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Chapitre IV. – Le système de prélèvements obligatoires français est confronté au développement de certains types de

B. L’implication des services est variable

Le nombre de services impliqués dans la lutte contre le travail dissimulé est en théorie important100, ce qui devrait normalement garantir une certaine présence de l’administration sur le terrain. Pourtant, l’implication des différents services est variable.

1. L’Inspection du travail

Chargée de veiller à l’application des dispositions du code du travail, l’Inspection du travail est le premier service administratif concerné par la recherche et la verbalisation du travail dissimulé.

L’Inspection du travail dispose, dans le cadre de ses compétences, de prérogatives de police administrative étendue101. En particulier, les inspecteurs ont accès à tous les locaux professionnels des entreprises et des travailleurs indépendants, à l’exclusion des locaux habités pour lesquels l’autorisation des occupants est requise.

Deux caractéristiques de l’inspection du travail tendent néanmoins à limiter son implication en matière de lutte contre le travail dissimulé. La première, c’est son éclatement : outre les quatre cents inspecteurs du travail et de la main d’œuvre proprement dite qui intervient dans le cadre des DDTEFP102, il existe des inspecteurs du travail de l’emploi et de la protection sociale agricole (ITEPSA), et des inspecteurs du travail des transports.

La deuxième caractéristique importante de l’Inspection du travail réside dans l’indépendance d’appréciation garantie aux inspecteurs dans l’exercice de leurs fonctions de contrôle, avec les suites qui leur sont données, tant par rapport à leur 100. L’article L.324-12 du code du travail dispose ainsi que « les infractions aux interdictions mentionnées à l’article L.324-9 sont recherchées par les

offi ciers et agents de police judiciaire, les agents de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes, les agents agréés à cet effet et assermentés des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole, les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et fonc- tionnaires de contrôle assimilés au sens de l’article L. 611-10, les inspecteurs et les contrôleurs du travail maritime, les offi ciers et les agents assermentés des affaires maritimes, les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ainsi que les fonctionnaires ou agents de l’Etat chargés du contrôle des transports terrestres placés sous l’autorité du ministre chargé des transports, et constatées par ces agents au moyen des procès-verbaux transmis directement au parquet. Ces procès-verbaux font foi jusqu’à preuve contraire».

101. La liste des pouvoirs d’investigation de l’Inspection du travail est fi xée par l’article L.611-8 du code du travail.

102. Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). Au niveau départemental, l’inspection du travail s’orga- nise en sections qui comprennent un inspecteur et deux contrôleurs du travail (agents pouvant procéder à des contrôles mais ne disposant pas de l’ensemble des prérogatives attachées aux inspecteurs).

hiérarchie qu’aux autorités judiciaires ou préfectorales103. Or, il apparaît que beaucoup d’inspecteurs du travail sont réticents à intervenir en matière de travail dissimulé car ils craignent souvent que ce type d’intervention ne pénalise le salarié employé de façon dissimulée.

De fait, l’Inspection du travail réalise environ 23 % du total des procès-verbaux recensés par la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI), soit à peu près 1 520 constatations, ce qui représente 3,7 procès- verbaux par an et par inspecteur du travail, ce qui paraît faible.

La réforme de l’Inspection du travail annoncée en mars 2007 prévoit notamment le renforcement des moyens. Un plan pluriannuel pour 2007-2010 prévoit ainsi la création de 700 nouveaux postes (240 inspecteurs et 420 contrôleurs) et l’amélioration du cursus des contrôleurs du travail, ce qui pourrait permettre de développer les contrôles de l’Inspection du travail en matière de travail dissimulé.

2. Le réseau des URSSAF

Au titre de leur compétence de contrôle des cotisants (article L.243-7 du code du travail), les URSSAF disposent des mêmes prérogatives que l’Inspection du travail.

Le rôle des URSSAF apparaît fondamental car, en l’absence de poursuites pénales, le rappel des cotisations constitue souvent la sanction la plus effi cace en même temps qu’une réparation du préjudice subi. Cependant, la lutte contre le travail dissimulé est restée pendant longtemps assez peu prisée des services de contrôle des URSSAF du fait de la diffi culté de réaliser ces contrôles et de leur faible rentabilité en termes de montants redressés.

On observe cependant depuis plusieurs années un réel sursaut. La convention d’objectifs et de gestion (COG) 2002- 2005 conclue entre l’État et l’ACOSS prévoyait que le temps consacré à la lutte contre le travail dissimulé par les URSSAF devait atteindre 10 % du temps de travail des inspecteurs du recouvrement. Dix ans après l’attribution aux organismes de recouvrement, ce résultat, en apparence modeste, représente un progrès qui n’a pas été égalé par les autres services de contrôle (cf. tableau suivant).

Tableau n° 22 - Temps consacré par les inspecteurs du recouvrement à la lutte contre le travail dissimulé

Année 2002 2003 2004 2005 Part du temps consacré à la lutte contre le travail illégal 10,32 % 11,06 % 11,89 % 13,19 % Source : ACOSS

La montée en puissance des URSSAF sur le sujet est donc régulière. La nouvelle convention d’objectifs et de gestion conclue pour la période 2006-2009 entre l’État et l’ACOSS comprend d’ailleurs un chapitre spécifi que relatif à la lutte contre le travail dissimulé. Celui-ci est articulé autour de trois axes, qui marquent l’importance grandissante accordée à cette tâche au sein de la branche du recouvrement :

– l’augmentation des moyens consacrés. L’ACOSS a ainsi décidé d’augmenter la part des ressources de la branche dirigée vers la lutte contre le travail dissimulé. La précédente COG avait fi xé l’objectif de 10 % du temps de contrôle consacré à cette tâche ; la nouvelle a prévu l’instauration de référents régionaux censés capitaliser les acquis de la lutte et faciliter sa coordination ;

– le renforcement des partenariats et de la communication. La COG prévoit ainsi le renforcement des liens entre les URSSAF et les autres organismes, notamment interministériels en charge de la lutte contre le travail dissimulé et la coopération avec l’OCLTI (cf. infra) ;

– la création d’une cellule d’intelligence économique. Celle-ci réunira des moyens d’étude et d’expertise sur le travail dissimulé et ses pratiques.

Encadré n° 6 : Un seul corps d’inspection ? Le cas de l’Espagne

Compte tenu de leurs domaines d’intervention proches dans la lutte contre le travail illégal, la dualité des services de l’Inspection du travail et de l’Inspection du recouvrement des URSSAF pourrait sembler contre-productive. Pour éclairer ce point, on peut examiner les solutions retenues par les autres pays de l’OCDE. Parmi ceux-ci, il en est un qui a fait le choix d’un service unique : l’Espagne.

Le système de protection sociale espagnole apparaît souvent comparable à celui de la France, avec un fi nancement fondé sur les cotisations et l’impôt et des prestations de sécurité sociale relativement généreuses. Une des différences avec le système français réside dans le caractère étatique du recouvrement des cotisations sociales.

En conséquence, le contrôle des cotisations est une compétence exclusive de l’État. Or, l’administration espagnole n’opère pas la distinction française entre travail et affaires sociales. C’est donc assez naturellement à l’Inspection du travail, créée en 1906, que les compétences de contrôle des cotisations sociales ont été attribuées dès 1939. Après le rétablissement 103. Cette indépendance est liée à la ratifi cation par la France, le 10 août 1950, de la convention n° 81 sur l’Inspection du travail dans l’industrie et le com- merce, adoptée par la Conférence de l’Organisation internationale du travail le 11 juillet 1947.

de la démocratie, la loi de réforme de la fonction publique a créé l’Inspection du travail et de la sécurité sociale dont les attributions sont proches de celles de ses deux homologues françaises.

Le bilan de cette fusion est toutefois décevant. Si l’intégration, déjà ancienne, entre travail et sécurité sociale ne pose guère de problèmes, la mobilisation de l’Espagne autour de la lutte contre le travail illégal est relativement récente et très orientée vers l’immigration clandestine : sur les 60,1 M€ de redressements (sanctions incluses) concernant l’emploi, 59,3 M€ le sont pour emploi irrégulier d’étrangers), il n’existe pas d’évaluation offi cielle du travail illégal en Espagne, alors même que celui-ci représente, selon l’administration, un problème majeur et durable du pays. La fusion des deux services n’est donc pas le gage d’une lutte plus effi cace contre le phénomène.

3. La police et la gendarmerie

Les offi ciers et agents de police judiciaire sont compétents pour rechercher l’infraction de travail dissimulé.

Les différents services de police ne sont cependant pas impliqués de manière équivalente dans la lutte contre le travail dissimulé. La police aux frontières (PAF) est ainsi spécialisée dans la lutte contre le travail dissimulé lié à l’immigration clandestine. La police nationale intervient généralement en soutien d’opérations conjointes, alors que la gendarmerie assume une compétence de recherche plus avancée et coopère fréquemment avec les URSSAF. Selon la DILTI, les constatations de la gendarmerie ont représenté près de 45 % des procès-verbaux en matière de travail illégal au cours des dernières années alors que la police ne réalisait qu’environ 5 % de ces procès-verbaux.

L’implication de la gendarmerie devrait être encore accrue suite à la création, en 2005, d’un offi ce central de lutte contre le travail illégal, dédié à la répression du travail dissimulé (cf. encadré suivant).

Encadré n° 7 : La création de l’Offi ce central de lutte contre le travail illégal (l’OCLTI)

L’Offi ce central de lutte contre le travail illégal a été créé par le décret n°2005-455 du 12 mai 2005. Il est rattaché à la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale et dirigé par un offi cier supérieur de gendarmerie. Il devra, à terme, comporter une trentaine de personnels, parmi lesquels des gendarmes, des offi ciers de police et, « en tant que de besoin » (article 4 du décret), des représentants des corps de contrôle administratifs.

Son rôle sera d’animer et de coordonner, au niveau national, les actions de police judiciaire relatives au travail illégal, d’observer les « comportements les plus caractéristiques des auteurs et complices », de centraliser les informations et d’assister les unités de gendarmerie, la police nationale et plus globalement tous les services de contrôle dans la lutte contre le travail illégal sur leur demande, sur celle du procureur de la République, ou d’initiative « si les circonstances

l’exigent » (article 4).

Pour l’heure, seul un « élément précurseur » de l’OCLTI a été mis en place. Il comportait initialement deux offi ciers supérieurs de gendarmerie, et quatre sous-offi ciers et devrait monter en puissance d’ici la fi n de l’année 2007.

4. La direction générale des impôts (DGI)

Dans le cadre des opérations de contrôle fi scal externe, les services de contrôle de la DGI sont fréquemment amenés à constater des activités dissimulées et à les redresser. Ainsi, sur les 50 000 contrôles annuels, environ 6 500 donnent lieu à reconstitution de recettes, c’est-à-dire que le vérifi cateur, soupçonnant qu’une partie des recettes n’a pas été déclarée, va s’efforcer d’évaluer la réalité du chiffre d’affaires sur la base d’un faisceau d’indices (consommations intermédiaires…). De plus, sur cette base, la DGI dépose chaque année environ 200 plaintes pénales contre des contribuables ayant éludé une partie de leurs revenus.

La DGI est donc très présente en ce qui concerne la lutte contre la dissimulation de recettes grâce à ses opérations de contrôle fi scal et contribue donc largement à dissuader les contribuables de recourir à ce genre de fraude.

La portée de cette action est néanmoins atténuée à plusieurs titres.

D’abord, ces contrôles ne portent que sur les entreprises enregistrées dans les bases de la DGI mais dont une partie de l’activité est dissimulée. Elle ne concerne donc pas les unités entièrement dissimulées qui n’ont fait aucune déclaration fi scale. Or, d’après les services de contrôle rencontrés, il existe une tendance au développement de ce type d’unités, notamment dans les activités de services et du BTP.

De plus, la technique de la vérifi cation de comptabilité ne permet pas d’intervenir de façon inopinée dans une entreprise car, à peine de nullité, la procédure prévoit l’envoi préalable d’un avis de vérifi cation à la personne contrôlée. Le vérifi cateur ne sera donc pas à même de constater directement une activité dissimulée. Or, la reconstitution de recettes est une opération assez lourde et qui suppose un certain montant de revenus dissimulés pour être véritablement probante. Les méthodes de contrôle ne permettent donc pas vraiment de détecter une activité dissimulée de faible ampleur, surtout dans les secteurs où le paiement en espèces est fréquent (restauration, commerce…). De plus, même lorsqu’il y a reconstitution de recettes, il n’est pas forcément évident d’en déduire un recours à de la main d’œuvre dissimulée.

Enfi n, les redressements effectués au titre d’une activité dissimulée ne sont pas suffi samment exploités du côté des URSSAF, compte tenu des problèmes de coordination et de transmission d’informations entre la sphère fi scale et la sphère sociale (cf. infra).

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