• Aucun résultat trouvé

1° chapitre : Contexte idéologique, politique et événementiel du conflit

I. Aperçu politique, idéologique et événemen tiel du conflit israélo-arabe avant

On traitera rapidement du Moyen-Orient ancien en guise d’introduction. Il convient de rappeler que la présence arabe et juive dans la région est très ancienne.

Les premières traces des populations juives dans le Levant datent d’avant l’époque chrétienne, vers 1200 avant Jésus-Christ42. Les Hé- breux étaient des pasteurs qui nomadisaient dans la région au milieu d’autres peuples comme les Cananéens ou les Philistins, selon les époques. Ils se sont fixés en majorité dans la région montagneuse qui correspond à la Judée et à la Samarie, aujourd’hui ces terres

42 L’apparition des Hébreux dans la région et leur origine sont encore discutées entre spécialistes, voir par

exemple, I. Finkelstein et N. A. Silberman, La Bible dévoilée, Paris, Bayard éditions, 2002 pour la traduction française.

s’appellent la Cisjordanie. Ce point est très important si l’on veut comprendre l’attachement des Israéliens aux Territoires occupés. Ces terres sont le berceau de la civilisation hébraïque avec des villes comme Hébron, Jérusalem ou Naplouse qui ont eu une importance ca- pitale dans l’histoire du peuple hébreu comme lieu de culte avant la réforme de Josias au VIII° siècle avant Jésus-Christ ou comme centre de la monarchie unifiée pour Jérusalem. Jéricho est la ville par la- quelle les Hébreux serait revenus à Canaan sous le commandement de Josué qui aurait détruit les villes cananéennes pour réinstaller les an- ciens esclaves du Pharaon, après quarante ans d’errance dans le désert du Sinaï. Jérusalem possède symboliquement une place plus forte en- core, en outre d’avoir été la capitale du royaume de Juda, elle possé- dait le seul temple de Yahvé reconnu après la réforme de Josias. Ce Temple où se trouvait le Saint des saints était le lieu où Yahvé avait son « siège » sur la Terre. On voit donc l’importance historique, sym- bolique et religieuse de la Cisjordanie occupée pour les Israéliens. Cette zone est au centre de leur univers culturel et religieux, ce qui rend plus difficile encore la séparation entre l’Etat d’Israël et les Terri- toires.

Dans le cas des Arabes, leurs traces dans la région sont aussi an- ciennes, ils étaient également des pasteurs qui entraient en contact avec les Hébreux dans le Néguev, le sud de la Judée et la Transjorda- nie. Quand la région s’est développée, ils ont participé aux échanges commerciaux locaux de manière capitale ; c’était eux qui, avec leurs

caravanes, transportaient l’encens et la myrrhe de l’Hadramaout yé- ménite, mais aussi les épices des Indes, après qu’elles aient été débar- quées dans les ports orientaux de la péninsule arabique. En échange, ils rapportaient de l’huile d’olive vers le sud, dont les Hébreux étaient de grands producteurs.

Les relations familiales et de lignage entre les deux peuples, sont même décrites dans la Bible hébraïque, les Arabes et les Hébreux sont frères43. Abraham ne pouvant avoir d’enfant avec son épouse Sarah, elle le pousse alors à avoir une descendance avec sa domestique et concubine égyptienne, Agar. Le nom de celle-ci signifie « étrangère » en hébreu biblique. De cette union naîtra Ismaël, le premier fils d’Abraham. Mère et fils devront partir lorsque Yahvé permettra à Sa- rah à quatre-vingt dix ans d’enfanter ; ils partirent vers le sud, de là naquirent les peuples arabes. Ismaël avait treize ans. Son frère est Isaac, père de Jacob, qui recevra de Yahvé son nom d’Israël44, après un combat nocturne contre le dieu unique se présentant comme un in- connu. On voit donc clairement que même pour les rédacteurs de la Bible, les deux peuples sont très liés, voire imbriqués dans une rela- tion qui déjà apparaît complexe, voire conflictuelle.

Un autre moment important se situe entre 70 et 120 après Jésus- Christ. Se produisent alors deux rébellions juives qui seront écrasées dans le sang et qui se concluront en fin de compte par la destruction

43 Dans la Bible, les relations entre les peuples sont souvent liées à des rapports familiaux. 44 I. e. « celui qui a lutté avec Dieu »

du Temple de Jérusalem et de l’expulsion des juifs en dehors de leur terre natale. Ils se réfugieront partout autour de la Méditerranée, en Mésopotamie, et encore plus loin vers l’est et le nord, jusqu’en Europe centrale et occidentale.

L’arrivée du Christianisme dans l’Empire romain n’a pas amé- lioré la position des juifs, considéré comme le peuple ayant condamné à mort le Christ. Le moment le plus intéressant pour les communautés juives disséminées en Orient et au Maghreb fut la conquête musul- mane qui a apporté un droit personnel fixé par le Coran et le dogme islamique. Les individus issus des religions du Livre, c’est-à-dire les monothéistes non musulmans comme les chrétiens, les juifs et les zo- roastriens, pouvaient pratiquer librement leurs cultes, à condition de payer une capitation et de ne pas construire, ni de restaurer leurs édi- fices religieux. Ce système, même s’il était incitatif à la conversion, a permis la préservation des communautés juives tout autour de la Mé- diterranée, dans des conditions de vie et de sécurité qui n’existaient que rarement en Europe, où les juifs pouvaient subir de nombreuses contrariétés et humiliations, voire des exactions allant jusqu’à la mort. Il est arrivé qu’à certaines périodes, pourtant, le contexte soit plus dif- ficile lorsque quelques dirigeants furent influencés par des courants comme le mutazilisme, ou étaient proche de l’intégrisme religieux.

Les contraintes et excès ayant cours à ces époques touchaient tous les non-musulmans45, on ne peut donc parler d’antisémitisme.

La période cruciale pour comprendre le conflit israélo-arabe, la question de la frontière d’Israël et plus largement la question d’Orient comme on l’appelait au XIX° siècle est, celle de l’apparition du natio- nalisme en Europe d’abord et -par influence intellectuelle- dans tout le bassin méditerranéen, c’est-à-dire l’importance des nationalismes français et allemands. Ces deux concepts de la Nation sont distincts et impliquent une perception de l’individu et du groupe différente ; c’est sur les fondements d’un nationalisme fermé, à l’allemande que se sont (re)créées les identités arabes et juives à partir du XVIII° siècle. Com- prendre les difficultés pour trouver une solution à la question des fron- tières au Moyen-Orient ne peut se percevoir qu’après avoir saisi quels sont les tenants et les aboutissants de la conception idéologique des êtres juif et arabe, de manière essentielle, c’est-à-dire sans relativisa- tion temporelle, historique, politique ou personnelle. Cela montre la difficulté de la mise en place du Droit dans un contexte où il se heurte à l’histoire et à la mémoire.

Il faut maintenant traiter de la situation du Moyen-Orient avant la création de l’Etat d’Israël. Nous remonterons au XIX° siècle, en ex- pliquant l’importance de la terre dans les mentalités juive et musul-

45 Non-musulman se comprend ici comme non-musulman monothéiste, les autres croyants devant soit se conver-

tir, soit mourir. Dans les faits, comme le montre l’exemple du sous-continent indien, ces règles ont subi des atté- nuations.

mane, et leur manière différente de l’appréhender. On verra aussi les changements qui se sont produits dans l’Empire ottoman (A), ainsi que son statut dans ces deux religions (B). Ensuite, on étudiera la montée des nationalismes juif et arabe modernes, leurs évolutions et leurs courants (II). Cette question est cruciale : la frontière est profon- dément liée à l’idéologie et, en ce sens, cette dernière aura des réper- cussions sur la création, ou la non-création, juridique dans la région.