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L’Etat d’Israël n’a pas perdu le conflit de 1973, toutefois, il est difficile de considérer qu’il l’a gagné, c’est-à-dire qu’Israël a conservé ses territoires, tant ceux de son Etat issus de 1948 que ceux occupés depuis 1967, mais il a dû combattre pendant plusieurs jours pour sa survie, les armées arabes ayant l’avantage sur les Forces de Défense d’Israël au début du conflit.

Après 1967, une guerre d’usure est menée le long du canal de Suez -devenu la ligne de cessez-le-feu entre Israël et l’Egypte depuis le dernier conflit israélo-arabe- ainsi que sur la frontière jordanienne par les militants de l’OLP. Elle dure de 1968 à 1970, le dessein de G. Nasser étant de « casser le moral d’Israël par l’usure », déclare-t-il en 1969, de manière à ce que les Israéliens se retirent du canal de Suez. L’aide soviétique à l’Egypte s’intensifie en 1970 avec l’envoi d’avions et de pilotes soviétiques, et de quinze mille militaires qui sont appelés « conseillers ». Cependant, après que l’armée de l’air égyptienne ait perdu cinq chasseurs lors d’un engagement contre l’aviation israélienne le 30 juillet231, l’Union soviétique exigera de l’Egypte la signature du cessez-le-feu avec Israël prévu depuis juin 1970. Sur le front jordanien, cette guerre d’usure cessera la même an-

née après l’expulsion des groupes palestiniens de Jordanie, dans l’épisode dit de Septembre noir explicité plus loin.

Le 28 septembre, le héros du nationalisme arabe, le raïs232, G. Nasser décède. Cet évènement est ressenti comme un drame en Egypte et dans nombre de pays arabes, car il était l’icône de la fierté arabe retrouvée après l’occupation ottomane, et la colonisation. Lui succède alors, A. Sadate, considéré comme un homme de transition. Il avait participé à de nombreux gouvernements précédents, et avait été choisi pour régler « les affaires courantes » en attendant de trouver un leader charismatique qui pourrait reprendre le leadership de la pre- mière puissance arabe.

A. Sadate va surprendre, car il décide de mener une politique qui sort de l’affrontement est-ouest, dont le conflit israélo-arabe est une des pièces principales, avec le Viêt-Nam, par exemple, à la même époque. Il expulse les conseillers soviétiques d’Egypte, le 18 juillet 1972. Cependant, il sait qu’il ne pourra envisager de négocier avec Israël qu’en position de force, au moins relative233. Les trois précé- dents échecs arabes ne vont pas dans ce sens, Israël pouvant se sentir les mains libres dans la région. C’est dans cette perspective qu’il or-

232 Terme qui en arabe signifie « tête », « président », à la manière du français « chef de l’Etat », « chef » vient

étymologiquement du latin caput.

233 Enderlin C., Paix ou guerres, Paris, Fayard, 2004 (nouvelle édition). Le 8 février 1970, l’envoyé spécial des

Nations unies G. Jarring, fait une proposition aux deux parties se fondant sur la résolution 242, A. Sadate est d’accord, mais Israël est méfiant et encore dans l’état d’esprit de victoire de 1967. Cette acceptation égyptienne embarrasse G. Meir qui a face à elle un dirigeant voulant négocier. Les Israéliens tergiversent et ne savent pas comment réagir face à cette proposition. A. Sadate déclarera que « l’alternative, c’est la guerre », sans qu’Israël n’envisage cet événement à cause de la situation militaire de l’Egypte en attente de matériel soviétique. N. B. : certains événements cités dans le développement de ce chapitre sont issus de cet ouvrage.

ganise dans le plus grand secret une offensive contre Israël, coordon- née avec la Syrie. Pour éviter que la préparation d’une attaque ne soit soupçonnée et tromper les services de renseignements israéliens. Il mobilise plus d’une vingtaine de fois son armée face à la ligne Bar- Lev, située sur la rive est du canal de Suez et tenue par les forces israéliennes. Les services israéliens, après avoir assisté à ces ma- nœuvres de nombreuses occasions, ne se méfient plus en cette veille de Kippour 1973 et beaucoup partent dans leurs familles pour la fête. Comme toujours pour cette fête cardinale du Judaïsme tant pour les laïques que pour les religieux, Israël s’arrête économiquement et, en partie, militairement234. A cause des mouvements de troupes syriens et égyptiens, les FDI sont toutefois restées en état d’alerte et certaines permissions sont levées sans vraiment envisager une attaque, comme le montre les conversations entre G. Meir et son cabinet235. Pourtant, plus les jours passent, plus les services de renseignements compren- nent qu’un événement va se produire ; ils reçoivent, en plus, des aver- tissements inquiétants de pays occidentaux, comme la France. Le 6 octobre 1973, Israël a la certitude que l’Egypte et la Syrie vont passer à l’offensive, mais ils sont pris au dépourvu, car, malgré la levée des permissions, le nombre de personnels est insuffisant. Il faudrait décré- ter une mobilisation générale de toute urgence. En outre, bien que

234 Le film Kippour de A. Gitaï montre un Israël avec des rues vides et des soldats rentrés chez eux pour la fête,

qui vont devoir monter au front sans savoir vraiment où aller et quel est leur poste. Le réalisateur a participé à ce conflit en tant que caméraman militaire.

235 Enderlin C., Paix ou guerres, op. cit. , p. 336 et suivantes et Bergman A. et el-Tahri J., Israël et les Arabes, la

guerre de cinquante ans, Paris, Mille et une nuits, Arte Editions, 1998, p. 151 et suivantes, pour un récit exhaus-

l’attaque soit prévue pour 18 heures, les Etats arabes commencent leurs manœuvres dès 14 heures avec des moyens inattendus.

Les forces égyptiennes attaquent la ligne Bar-Lev constituée de fortins et de collines de sable artificielles, résistantes aux obus et aux projectiles conventionnels. Elle est peu entretenue, car on ne croit pas à une attaque égyptienne. Pour réduire ces défenses, les Egyptiens uti- lisent des lances à eau qui ont pour effet de faire s’effondrer ces col- lines. Alors, ils installent des ponts mobiles pour passer le canal et prendre les fortins à revers. Un seul résistera jusqu’à la fin du conflit aux troupes égyptiennes. La mise en place des ponts mobiles permet de faire passer le matériel et les véhicules blindés et de ravitaillement. La guerre des chars va commencer dans le désert du Sinaï, alors que l’aviation égyptienne bombarde les aéroports israéliens et inflige de lourdes pertes en aéronefs à Israël. Au même moment dans le Golan, les Israéliens arrêtent in extremis l’avancée des chars syriens. La ba- taille est acharnée dans le Sinaï où les blindés israéliens sont dans une position difficile à cause de l’utilisation de roquettes anti-char sovié- tiques Saggers dont les services de renseignement israéliens ignoraient l’existence.

Pour la seconde fois depuis 1948, Israël est dans une situation où se joue son existence. La guerre semble pratiquement gagnée par les pays arabes, d’autant que des volontaires arrivent d’Irak et de Jordanie pour renforcer l’armée syrienne le 9 octobre. Cependant, après l’effet

de surprise, Tsahal parvient à stabiliser le front sud, tandis que des ponts aériens se mettent en place, venant d’Union soviétique pour les Arabes, et des Etats-Unis pour Israël. Les 15 et 16 octobre, les géné- raux A. Sharon et A. Adan parviennent à contre-attaquer et à faire une brèche dans les lignes égyptiennes à la hauteur d’un des lacs du canal. Après l’avoir traversé, les troupes israéliennes attaquent les forces égyptiennes, alors en plein redéploiement. Dans le même temps, le Golan est reconquis. Le 17 octobre, c’est le premier choc pétrolier, les pays arabes décident de cesser toute exportation de pétrole vers les pays soutenant la politique d’expansion d’Israël depuis 1967, si ce dernier ne se retire pas des territoires occupés. Sont concernés les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, le Portugal et les Pays-Bas.

L’Etat d’Israël est en train de reconquérir tout ce qu’il a perdu, après avoir failli disparaître corps et bien. L’Egypte signe un cessez- le-feu le 23 octobre, la Syrie le lendemain. Le 26 octobre la résolution 338 est adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle rappelle son attachement à la résolution 242 ; en ce sens, on remarque que la position politique et juridique du Conseil de Sécurité ne varie pas, et que les fondements de la négociation sont communément ad- mis par les Membres permanents236, comme seul axe pour un accord global. La guerre de 1973 est terminée, elle n’a bénéficié territoriale- ment à aucun des belligérants. Pourtant elle sera essentielle dans les relations entre Israël et ses voisins et la prise en compte de la question

palestinienne. Elle a montré qu’Israël n’est pas invincible tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ceci va changer la donne politique israé- lienne et, à terme, infléchir la position de ses nouveaux dirigeants.

B. Israël et l’Egypte : changements in-