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Les secteurs concernés par le travail dissimulé

Chapitre IV. – Le système de prélèvements obligatoires français est confronté au développement de certains types de

C. Les secteurs concernés par le travail dissimulé

Connaître les situations susceptibles de faire naître les risques de fraude est fondamental pour améliorer le ciblage opéré par les services de lutte contre le travail dissimulé. Au-delà, c’est aussi le moyen de comprendre qui fraude en France et donc d’apporter une réponse plus fi ne et plus adaptée au développement du travail dissimulé (cf. supra, les travaux sur la propension des fi rmes à frauder).

Pour déterminer ce profi l, deux caractéristiques de l’entreprise sont examinées : sa taille et son secteur d’activité.

1. Les secteurs « traditionnels »

Certains secteurs de l’économie sont traditionnellement considérés comme plus atteints par la pratique du travail dissimulé. Le plan national de lutte contre le travail illégal 2004-2005 avait ainsi identifi é quatre secteurs prioritaires pour les services de contrôle : l’agriculture, le BTP, le spectacle et les hôtels-cafés-restaurants (HCR).

Selon la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, « on observe en effet dans ces secteurs une fraude

massive qui entraîne des déséquilibres sur le marché du travail, des distorsions de concurrence inacceptables et, dans le secteur du spectacle et de l’audiovisuel, un lourd défi cit du régime d’assurance chômage »70.

Les caractéristiques de ces secteurs expliquent l’importance du travail dissimulé qu’on y constate : forte saisonnalité, importance des coûts de main d’œuvre, structures de petite taille, paiements en espèces… De plus, ces petites structures sont souvent fragiles économiquement et donc peuvent être tentées de surmonter ces diffi cultés en ayant recours à la fraude.

Tableau no 13. – Evolution du nombre d’infractions par secteur d’activité depuis 1992

Année Agriculture BTP HCR Commerce Transport Services Industrie Autres Total

1992 7,7% 31,4% 13,2% 16,2% 3,4% 19,1% 8,8% 0,2% 100% 1995 8,4% 25,5% 14,7% 20,3% 4,6% 19,7% 6,7% 0,1% 100% 1997 7,0% 24,0% 15,0% 21,0% 6,3% 19,7% 7,0% 0,0% 100% 2001 7,2% 19,1% 18,6% 18,4% 7,9% 20,6% 8,2% 0,0% 100% 2003 6,3% 22,9% 16,8% 20,2% 9,7% 18,6% 3,1% 2,3% 100% 2004 4,8% 26,6% 17,0% 21,5% 8,5% 4,0% 3,8% 13,8% 100% 2005 5,3% 28,5% 17,2% 21,2% 7,3% 2,8% 4,0% 13,7% 100%

Source : Analyse de la verbalisation du travail illégal en 2005, Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI)

Les résultats du contrôle font effectivement apparaître une prédominance du BTP dans les infractions relevées. Le secteur représente ainsi entre le quart et le tiers des infractions relevées depuis 1992 (28,5 % en 2005), ce qui en fait la première activité pour la verbalisation du travail illégal. Les commerces et les « hôtels-cafés-restaurants » sont verbalisés à un niveau assez proche et représentent respectivement 21,2 % et 17,2 % des infractions relevées en 2005. En revanche le commerce, qui constitue le deuxième secteur pour le nombre des infractions relevées, ne fi gurait pas dans les priorités du plan national (cf. infra).

L’agriculture et les transports constituent un troisième niveau de secteurs qui représentent entre 5 % et 10 % du total. Les services et l’industrie se situent à des niveaux résiduels.

Ces résultats paraissent confi rmer en partie les priorités du plan d’action – le spectacle n’est pas un secteur identifi é par les statistiques et le commerce n’est pas dans le plan national – n’indiquent pourtant que la réalité des infractions relevées par les services de contrôle : en matière d’infractions, on ne trouve que là où on cherche.

2. Les autres secteurs

Les quatre secteurs identifi és par le plan d’action précité ne sont pas les seuls concernés par le travail dissimulé. Un certain nombre d’activités professionnelles sont également marquées par une présence, ancienne ou récemment développée de ce type de fraude. Trois secteurs peuvent ainsi être signalés : le commerce, le déménagement, les transports routiers et les services.

Comme indiqué dans le tableau supra, le commerce, avec 21,5 % des infractions relevées, représente un des secteurs les plus verbalisés en matière de travail illégal. Avec 12,9 % de la population active, c’est aussi l’un des secteurs les plus importants de l’économie nationale. Le commerce est également caractérisé par l’importance de la grande distribution qui représente près de la moitié du commerce français.

Le travail illégal dans le commerce est marqué par la dissimulation d’activité dans le secteur du petit commerce, où certains contribuables ne déclarent pas l’ensemble de leurs revenus ou les déclarent différemment aux services fi scaux et aux organismes en charge de la collecte des prélèvements sociaux. Dans le cas des activités salariées, la pratique de la sous- déclaration est également très répandue ainsi que celle de la fausse sous-traitance, qui prend des formes assez élaborées : faux gérants rémunérés comme salariés malgré une subordination de fait, utilisation délictueuse de la franchise ou le mandat commercial.

Le transport routier est un secteur qui a connu dans la décennie écoulée de profondes évolutions liées au développement du commerce intra-européen et à sa libéralisation dans le cadre de la réglementation européenne. Les effectifs du transport routiers ont ainsi continûment augmenté depuis 1995.

Dans le même temps, la reprise dans le cadre communautaire de l’interdiction de travailler plus de 200 heures dans le mois (issue initialement de l’accord « grands routiers » du 23 novembre 1994) a créé les conditions d’un recours au travail dissimulé plus accentué.

Celui-ci a toujours existé dans ce secteur et consistait traditionnellement en dissimulation partielle d’activité – renforcée par l’accord « grands routiers » – et, dans une moindre mesure, en dissimulation d’emploi salarié par non déclaration des employés. La réglementation européenne a par ailleurs encouragé certaines entreprises à recourir à la fausse sous-traitance en créant des fi liales dans des pays européens à bas niveau de charges sociales et en utilisant les possibilités offertes par la prestation transnationale de service.

Les services sont un secteur où le travail dissimulé est ancien et mal connu des services de contrôle qui ont peu accès à l’activité se déroulant au domicile des particuliers (cf. infra).

Ainsi, les services à la personne constituent-ils un secteur d’activité où le travail dissimulé par dissimulation d’activité totale ou partielle est sans doute l’une des plus importantes : les cours particuliers ou les travaux ménagers sont des activités dans lesquelles la déclaration a longtemps été l’exception, jusqu’à l’apparition du chèque emploi-service et le travail dissimulé s’y pratique encore avec une indulgence forte de la part de la société.

D’autres secteurs des services sont également le lieu de pratiques importantes en matière de travail dissimulé. Le nettoyage et la sécurité-gardiennage, marqués par une forte intensité de main d’œuvre, sont ainsi des domaines d’activité où la fausse sous-traitance a connu un grand succès dans la décennie écoulée. Enfi n, les services informatiques présentent un profi l atypique puisqu’il s’agit d’un secteur à forte valeur ajoutée, où les rémunérations sont élevées (1,3 fois plus élevées que dans les autres services aux entreprises), les conditions de travail intéressantes (trois quarts des offres d’emplois concernent des contrats à durée déterminée (CDI) ou des contrats à durée déterminée (CDD) de plus de six mois), et le chômage faible (inférieur à 6 %). Le travail dissimulé y prend en général la forme de la fausse sous-traitance de salariés déclarés comme indépendants.

II. L’ouverture des frontières offre de nouvelles opportunités pour les fraudeurs

Parler de globalisation des économies est aujourd’hui devenu un truisme tant le phénomène de mondialisation a pris une ampleur importante au cours des dernières décennies. Désormais, pour beaucoup d’entreprises, le niveau international est devenu l’horizon naturel de leur activité.

Cette évolution est particulièrement sensible pour l’économie française car elle a été amplifi ée par la construction d’un grand marché intérieur européen au sein duquel les frontières ont été progressivement abolies et les réglementations rapprochées.

Il ne s’agit naturellement pas ici de critiquer ou contester une évolution qui a apporté énormément d’avantages et d’opportunités pour notre pays. Simplement, force est de constater que cette dimension de plus en plus internationale de l’activité des entreprises et des individus complique singulièrement la tâche des administrations en charge du recouvrement dont les pouvoirs s’arrêtent aux frontières nationales.

Ainsi, autant les services de contrôle disposent de prérogatives étendues an niveau national, en particulier pour avoir accès aux informations relatives aux contribuables afi n de connaître la réalité de leur situation, autant ils sont assez démunis lorsqu’il s’agit d’appréhender ce qui se passe dans des Etats étrangers.

Dès lors, certains fraudeurs s’abritent de plus en plus derrière des opérations économiques transfrontalières pour masquer leurs comportements frauduleux (dissimulation de recettes…) et faire échapper une partie de leurs revenus aux prélèvements obligatoires nationaux. Face à ces phénomènes, la coopération internationale se développe mais reste encore insuffi sante, comme on le verra dans la deuxième partie du rapport.

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