3.2 Champs de vecteurs multi-logarithmiques
3.3.2 Préliminaires à la preuve du théorème 3.3.7
Les méthodes utilisées pour démontrer la proposition 3.3.5 ne sont pas suffisantes pour
obtenir le théorème 3.3.7. En effet, si on considère la suite exacte courte
0→Ωek →Ωk(logC)→RC →0 (3.14)
on obtient avec le lemme de la profondeur et la formule d’Auslander-Buchsbaum la
proposi-tion3.3.19, dont l’énoncé est plus faible mais qui nous sera tout de même utile pour terminer la
preuve du théorème 3.3.7.
La preuve du théorème 3.3.7 est fondée sur le calcul explicite de certains modules et
mor-phismes de la suite exacte longue obtenue en appliquant le foncteur HomO
S(−,OS) à la suite
exacte courte (3.14) :
0→HomO
S(RC,OS)→HomO
S(Ωk(logC),OS)→HomO
S(Ωek,OS)→Ext1O
S(RC,OS)→. . .
(3.15)
Le plan de la preuve est le suivant. Nous commençons par calculer à l’aide du complexe
de Koszul les modules ExtqO
Se
Ωk,OS
. Nous déterminons ensuite grâce à la suite spectrale de
changement d’anneaux les modules ExtqO
S(RC,OS) pour q6k. La partie la plus technique est
le calcul explicite du morphisme connectant
α0 : ExtkO−
S1
e
Ωk,OS
→ExtkO
S(RC,OS).
Ce calcul est nécessaire afin d’identifier le noyau et l’image deα0, qui sont tous deux utilisés
dans la fin de la preuve.
64 CHAPITRE 3. LIBERTÉ D’UNE INTERSECTION COMPLÈTE
Calcul des ExtqO
Se
Ωk,OS
Commençons par calculer les termes de la suite (3.15) impliquant Ωek = h1ICΩkS. Nous
utilisons le complexe de Koszul associé à la suite régulière (h1, . . . , hk).
Notation 3.3.8. On note K(h) le complexe de Koszul associé à (h1, . . . , hk) dans OS :
K(h) : 0→
k
^
Ok
S
d
k−→ · · · d
2−→
1
^
Ok
S
d
1−→OS →0 (3.16)
où pourI ⊆ {1, . . . , k}de cardinalp∈ {2, . . . , k},di(eI) =Pp
`=1(−1)`−1hi
`ei
1∧· · ·∧eci
`∧· · ·∧ei
petd1(ei) =hipouri∈ {1, . . . , k}. On poseKf(h) : 0→VkOk
S
d
k−→ · · · d
2−→V1Ok
S →0 le complexe
obtenu à partir deK(h) en enlevant le dernierOS.
Remarque 3.3.9. D’après [Eis95, Corollary 17.5, Proposition 17.15], étant donné que la suite
(h1, . . . , hk) est régulière, le complexeK(h) est une résolution libre de OC, et le complexe dual
HomO
S(K(h),OS) est aussi une résolution libre deOC.
Lemme 3.3.10. Le complexe Kf(h) fournit une résolution libre de Σ = 1
h
Pk
i=1hiOS = 1hIC.
En particulier, la dimension projective de Σ estk−1.
Preuve. On remarque que Σ'Pk
i=1hiOS. Ce dernier est l’image de l’application d1 du
com-plexe de Koszul, qui est exact par la proposition 3.3.9.
Nous pouvons donc utiliser le complexeKf(h) pour calculer les Ext•O
Se
Ωk,OS
:
Lemme 3.3.11. La dimension projective deΩek estk−1. De plus, on a :
HomO
Se
Ωk,OS
=hΘkS,
ExtkO−
S1
e
Ωk,OS
= ΘkS⊗O
SOC,
et pour tout j /∈ {0, k−1}, ExtjO
Se
Ωk,OS
= 0.
Preuve. On aΩek = Ωk
S⊗O
SΣ. On rappelle que le complexe Kf(h) fournit une résolution libre
de Σ, on en déduit donc que ΩkS ⊗O
SKf(h) fournit une résolution libre de Ωek. En particulier,
dimproj(Ωek) =k−1.
De plus, on a HomO
SΩkS⊗O
SΣ,OS
= ΘkS⊗O
SHomO
S(Σ,OS). Soit ψ∈ HomO
S(Σ,OS).
Alors ψ est entièrement déterminée par ψ(1). Comme pour tout i ∈ {1, . . . , k}, ψ
1
b
h
i=
1
b
h
iψ(1)∈OS, on a ψ(1)∈hOS. Réciproquement, il est clair qu’un élémentα∈hOS définit une
application ψ∈HomO
S(Σ,OS) en posant ψ(1) =α, ce qui nous donne la première égalité.
La deuxième égalité se déduit de la remarque3.3.9, qui assure que ExtkO−
S1(Σ,OS) =OC.
Calcul des ExtqO
S(RC,OS)
Contrairement au cas deΩek, nous ne calculerons que les ExtqO
S(RC,OS) pour q6k.
Nous utilisons la suite spectrale de changement d’anneaux (voir par exemple [CE56, Chapter
XV, XVI]). Nous l’énonçons pour unOC-moduleM quelconque, car nous en aurons besoin pour
un autre module dans la suite.
E2pq = ExtpO
CM,ExtqO
S(OC,OS)⇒ExtpO+
Sq(M,OS). (3.17)
Nous avons besoin du lemme suivant, qui nous permet dans le cas M = RC de déterminer
les modules recherchés.
3.3. CARACTÉRISATIONS DE LA LIBERTÉ 65
Lemme 3.3.12. Soit C une intersection complète et M un OC-module de type fini. Pour tout
q < k, ExtqO
S(M,OS) = 0 et
ExtkO
S(M,OS) = HomO
C(M,OC).
Preuve. Comme (h1, . . . , hk) est une suite régulière, on a grâce au complexe de Koszul 3.3.8
pour tout q 6=k, ExtqO
S(OC,OS) = 0 et ExtkO
S(OC,OS) =OC. Par conséquent, les seuls termes
éventuellement non nuls de la deuxième feuille de la suite spectrale (3.17) sont les E2pk pour
p ∈ N, et donc la suite spectrale dégénère au rang 2. En particulier, ExtqO
S(M,OS) ' E2q−k,k,
ce qui nous donne le résultat.
On déduit des calculs précédents la suite exacte suivante :
Corollaire 3.3.13. La suite exacte longue (3.15) donne :
· · · →0→ExtkO−
S1
Ωk(logC),OS
→ΘkS⊗O
SOC
α
−→R∨
C →ExtkO
SΩk(logC),OS
→0→. . .
(3.18)
Calcul du morphisme connectant α
En résumé, on dispose d’isomorphismesβ etβ0 tels que le diagramme suivant commute :
ΘkS⊗O
SOC R∨
C
ExtkO−
S1
e
Ωk,OS
ExtkO
S(RC,OS)
β
0β
α
α
0L’objectif de ce paragraphe est de montrer la proposition suivante :
Proposition 3.3.14. Le morphisme connectant α de la suite exacte du corollaire 3.3.13 est :
α: ΘkS⊗O
SOC →R∨
C
δ⊗a7→a·δ(dh1∧ · · · ∧dhk)
En particulier, l’image deα est JC.
Cette proposition permet de comparerJC etR∨
C, ce qui est utilisé dans la fin de la preuve
du théorème 3.3.7.
Le calcul deα est assez technique. Nous déterminons explicitement les isomorphismes β et
β0, ainsi que le morphisme connectantα0.
Nous fixons dans tout ce paragraphe une résolution injective (I•, ε•) deOS.
Lemme 3.3.15. SoitM unOC-module de type fini. L’isomorphisme du lemme 3.3.12 est :
β : ExtkOS(M,OS) =Hk(HomOS(M,I•))→HomOC M, Hk(HomOS(OC,I•))
= HomOC(M,OC)
[ψ]7→ψe:ρ7→[ψeρ:a7→a.ψ(ρ)]
Preuve. Soit (P•, δ•) une résolution projective duOC-moduleM. On obtient ainsi le complexe
double Apq = HomO
C(Pp,HomO
S(OC,Iq)). Deux suites spectrales ayant le même
aboutisse-ment y sont associées :
0E2pq=Hp(HomO
C(P∗, Hq(HomO
S(OC,I•))) = ExtpO
C66 CHAPITRE 3. LIBERTÉ D’UNE INTERSECTION COMPLÈTE
00E2pq =Hq(HomO
C(Hp(P∗),HomO
S(OC,I•)))⇒ExtpO+
Sq(M,OS).
Les seuls termes éventuellement non nuls de la première suite spectrale sont les0E2pk et pour
la seconde, ce sont les 00E20q. En particulier, les deux suites spectrales dégénèrent au rang deux,
et pour tout j>1,00E∞j,k−j et0E∞j,k−j sont nuls. On a donc :
ExtkO
S(M,OS) =0E20k=0E0∞k=00E∞0k=00E20k.
À partir des définitions des suites spectrales (voir [CE56, Chapter XV,XVI]) on voit qu’un
élément dans 0E∞0k peut être représenté par un élémentψ∈HomO
CP0,HomO
SOC,Ikqui
définit la même classe dans00E∞0k. Dans 00E20k,ψ définit un élément [ψ]∈Hk(HomO
S(M,I•)),
et dans 0E20k, il définitψe :ρ 7→ [ψeρ : a7→ a.ψ(ρ)] ∈ HomO
CM, Hk(HomO
S(OC,I•)). Cela
nous donne l’isomorphisme annoncé.
Le lemme suivant permet d’exprimer précisément l’isomorphisme du lemme3.3.11 par
l’in-termédiaire de la résolution injective (I•, ε•) de OS.
Lemme 3.3.16. Le deuxième isomorphisme du lemme3.3.11 est :
β0 :Hk−1HomO
Se
Ωk,I•
| {z }
=Ext
kO−S1Ωe
k,O
S→ΘkS⊗O
SHk−1(I•
/AnnI
•(h1, . . . , hk))
| {z }
=O
C[ϕ]7→X
I
∂xI⊗[mI]
où mI ∈Ik−1 vérifie h·mI=ϕ(dxI).
Preuve. Pour toutj∈Non a un isomorphismeζ : HomO
Se
Ωk,Ij→ΘkS⊗O
SHomO
SΣ,Ij
donné par ζ(ϕ) =P
I∂xI⊗(a7→ϕ(adxI)).
Intéressons-nous maintenant à HomO
SΣ,Ij
. Comme pour tout j∈N,Ij est un module
injectif, le foncteur HomO
S−,Ij
est exact. De plus
0→Σ−→h OS →OC →0
est exacte donc on en déduit l’isomorphisme :
HomO
SOS,Ij
/HomO
SOC,Ij
→HomO
SΣ,Ij
h
ϕ:OS →Iji
7→(a7→ϕ(h·a))
De plus,
HomO
SOS,Ij ∼
−→Ij
ϕ7→ϕ(1)
et
HomO
SOC,Ij ∼
−→AnnI
j(h1, . . . , hk)
ϕ7→ϕ(1)
sont des
isomorphismes. Par conséquent on a l’isomorphisme :
ξ :Ij/AnnI
j(h1, . . . , hk)→HomO
SΣ,Ij
[m]7→(a7→a·hm)
En utilisant les isomorphismesζ etξ−1, on en déduit l’isomorphisme β0.
Comme nous l’avons déjà remarqué dans la preuve du lemme3.3.11en utilisant le complexe de
Koszul, Hk−1(HomO
S(Σ,OS)) =OC, et donc il existe un isomorphisme
3.3. CARACTÉRISATIONS DE LA LIBERTÉ 67
De plus, comme pour tout j ∈ N, AnnI
j(h1, . . . , hk) est isomorphe à HomO
SOC,Ij
, en
utilisant la remarque 3.3.9on en déduit un isomorphisme
γ2:Hk(AnnI
•(h1, . . . , hk))→OC.
Le lemme suivant explicite l’isomorphisme entre les modulesHk−1(I•/AnnI
•(h1, . . . , hk))
etHk(AnnI
•(h1, . . . , hk)).
Lemme 3.3.17. On a un isomorphisme :
γ :Hk−1(I•/AnnI
•(h1, . . . , hk))→Hk(AnnI
•(h1, . . . , hk))
[m]7→[εk−1(m)]
Preuve. On noteεk−1 :Ik−1/AnnI
k−1(h1, . . . , hk)→Ik/AnnI
k(h1, . . . , hk). Montrons d’abord
que γ est bien définie.
Si m ∈ Ker(εk−1) alors εk−1(m) ∈ AnnI
k(h1, . . . , hk). Si m = εk−2(m0) pour un m0 ∈
Ik−2/AnnI
k−2(h1, . . . , hk), alors [εk−1(εk−2(m0))] = 0 et donc l’application γ est bien définie.
Supposons que [εk−1(m)] = 0. Alors il existe m0 ∈AnnI
k−1(h1, . . . , hk) tel que εk−1(m) =
εk−1(m0), et doncm−m0 ∈Ker(εk−1) = Im(εk−2). D’où [m] = 0, et donc γ est injective.
Considérons [m]∈ Hk(AnnI
•(h1, . . . , hk)). Alors εk(m) = 0 donc il existe m0 ∈ Ik−1 tel
que εk−1(m0) =m. Alors [m] =γ([m0]), et doncγ est surjective.
Nous disposons à présent de toutes les identifications nécessaires au calcul deα.
Preuve (de la proposition 3.3.14). Nous voulons construire le morphisme connectant :
α0 :Hk−1HomO
Se
Ωk,I•
→Hk(HomO
S(RC,I•
)).
On procède par une chasse au diagramme fondée sur le diagramme commutatif suivant :
0 HomO
Se
Ωk,Ik−1 HomO
SΩk(logC),Ik−1 HomO
SRC,Ik−1 0
0 HomO
Se
Ωk,Ik HomO
SΩk(logC),Ik HomO
SRC,Ik 0
i
∗res
∗Ci
∗res
∗Cε
k−1ε
k−1ε
k−1Soit δ⊗[m]∈ΘkS⊗Hk−1(I•/AnnI
•(h1, . . . , hk)). Comme β0 est un isomorphisme, il existe
ϕ:Ωek →Ik−1
η 7→δ(hη)·m
vérifiant la condition εk−1(ϕ) = 0 et dont la classe dans ExtkO−
S1
e
Ωk,OS
est un antécédent de
δ⊗[m] parβ0.
Il existe Φ : Ωk(logC)→Ik−1 tel que Φ◦i=ϕ. Soitω ∈Ωk(logC). Par le théorème3.1.15,
il existe g, ξ, η tels quegω=ξdh
1∧···∧dh
kh
1···h
k+η. Alors
gΦ(ω) =ξΦ
dh1∧ · · · ∧dhk
h1· · ·hk
+ϕ(η).
De plus, pour touti∈ {1, . . . , k},
hiΦ
dh1∧ · · · ∧dhk
h1· · ·hk
=ϕ
hidh1∧ · · · ∧dhk
h1· · ·hk
=hiδ(dh1∧ · · · ∧dhk)·m.
Par conséquent,
Φ
dh1∧ · · · ∧dhk
h1· · ·hk
=δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·m+m0
68 CHAPITRE 3. LIBERTÉ D’UNE INTERSECTION COMPLÈTE
avec m0∈AnnI
k−1(h1, . . . , hk).
L’image parεk−1 de Φ vérifie :
g·εk−1(Φ)(ω) =ξ δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·εk−1(m) +εk−1(m0)
.
Commei∗εk−1(Φ) = 0, il existe Ψ : RC → Ik tel que εk−1(Φ) = res∗C(Ψ). En particulier,
pour toutρ∈RC, on a3 :
gΨ(ρ) =gρ δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·εk−1(m) +εk−1(m0)
Cela nous donne alors l’expression degα0 β0−1(δ⊗[m])
∈ExtkO
S(RC,OS). Nous allons en
déduire l’expression deα(δ⊗[m])∈R∨
C.
Par l’isomorphisme β du lemme 3.3.15, et en utilisant l’identification de HomO
S(OC,I•)
avec AnnI
•(h1, . . . , hk), la classe [gΨ]∈Hk(HomO
S(RC,I•)) correspond à l’application
RC →Hk(AnnI
•(h1, . . . , hk))
ρ7→[gρ· δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·εk−1(m) +εk−1(m0)
]
De plus, comme m0 ∈AnnI
k−1(h1, . . . , hk), on a pour tout ρ∈RC :
[gρ· δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·εk−1(m) +εk−1(m0)
] = [gρ·(δ(dh1∧ · · · ∧dhk)·εk−1(m))].
On a des isomorphismes :
OC
γ
1←−Hk−1(I•/AnnI
•(h1, . . . , hk))−→γ Hk(AnnI
•(h1, . . . , hk))−→γ
2OC.
Soit a = γ1([m]) ∈ OC. Comme γ, γ1, γ2 sont des isomorphismes, on peut supposer4 que
γ2◦γ◦γ−1(1) = 1, et doncγ2([εk−1(m)]) =a∈OC.
Par conséquent, [gΨ] s’identifie à l’application
(RC →OC
ρ7→ρgδ(dh1∧ · · · ∧dhk)a et comme g
est un non diviseur de zéro dansOC, on en déduit que [Ψ] s’identifie à
RC →OC
ρ7→ρδ(dh1∧ · · · ∧dhk)a
D’où le résultat : siδ⊗a∈ΘS⊗O
SOC, alorsα(δ⊗a) =a·δ(dh1∧ · · · ∧dhk).
Dans le document
Singularités libres, formes et résidus logarithmiques
(Page 64-69)