance administrative reste résiduelle (de l’ordre de 2%).

La fraude à caractère international est ainsi devenue une préoccupation prioritaire pour certaines DIRCOFI. Elle concerne surtout les impôts directs et recouvre des situations diverses. Parmi les mécanismes de fraude rencontrés par les vérifi cateurs, on peut indiquer :

− la création de coquilles vides dans un pays à fi scalité privilégiée ;

− les systèmes qui permettent aux opérateurs internationaux de faire apparaître les bénéfi ces là où la fi scalité est la plus clémente comme les prix de transfert ; mais aussi les commissions et redevances payées à l'étranger, facturation sans objet, charges irrégulièrement supportées par une entité française… ;

− la délocalisation de bases de taxe professionnelle ;

− la diminution ou la suppression des plus-values par le recours à des sociétés étrangères interposées.

La dimension internationale de la fraude va d’ailleurs au-delà de la seule activité des entreprises et concerne également les particuliers, notamment sous l’angle de la domiciliation (cf. supra). Les aspects internationaux sont d’ailleurs considérés par la DGI comme devant être un des axes prioritaires des plans interrégionaux de contrôle fi scal71.

2. En matière de cotisations sociales, les règles juridiques ne sont pas suffi samment bien établies

La construction européenne s’est fi xé comme but la libre circulation des travailleurs comme celle des biens et services (article 3 du traité instituant la Communauté européenne). Cette libre circulation entraînant des confl its de normes nationales applicables, le législateur européen a fi xé les principes applicables dans le règlement 1408/71 du 14 juin 1971 ainsi que dans le règlement d’application 574/72 du 21 mars 1972. Toutefois, ces deux règlements ne défi nissent qu’imparfaitement les règles juridiques applicables et les modalités de reconnaissance mutuelles des titres exécutoires.

La règle de principe concernant les travailleurs au sein de l’Union européenne est celle de l’affi liation dans le pays où se déroule l’activité du travailleur.

L’application de cette règle oblige en principe tout ressortissant européen travaillant en France à être affi lié à la sécurité sociale française. L’affi liation étant toutefois usuellement liée à la notion d’établissement (cf. supra), certains travailleurs se retrouvent dans une situation paradoxale lorsqu’ils sont employés en France par une entreprise étrangère qui ne dispose pas d’établissement sur le sol national. Le versement des cotisations afférentes à ces salariés a été centralisé à l’URSSAF du Bas- Rhin (cf. encadré).

Encadré no 4 : L’URSSAF du Bas-Rhin et les salariés d’entreprises étrangères

Afi n de garantir la bonne affi liation des travailleurs salariés en France d’entreprises étrangères qui n’y ont pas d’établissement, la loi de fi nancement de la sécurité sociale pour 2004 a introduit un nouvel article L.243-1-2 dans le code de la sécurité sociale, qui dispose que l’employeur, dans une telle situation : « remplit ses obligations relatives aux

déclarations et versements des contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles il est tenu au titre de l’emploi de personnel salarié auprès d’un organisme de recouvrement unique ». L’arrêté du 29 décembre

2004 du ministre de la santé et de la protection sociale a désigné pour cela l’URSSAF du Bas-Rhin.

Cette centralisation a permis des économies d’échelle et offre un interlocuteur unique et facilement identifi able aux entreprises étrangères rentrant dans le champ du dispositif. Deux options leur sont ouvertes : elles peuvent s’adresser directement à l’URSSAF du Bas-Rhin ou « désigner un représentant résidant en France qui est personnellement

responsable des opérations déclaratives et du versement des sommes dues ». Sur les quelque 3 700 comptes ouverts par

des entreprises étrangères auprès de l’URSSAF, plus de 3 000 n’ont pas de représentant.

L’assurance-chômage et les régimes de retraite complémentaire ont également désigné un interlocuteur unique pour les entreprises étrangères sans établissement. Il s’agit du groupe TAITBOUT (retraite complémentaire) et du Groupement des ASSEDIC de la région parisienne (GARP, pour l’assurance chômage).

La règle du lieu de travail souffre toutefois certaines exceptions, pour lesquelles c’est la législation du pays d’origine qui s’applique. Ainsi, selon les dispositions de l’article 14 du même règlement : « La personne qui exerce une activité

salariée sur le territoire d’un État membre au service d’une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d’un autre État membre afi n d’y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois et qu’elle ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement ».

La portée du principe posé à l’article 13 est donc largement réduite. La durée de douze mois censée limiter les recours abusifs à ce type de détachement n’est elle-même pas un obstacle dirimant à la règle du pays d’origine, puisque l’article 14 de la directive autorise à dépasser cette durée sous réserve de l’autorisation de l’autorité compétente de l’Etat membre où se déroule la prestation.

Le règlement 1408/71 ne clarifi e donc pas complètement le problème de la législation applicable. Le principal risque de fraude qui en découle est celui lié à la fraude au détachement, qui relève de l’infraction de travail dissimulé (cf. infra).

De plus, même lorsque la législation applicable a été déterminée, le problème du recouvrement forcé des cotisations se pose de manière aiguë pour les débiteurs étrangers. Le caractère exécutoire des mises en demeure adressées par les URSSAF n’est en effet pas reconnu au-delà des frontières nationales en l’absence d’accords bilatéraux spécifi ques entre Etats membres.

Trois accords ont ainsi été négociés avec la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg72. Ces conventions bilatérales sont cependant loin d’être satisfaisantes. En effet, elles ne constituent que des accords d’exequatur73 simplifi é et ne présentent

aucun caractère automatique. Un débiteur des URSSAF françaises, établi à l’étranger74, pourra ainsi contester la mise en

demeure française devant le juge de son pays au moment de l’exequatur. La décision de ce dernier ne sera alors pas liée par celle de l’URSSAF ni même par celle du juge français le cas échéant : le système est donc largement fondé sur la bonne volonté des parties ce qui, en matière de recouvrement forcé, apparaît comme une limite signifi cative.

3. Une préoccupation partagée par la plupart des administrations fi scales de l’OCDE

Les administrations françaises chargées du recouvrement des prélèvements obligatoires ne sont pas seules à être confrontées à un développement d’une fraude à caractère international. Au contraire, la globalisation des économies aboutit à ce que la plupart des administrations fi scales et des organismes de recouvrement des cotisations sociales sont confrontés au même phénomène.

Dans une communication au Parlement européen et au Conseil, la Commission européenne explique ainsi que « la

libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux dans le cadre de la mise en oeuvre du marché intérieur en 1993 les rend de moins en moins capables de combattre la fraude fi scale de façon isolée75 ». La Commission avance, dans

cette communication, plusieurs pistes afi n de renforcer la coopération entre les administrations fi scales afi n que celles-ci soient à même d’évoluer au même niveau que les fraudeurs qui tirent parti de la fragmentation des services de contrôle dans un espace économique unifi é. On peut d’ailleurs souligner que la Commission insiste sur l’urgence d’adopter de nouvelles mesures, « compte tenu de la gravité de la situation ».

Au demeurant, cette préoccupation ne concerne pas que le continent européen. Ainsi, le plan stratégique de l’IRS pour la période 2005-2009 aux Etats-Unis indique que « [certaines transactions transfrontalières] peuvent constituer des

formes d’évasion ou de fraude fi scales inacceptables. Si des ressources adéquates ne sont pas dégagées pour identifi er,

72. Les accords relatifs au recouvrement transfrontalier de cotisations ont été conclus par la France avec le Luxembourg (sur la base de l’art. 51 du règlement (CEE) no 3/58) le 24 février 1962, avec la Belgique (sur la base de l’art. 92 du R. 1408/71) le 3 octobre 1977 et avec l’Allemagne (id.) le 26 mai 1981. Ces trois accords ont été ratifi és en application du décret 53-192 du 14 mars 1953.

73. L’exequatur est la décision par laquelle un tribunal autorise l’exécution d’un jugement ou d’un acte étranger. 74. Soit qu’il ne possède pas d’établissement en France, soit que sa fi liale française soit insolvable.

75. Commission européenne, Communication sur la nécessité de développer une stratégie coordonnée en vue d’améliorer la lutte contre la fraude fi scale, 31/05/06.

analyser et résoudre ces problèmes, la globalisation va entraîner des risques sérieux pour les bases fi scales américaines76 ».

Le plan stratégique prévoit ainsi un renforcement du rôle des attachés fi scaux de la Criminal Investigation, afi n de faciliter la coopération internationale et mener des enquêtes approfondies à l’étranger. Le même type de constat est réalisé dans d’autres Etats, en particulier au Canada.

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