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Plusieurs administrations étrangères procèdent à un chiffrage ou une évaluation de la fraude

Chapitre II. – Les résultats des contrôles fournissent une photographie de la fraude détectée mais doivent être interprétés

A. Plusieurs administrations étrangères procèdent à un chiffrage ou une évaluation de la fraude

Les travaux menés à l’étranger comportent généralement trois sources : les études et recherches menées par les administrations fi scales elles-mêmes, celles conduites par les instituts statistiques et enfi n des travaux universitaires de recherche.

Ces travaux peuvent être classés en deux grandes catégories : ceux qui portent sur la mesure de la compliance ou de la fraude aux prélèvements obligatoires, et ceux qui concernent davantage la mesure de l’économie souterraine et des activités dissimulées.

1. Les études sur l’évaluation de la compliance et de la fraude

Plusieurs administrations fi scales des pays de l’OCDE ont lancé, dans les années 1990, des études pour obtenir un chiffrage de la compliance dont font preuve les contribuables. Il s’agit donc de mesurer le respect volontaire, par ceux-ci, de leurs obligations fi scales et donc, corrélativement, d’évaluer la part de l’irrégularité et de la fraude. L’objectif principal de ces études est de s’assurer de l’effi cacité de la stratégie mise en place pour lutter contre la non-compliance.

Un des programmes de recherche les plus importants menés sur ces sujets a été lancé par l’administration fi scale américaine, l’Internal Revenue Service (IRS), dès les années 1960 : le Taxpayer compliance measurement program (TCMP). Ce programme utilise des données tirées de contrôles choisis de façon aléatoire et donc non biaisées par le ciblage réalisé par les services de contrôle. Il a essentiellement concerné les particuliers, même si certaines PME ont pu être incluses dans le champ des contrôles aléatoires. Pour la première année, la taille de l’échantillon était de 100 000 contribuables, puis 50 000 dans les années suivantes et enfi n 26 000 par an. Ce programme a depuis été remplacé par le National resarch program, identique dans ses fi nalités mais moins lourd à gérer pour l’IRS.

50. Déclaration de janvier 2006 du groupe de travail inter secrétariat sur la comptabilité nationale, qui regroupe les experts de la Banque mondiale, d’Euros- tat, du FMI, de l’ONU et de l’OCDE. Les normes internationales auxquelles il est fait référence renvoient au manuel SCN 93 (System of national accounts, 1993), co-signé par les organisations précitées.

Les résultats tirés de ces recherches ont permis ensuite de stimuler la recherche universitaire sur ces sujets et en particulier autour de l’analyse du comportement du contribuable et des ressorts de la non-compliance. Ainsi, l’IRS utilise les données tirées de ces analyses non seulement pour estimer le tax gap, c’est-à-dire l’écart entre le produit théorique des impôts et le montant effectivement collecté, mais aussi pour détecter certains problèmes particuliers de fraude, mettre au point son programme de contrôles et allouer ses ressources budgétaires. L’IRS va même jusqu’à considérer que « la mesure de

la compliance s’apparente à la mesure du résultat net pour une entreprise privée. Les deux notions constituent l’évaluation fi nale de leur effi cacité51 ».

Plusieurs Etats, à la suite des travaux de l’IRS, se sont engagés dans la même voie et procèdent à une estimation régulière du tax gap et communiquent ensuite autour des résultats. Ces estimations sont parfois réalisées par les administrations fi scales elles-mêmes : c’est le cas au niveau fédéral aux Etats-Unis mais aussi au niveau de plusieurs Etats fédérés pour les taxes locales (Californie, Idaho, Minnesota), au Royaume-Uni, en Suède. Dans d’autres cas, l’estimation de la fraude ou du tax gap est issue de travaux universitaires, comme par exemple au Canada, en Nouvelle-Zélande, aux Philippines ou encore au Brésil52.

Au Canada, l’Agence du revenu, sans procéder à une estimation globale de la fraude, mène une politique de recherche et d’expertise très active sur l’inobservation des règles fi scales et la fraude. Par exemple, elle a mis en place un programme de vérifi cations aléatoires qui lui permet de mesurer la qualité du ciblage que ses équipes réalisent.

Récemment, plusieurs Etats européens ont mis en place des mesures spécifi ques de l’écart TVA (cf. supra) afi n d’avoir une idée de l’ampleur des phénomènes pressentis en matière de fraude à la TVA, en particulier le Royaume-Uni53 ou l’Allemagne, où le calcul de l’écart a été réalisé pour les années récentes par un institut économique privé54. De même, depuis 2004, l’Italie fournit une estimation du montant de la fraude à la TVA. En France, l’INSEE procède certes au calcul de cet écart mais uniquement tous les cinq ans dans le cadre du calibrage de la base des comptes nationaux et cette mesure ne fait pas l’objet d’une analyse particulière de la part de l’administration fi scale.

Le Royaume-Uni est d’ailleurs particulièrement dynamique en matière d’évaluation de la fraude et de l’irrégularité puisqu’en plus du calcul de l’écart TVA, l’administration britannique – le HMRC (Her Majesty’s Revenue and Customs) – a aussi mis en place un suivi du niveau de la non-compliance, en matière de crédits d’impôt en faveur des familles, en matière d’accises sur les alcools et les tabacs ainsi qu’un calcul de la fraude imputable aux carrousels de TVA55. Ces évaluations constituent un des indicateurs pour apprécier l’effi cacité de l’action de l’administration fi scale britannique.

Il faut cependant souligner que la majorité des Etats européens ne procèdent pas à une évaluation de la fraude aux prélèvements obligatoires. Cette situation a d’ailleurs conduit la Commission européenne à lancer, en mai 2006, une étude pour quantifi er la fraude au sein des Etats de l’Union européenne.

2. Les études sur l’économie souterraine et les activités dissimulées

Au-delà de la seule mesure du tax gap, il existe de nombreux travaux qui visent à évaluer, plus globalement, la part de l’économie souterraine dans les économies de l’OCDE. Ces travaux sont généralement menés par les instituts statistiques des pays concernés, à quelques exceptions près, comme l’étude de l’administration fi scale suédoise déjà citée sur le travail dissimulé56.

En effet, l’estimation de l’économie souterraine ou dissimulée peut s’intégrer dans le cadre du redressement de l’évaluation de la production dans les comptes nationaux même si, comme on l’a vu dans le cas de l’INSEE, ces redressements ne débouchent pas nécessairement sur une vision exhaustive du phénomène.

Suite à une enquête lancée par les Nations-Unies auprès des pays européens, 29 Etats ont répondu sur leurs méthodes d’estimation de l’économie souterraine57. La France n’a pas répondu à cette enquête.

Il ressort de cette étude que les méthodes utilisées pour procéder à cette estimation s’apparentent généralement à des méthodes directes et les instituts statistiques s’appuient généralement sur des recoupements entre différentes sources statistiques. Certaines méthodes originales ont été développées, notamment par l’Italie (cf. encadré suivant).

51. R. Brown, Mark MAZUR, IRS’s comprehensive approach to compliance measurement, Internal revenue service, juin 2003.

52. Voir la liste qui fi gure en annexe de l’article de J. McMANUS et N. WARREN, The case for measuring tax gap, Journal of tax research, vol. 4, no 1, Août 2006

53. HMRC, Measuring indirect tax losses - 2005, décembre 2005.

54. Can new models of value added taxation stop the VAT revenue shortfalls ?, IFO, 2003.

55. HMRC – Analysis team, Child and working tax credits – Error and fraud statistics 2003-04, 2006. 56. Skatteverkett (Agence fi scale suédoise), Purchasing and performing undeclared work in Seweden, op. cit.

Encadré no1 : La méthodologie développée par l’ISTAT en Italie

En Italie, l’institut national de la statistique (ISTAT) a élaboré, dans les années 1990, une méthode indirecte d’évaluation de l’économie souterraine mêlant l’utilisation des agrégats économiques et des enquêtes spécialisées. Pour élaborer cette méthode, que l’organisme statistique EUROSTAT a qualifi ée de « bonne pratique méritant une attention

particulière », l’ISTAT est parti du principe que lorsqu’elles sont interrogées par des enquêteurs, fussent-ils indépendant

des corps de contrôle, les entreprises ne déclarent que les employés en règle, alors que les travailleurs salariés sont moins réticents à déclarer leurs revenus professionnels, même illicites.

En utilisant les données déclaratives offi cielles des entreprises et celles issues d’enquêtes à destination des ménages (dont le recensement), le paramétrage du modèle est complété à partir d’enquêtes administratives diverses relatives à l’agriculture, la sécurité sociale ou sur les demandes de permis de séjour. Bien qu’elle se fonde sur des enquêtes, cette méthode est bien indirecte car elle ne se fonde pas directement sur une extrapolation de données relatives aux contrôles ou aux irrégularités.

La méthode italienne offre de nombreux aspects très séduisants et à peu près inédits dans le cadre des méthodes indirectes. A la différence des méthodes indirectes classiques, elle fournit des estimations par secteur et par échelon territorial. L’ISTAT publie ainsi régulièrement le nombre offi ciel de travailleurs au noir, exprimé en unités de travail à temps plein (ULA).

Cette méthode assez pointue a toutefois été contestée en Italie même. L’hypothèse selon laquelle les travailleurs déclareraient spontanément l’intégralité de leurs revenus est apparue fragile (ce que l’ISTAT a en partie reconnu) et les situations d’irrégularité partielle (sous-déclaration) seraient imparfaitement prises en compte. Enfi n, comme toute méthode indirecte, celle de l’ISTAT ne permettrait pas une description qualitative du phénomène mesuré. Au fi nal, la méthode de l’ISTAT ne peut être considérée comme un instrument miracle ou défi nitif, mais constitue malgré tout un des exemples les plus convaincants en matière de mesure du phénomène.

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