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Les méthodes directes fournissent les approches les plus solides

Chapitre II. – Les résultats des contrôles fournissent une photographie de la fraude détectée mais doivent être interprétés

A. Les méthodes directes fournissent les approches les plus solides

Un recensement des méthodes directes existantes permet de mettre en évidence quatre principales techniques d’estimation :

− une méthode fondée sur des questionnaires soumis à un panel d’individus ; − une méthode fondée sur l’extrapolation des résultats des contrôles fi scaux ;

− une méthode fondée sur l’analyse des incohérences statistiques des comptes nationaux ;

− une quatrième méthode fondée sur les activités criminelles et l’évaluation des prix et quantités de ces dernières. Cette méthode n’est mentionnée que pour mémoire, dans la mesure où elle concerne moins la fraude aux prélèvements obligatoires.

Ces différentes méthodes font l’objet d’une présentation rapide dans les paragraphes suivants. La méthode retenue par l’INSEE, qui s’appuie sur les méthodes directes pour le redressement des comptes nationaux, est également présentée.

1. Les méthodes fondées sur des enquêtes

L’estimation de la fraude et de l’économie informelle est obtenue à partir des réponses que des individus acceptent de fournir à des questionnaires. Cette méthode présente l’avantage de disposer d’informations assez détaillées sur la structure de la fraude, le comportement des fraudeurs et leurs motivations.

Ainsi, une étude québécoise fondée sur des questionnaires adressés à environ 5 000 personnes a montré que l’offre de travail au noir est relativement faible : la part des personnes interrogées qui participeraient à un marché du travail « souterrain » est ainsi estimée à 5 % pour l’année 199443.

Cette méthode se heurte cependant aux limites traditionnelles des enquêtes, c’est-à-dire la part des non réponses et la volonté des répondants de coopérer. Or, ces limites sont particulièrement amplifi ées s’agissant d’un phénomène illégal et dissimulé. De même, il est à craindre que la teneur des réponses varie fortement en fonction de la façon dont les questions de l’enquête sont formulées. Il n’en reste pas moins que l’enquête peut constituer une approche intéressante dans certains cas, notamment pour disposer d’une information directement en provenance des contribuables fraudeurs.

2. Les méthodes fondées sur l’extrapolation des résultats des contrôles fi scaux

Cette méthode consiste à évaluer l’ampleur de l’économie informelle à partir de la différence entre les revenus déclarés aux autorités fi scales et ce qui est mesuré par des contrôles sélectifs. Les résultats du contrôle fi scal et des contrôles en matière de cotisations sociales permettent ainsi de déterminer un niveau de sous-déclaration ou de fraude qui est ensuite appliqué à l’ensemble de l’économie.

Cette technique est utilisée dans de nombreux pays. En France, les sources fi scales sont notamment utilisées pour ajuster le calcul de la production et de la valeur ajoutée dans les comptes nationaux (cf. infra). Elle apparaît particulièrement adaptée pour mesurer la fraude sur les prélèvements obligatoires, même si elle est plus fruste pour mesurer l’économie informelle dans son ensemble et connaît certaines limites.

En effet, cette méthode pose deux diffi cultés dont les effets jouent sur l’estimation de la fraude en sens contraire. D’abord, les contrôles ne sont pas menés de façon aléatoire mais sont généralement ciblés de façon à ce que les contrôles aient le plus de chance de saisir les fraudeurs. Ceci aboutit donc à une sur-représentation des fraudeurs dans l’échantillon et donc, après extrapolation, un risque de surestimation de la fraude. Ce biais peut être évité si une partie des contrôles est choisie de façon aléatoire (cf. infra).

D’autre part, les résultats de contrôles donnent une indication sur le niveau de fraude des personnes qui déclarent leur activité mais ces contrôles ne dévoilent qu’une partie des montants éludés et prennent imparfaitement en compte la fraude des redevables non déclarés.

3. L’approche par les anomalies statistiques des comptes nationaux

Le principe de cette approche consiste à « traiter la production dissimulée comme la production légale et à interpréter les incohérences statistiques dont témoignent les comptes nationaux comme des indices de la présence de l’économie souterraine44 ».

Une application consiste ainsi, en matière de TVA, à calculer l’écart entre la TVA théorique, calculée à partir des éléments de la comptabilité nationale, et la TVA effectivement collectée. La TVA théorique est calculée aux agrégats de dépenses par produit des taux théoriques de TVA.

Cette méthode est assez largement utilisée. Ainsi, dans le cadre des redressements opérés pour le calcul du PIB, l’INSEE mesure cet écart de TVA à 8,1 milliards d’euros dans la base 200045. De même, l’administration fi scale britannique a chiffré cet écart de TVA à 10,4 Md£ (15 Md€) pour l’année 200246.

Cette méthode présente l’avantage d’une certaine fi abilité dans la mesure où les sources sur lesquelles elle s’appuie pour le calcul de la TVA théorique sont indépendantes des données d’origine fi scale. Elle est particulièrement intéressante sur l’estimation de la fraude en matière de TVA.

Son principal inconvénient est néanmoins que l’écart ainsi calculé est considéré comme relevant largement d’une fraude (en particulier, de la TVA encaissée mais non reversée) alors même que d’autres facteurs peuvent aussi participer à l’existence de cet écart (redressements, erreurs…). De plus, le résultat ainsi obtenu fournit peu d’informations quant à l’origine des pertes et aux mécanismes de fraude.

43. « Offre de travail au noir en présence de taxation et de contrôles fi scaux », B. FORTIN, N. JOUBERT et G. LACROIX cité dans l’étude « L’évaluation de l’économie souterraine : un recensement des études », Marianne CORNU PAUCHET, ACOSS STAT – no 08 – septembre 2003.

44. Cette méthode peut être considérée comme « directe » dans la mesure de l’économie informelle peut se lire « directement » dans les statistiques écono- miques nationales. Cf. Evaluer l’ampleur de l’économie criminelle, Christine FAUVELLE-AYMAR, Pierre KOPP, Patricia VORNETTI, in Les cahiers de la sécurité intérieure, no 48, 2e trimestre 2002.

45. Cf. Les comptes nationaux passent en base 2000, Dossier spécial sur la base 2000 des comptes nationaux sur le site de l’INSEE (www.insee.fr). 46. Measuring indirect tax losses, HM Customs and Excise, novembre 2002.

4. L’évaluation de l’INSEE pour la comptabilité nationale

se fonde essentiellement sur les résultats du contrôle fi scal et l’analyse de l’écart TVA

L’INSEE ne produit pas d’estimations de la fraude en tant que telle. En revanche, dans un souci d’exhaustivité de la comptabilité nationale, et conformément aux règles européennes et internationales, les services de l’INSEE sont conduits à corriger les biais causés par la fraude et le travail au noir sur les estimations des productions et des valeurs ajoutées des secteurs marchands non agricoles et non fi nanciers. Cette correction a pour effet d’augmenter, dans la comptabilité nationale, la production et l’excédent brut d’exploitation.

L’Institut statistique procède donc à un redressement de la valeur ajoutée produite chaque année à partir de trois types de fraude :

− la production dissimulée des entreprises régulièrement enregistrées (dissimulation de recettes) ;

− l’écart entre la TVA théorique calculée dans les comptes nationaux et le montant réel des recettes de TVA, cet écart étant notamment lié à la dissimulation de recettes mentionnée précédemment ;

− la production non déclarée d’unités de production non enregistrées (travail au noir).

Le tableau suivant présente l’estimation de l’INSEE de chacune de ces composantes de la fraude pour l’année 2000 en base 2000.

Tableau no8. – Redressements réalisés par l’INSEE dans les comptes nationaux au titre de la fraude et du travail au noir

(en % du PIB) 2000

Fraude et travail au noir 2,70%

Fraude à la TVA 0,60%

Total 3,30%

La méthode de calcul de ces estimations a été défi nie dès les années 1960 et a fait l’objet d’une amélioration sensible au cours des années 198047. La méthodologie présentée ici est celle utilisée pour la base 2000 des comptes nationaux. Elle est différente selon le type de fraude. Ainsi, les redressements pour fraude sont évalués par extrapolation des fi chiers de contrôles fi scaux des trois dernières campagnes fi scales disponibles. Par ailleurs, pour le travail au noir, la méthodologie distingue deux cas : les unités non déclarées et les emplois non déclarés dans des entreprises régulièrement enregistrées. Dans le premier cas, les évaluations de la base 1995 (qui reprenaient elles-mêmes les évaluations de la base précédente) ont été reprises dans la base 2000. La seconde forme de « travail au noir » a été estimée à partir des dissimulations de coûts mises en évidence lors des contrôles fi scaux.

En matière de fraude fi scale, la méthode utilisée revient à appliquer le niveau de fraude décelée sur des entreprises ayant fait l’objet de contrôles fi scaux à l’ensemble des entreprises de caractéristiques communes. Ainsi, l’INSEE calcule un taux de rehaussement du chiffre d’affaires sur la base des fi chiers transmis par la DGI puis applique ce taux de rehaussement à toutes les entreprises d’un même secteur.

Pour la fraude à la TVA, l’écart entre le montant théorique de TVA tiré de la comptabilité nationale et le produit réel de cet impôt fait l’objet d’un retraitement pour éliminer la part qui résulte des franchises, décotes et autres décalages temporels. Le reste est traité comme fraude des entreprises et intégré dans leur valeur ajoutée.

Cette méthodologie appelle plusieurs commentaires. En premier lieu, elle ne donne qu’une image partielle de la fraude et de l’indiscipline, c’est-à-dire uniquement celle qui résulte de la dissimulation de recettes des entreprises non fi nancières et non agricoles. Cette situation n’est pas anormale : il s’agit en effet pour l’INSEE non pas d’évaluer précisément la fraude et la manque à gagner pour le Trésor public mais de prendre en compte l’impact sur la production d’un phénomène non retracé par les procédures de collecte statistique habituelles.

Dès lors, le type de fraude pris en compte par l’INSEE est limité à la fraude qui peut avoir un impact sur le niveau de chiffre d’affaires. En revanche, les mécanismes portant sur le niveau du résultat sans passer par une sous-estimation de la valeur ajoutée ne font l’objet d’aucun redressement car ces manipulations n’affectent pas les agrégats des comptes nationaux.

Par ailleurs, pour les secteurs qui font l’objet d’un redressement, l’utilisation des chiffres du contrôle fi scal comporte un biais dans la mesure où les contrôles ne sont pas effectués de façon aléatoire mais après une procédure d’analyse de risque. Dans ces conditions, l’hypothèse utilisée par l’INSEE selon laquelle le comportement des entreprises contrôlées est représentatif de celui de l’ensemble est de nature à conduire à une surestimation de la fraude pour les secteurs concernés. Il faut cependant noter que la pratique des statisticiens consiste à éliminer les valeurs extrêmes issues de l’exploitation des données du contrôle fi scal.

Ainsi, les résultats de l’INSEE ne constituent pas une estimation de la fraude aux prélèvements obligatoires et du manque à gagner qui en résulte pour les administrations publiques. Il s’agit avant tout d’éléments destinés à compléter et fi abiliser les données de la comptabilité nationale.

47. Cf. l’article de référence sur ce point : Jean-Charles WILLARD, L’économie souterraine dans les comptes nationaux, in Economie et statistique no 226, novembre 1989.

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