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Cette recherche vise à mettre en lumière les modalités et les dé- terminants juridiques, historiques et géopolitiques du conflit israélo- arabe. Il s’agit, d’une part, de la mise en relation entre ce qui a été né- gocié, ce qui a été signé, ce qui a été compris par les parties, d’après des déclarations publiques, et d’autre part, ce qui a été appliqué et ce qui a été fait sur le terrain, ceci permettant d’avoir une réflexion claire et matérielle des faits.

La question du Moyen-Orient a toujours été importante en France, surtout depuis qu’elle accueille à la fois les communautés arabe (Maghrébins en très grande majorité) et juive (Sépharades et ju- déo-arabes, surtout arrivés du Maghreb depuis les années 1960, Ash- kénazes après la Shoah) les plus importantes d’Europe. Le premier « choc » est venu de la guerre de 1967, la communauté juive de France s’étant rapprochée d’Israël par crainte de la destruction de cet Etat. La victoire qui fit correspondre l’Etat d’Israël moderne avec ses délimitations antiques et le retour de la totalité de Jérusalem sous sou- veraineté israélienne a encore renforcé ce rapprochement. Depuis 2000 et les débuts de la Seconde Intifada, les tensions entre certaines parties de ces deux communautés ont été importantes (cf. les déclara-

tions du président du CRIF20, Roger Cukierman, qui déclarait que la présence de l’extrême-droite au second tour des élections présiden- tielles de 2002 est un signe en direction des musulmans de France et une conséquence de l’augmentation des actes antisémites). Les pas- sions entourant la question d’Orient, si on veut utiliser une terminolo- gie datant des débuts du siècle dernier, sont fortes et une étude fac- tuelle peut servir à dépassionner un débat et un conflit cinquantenaire.

L’intérêt sera donc de dégager une logique dans les différents accords et leurs applications pour tenter de cerner les marches à suivre pour plus d’efficacité et de réalisme : c’est-à-dire identifier les points positifs et le contexte porteur pour éviter une perte de temps inutile aux peuples de la région qui demeurent dans un état d’insécurité per- manent depuis des décennies.

20 Comité Représentatif des Institutions Juives de France, cet organisme représente les juifs en tant qu’individus

et non en tant que croyants, ce rôle étant dévolu au Consistoire. Des questions existent sur sa réelle représentati- vité, car il ne représente que les gens qui en font partie ou qui sont dans des associations affiliées et non l’ensemble des Français israélites. Il en est de même pour l’institution de représentation des Français musulmans, le Conseil Français du Culte Musulman, dirigé par Dalil Boubakeur, élu seulement par les personnes qui se sont déplacées le jour du vote ce qui est loin de représenter toute la communauté musulmane française, d’où sans doute une très forte présence de groupe comme l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France – 11 régions sur 25 lors des premières élections de cette institution en 2003), proche des Frères musulmans fondamen- talistes égyptiens. Dans le cadre du catholicisme, peu de catholiques se reconnaissent complètement dans les préceptes de la hiérarchie cléricale, comme le montre la désaffection des églises et le peu de vocations reli- gieuses. Le phénomène est donc général.

D. Méthodologie

Cette étude de l’influence de la situation géopolitique sur la gé- nération des accords entre Israël et les Arabes suppose nécessairement une approche pluridisciplinaire. Le fait juridique ne peut être compris que dans son contexte politique, géopolitique, historique et sociétal. Si l’on envisageait les accords sans savoir par qui ils ont été voulus, écrits puis appliqués et dans quelle situation politique tant intérieure qu’extérieure, on trouverait peu d’éclaircissements sur les réussites et les échecs auxquels ils ont donné lieu. C’est pourquoi, en plus d’une analyse juridique tant littérale que dans l’esprit21, l’histoire et la science politique ont dû être intégrées à la réflexion. Ces deux disci- plines vont permettre de mieux comprendre en quoi les textes étudiés portaient en eux les germes de leur échec ou les racines de leur réus- site, au moins partielle.

D’abord, cette recherche a débuté par une lecture assidue de nombreux ouvrages historiques sur la question. Ces ouvrages histo- riques permettent une mise en perspective nécessaire. Le problème posé par ces lectures, que d’ailleurs on retrouve dans une bonne partie de la littérature afférente au sujet, est le fait que le parti-pris existe souvent, même chez les historiens. On trouve par exemple des auteurs

21 L’esprit du texte a pu être compris ou interprété différemment selon les personnes et les gouvernements parties

dits sionistes ou classiques, d’autres révisionnistes22 (e. g. Ilan Pappé ou Avi Shlaïm) pour ce qui est de l’histoire sioniste et israélienne. Et de l’autre côté des spécialistes de l’histoire arabe et palestinienne sont présents, comme E. Saïd ou Rashid Khalidi. Aux débuts des historio- graphies israélienne et palestinienne, les points de vue étaient très op- posés. Les Israéliens considéraient que le départ des Arabes de Pales- tine était dû à une manœuvre des Etats arabes environnants pour per- mettre à leurs armées de mieux progresser. Pour les Palestiniens, ce départ ou Nakbah, qui signifie « catastrophe » est une expulsion en bonne et due forme, conséquence d’un plan dit « daleth » mené par les FDI en 1948, aidée par l’incurie des dirigeants palestiniens de l’époque et le « lâchage » des pays arabes alentour, surtout la Jordanie en raison d’avantages territoriaux sur la Cisjordanie négociés avec les Israéliens. Cet épisode, par exemple, a créé de nombreux débats entre historiens, aussi bien dans leur communauté nationale, que vis-à-vis de leurs confrères du camp opposé. Les différences ont maintenant tendance à s’amenuiser grâce à des rencontres universitaires et des colloques.

Par ailleurs, nous avons dû consulter, évidemment, des docu- ments officiels comme les accords ou leurs textes préparatoires. Pour cela, nous avons utilisé un site internet spécifique des Nations Unies

22 L’utilisation du terme révision se rattache au fait qu’ils ont révisé l’histoire d’Israël par l’étude des textes dé-

classifiés des gouvernements israélien et britannique (pour la période ante-1948) et les archives du mouvement sioniste. Le premier de ces auteurs fut Benny Morris. On les appelle aussi « nouveaux historiens » à cause de la rupture avec l’ancienne génération d’historiens dits « sionistes », c’est-à-dire ayant une vision historiographique entrant dans le cadre de l’idéologie sioniste traditionnelle.

rattaché à l’UNISPAL, soit United Nations Information System on the Question of Palestine23. Le site est une référence, il contient tous les textes relevant de ce conflit et du droit régional depuis 1915. En outre, il est mis à jour quotidiennement tant sur l’activité des Nations Unies dans la région que sur le Secrétaire général de l’organisation, les par- ties, les différents partenaires étatiques ou non (organisations non gouvernementales, Union européenne, Etats-Unis par exemple), etc. Il est donc indispensable à la recherche, car il représente une biblio- thèque en ligne incomparable et permet de consulter des textes dont l’acquisition serait très complexe autrement, même dans la littérature spécialisée qui n’en contient souvent que des extraits.

Par ailleurs, pour être tenu au courant de l’actualité souvent chargée du sujet, nous nous sommes abonnés à des listes de diffusion en ligne spécifiques. On trouve, par exemple, celle des Amis de la Paix Maintenant24 (Shalom Arshav), Bitterlemons25, créée par Y. Al- pher et G. Khatib, qui donnent des opinions croisées d’Israéliens et de Palestiniens sur l’actualité du conflit ou encore l’International Crisis Group26 qui l’évoque régulièrement sous forme de bilans et d’articles de la presse anglo-saxonne, dont est membre, par exemple, R. Malley, ancien conseiller du président étatsunien W. J. Clinton pour le Moyen- Orient. 23 http://domino.un.org/unispal.nsf 24 http://www.lapaixmaintenant.org 25 http://www.bitterlemons.org 26 http://www.crisisgroup.org

D’autres matériels ont aussi été utiles. La production de docu- mentaires et de reportages sur le sujet est très importante. Il y en a de tous types, allant du reportage de une minute trente ou cinquante-deux secondes au journal télévisé27 jusqu’à la série documentaire en plu- sieurs épisodes comme Israël et les Arabes, la guerre de cinquante ans de N. Percy ou le Rêve brisé du journaliste de France 2, C. Ender- lin, grand spécialiste du conflit qu’il couvre depuis les années 1970, et qui fut même parfois « faciliteur » entre les parties28. Ces œuvres télé- visuelles, issues parfois de recherches sur des documents vidéogra- phiques et cinématographiques rares ou inédits, permettent une syn- thèse de l’histoire du conflit ou d’un de ses aspects, avec des points de vue relativement objectifs, car ils font appel à des personnalités des deux camps faisant autorité29. Elles donnent aussi la possibilité d’un point de vue moins historique, et plus social, de se rendre compte par l’image de la réalité du terrain, tant israélienne qu’arabe. Cela permet de sortir de la sécheresse des textes juridiques afin de se rendre compte des conséquences pour les populations locales et des diffé- rences entre les discours politiques et le vécu des habitants. Les repor- tages quasi quotidiens dans les journaux télévisés donnent aussi l’occasion de percevoir cette réalité30.

27 Et cela de manière quotidienne en général.

28 On voit par exemple une rencontre secrète entre le négociateur israélien G. Sher et le négociateur palestinien

S. Erekat dans les locaux hiérosolymites de la chaîne publique lors du début de la seconde Intifada.

29 On y voit souvent les négociateurs ou les dirigeants politiques de l’époque.

30 La chaîne franco-allemande, Arte, France 2 et France 3 sont les médias télévisés qui donnent le plus de place à

La difficulté principale a été de synthétiser la masse d’informations, d’études et de recherches pour n’en extraire que ce qui est essentiel à la question de la frontière d’Israël d’un point de vue ju- ridique et de l’influence de la situation internationale sur sa généra- tion. Le fait que le sujet n’ait que peu été traité nous a obligé à cher- cher indirectement des données dans des ouvrages étudiant la théma- tique moyenne-orientale.

Après ces précisions sur la définition et la portée de ce sujet de recherche, ainsi que sur la méthode de travail, il faut commencer par s’intéresser au substrat historique de la question israélo-arabe.

Ce rappel est nécessaire aux développements ultérieurs, car il permet de les replacer dans leur contexte géopolitique, historique et juridique, ce qui est le fondement même de cette recherche. La créa- tion du droit dans la région ne peut être sortie de son contexte histo- rique, l’Israël de Begin et l’Egypte de Sadate ne sont pas la Palestine de Arafat et l’Israël de Rabin, quinze ans plus tard. Il faut donc recen- ser les fondements idéologiques et historiques qui mèneront à certains types d’accords plutôt qu’à d’autres. Ce rappel sera fait dans la pre- mière partie. On y étudiera aussi les accords entre Israël et les Etats arabes jusqu’à l’accord de Camp David I de 1978 avec la république d’Egypte. Cela constituera notre première recherche axée sur les rela- tions juridiques entre l’Etat d’Israël et ses voisins arabes. Ensuite, dans une seconde partie, il faudra considérer les échecs des accords

israélo-palestiniens depuis 1993 et leurs causes. Enfin, le dernier cha- pitre de cette dernière traitera des nouvelles perspectives quant à la « quasi-frontière » ou frontière « interne » de l’Etat d’Israël. Elle per- mettra en conséquence une définition de ce fait juridique original sur le plan du droit international public. Cette seconde recherche vise aus- si à expliquer les tentatives de règlement de la question palestinienne et leurs échecs. L’étude sera donc diachronique, i. e. l’examen de la question de Palestine « à travers le temps » et son évolution intellec- tuelle, sécuritaire, géopolitique et juridique, mais aussi chronologique, car ce sont bien les événements sur le terrain qui ont fait évoluer cette question. En conséquence, le plan aura une présentation particulière : suivent deux parties, car elles traitent de sujets différents relations avec les Etats arabes et les Palestiniens, mais les chapitres sont chro- nologiques. Ce choix est apparu peu à peu au cours des recherches. Les questions des relations entre l’Etat d’Israël avec ses voisins, d’une part, et avec les Palestiniens, d’autre part, si elles peuvent être traitées de manière dissociée, dans deux ouvrages différents, exigent d’être considérées dans leur ensemble, si l’on choisit de traiter les deux su- jets dans la même recherche. Les premiers accords étatiques ont rendu possibles les accords avec les Palestiniens. Par exemple, l’accord de Camp David I a été le premier texte entre l’Etat d’Israël et un Etat voi- sin a envisagé la question palestinienne. De plus, il a créé une fron- tière reconnue entre Israël et un Etat-tiers, ce qui a ouvert la voie au processus d’Oslo. Ce dernier, quant à lui, a permis la conclusion, en 1994, d’un accord de paix et de coopération entre Israël et le royaume

de Jordanie. Les frontières entre ces deux Etats ont été fixées et recon- nues. C’est dans cette intention qu’a été choisi ce plan, démontrer que les questions interétatiques de l’Etat d’Israël influe sur la question in- terne et vice-versa et donc sur la frontière israélienne. C’est ce que cherchera à démontrer cette analyse.