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4.2 Liberté d’un espace réduit de Cohen-Macaulay

5.1.1 Multi-valuations

Soit C un germe de courbe analytique réduit, et OC son anneau des fonctions. Comme

C est réduit et de dimension 1, l’anneau OC est de Cohen-Macaulay. On note C1, . . . , Cp les

composantes irréductibles deC. CommeC est de dimension un, la normalisation Ce deC est en

fait une désingularisation de C et on a :

OC ,→O

e

C =C{t1} ⊕ · · · ⊕C{tp}

g7→(g1(t1), . . . , gp(tp))

Définition 5.1.1. Soitg ∈OC d’image (g1, . . . , gp) dans O

e

C eti∈ {1, . . . , p}. La valuation de

g le long deCi est l’ordre en ti de gi(ti). On la note vali(g). Si g est identiquement nulle le long

de Ci on pose vali(g) =∞.

94 CHAPITRE 5. COURBES ET MULTI-VALUATIONS

La multi-valuation1 deg est

val(g) = (val1(g), . . . ,valp(g))∈(N∪ {∞})p.

De plus, MC =M

e

C. On pose pour g= a

b MC, val(g) = val(a)−val(b)∈(Z∪ {∞})p.

Exemple 5.1.2. Soit h(x, y) = (x3y2)(x6y7). Un paramétrage de cette courbe est donné

parx1(t1) =t21, y1(t1) =t31pour la première branche, etx2(t2) =t72, y2(t2) =t62pour la deuxième

branche. On le note aussi :

x= (t21, t72), y= (t31, t62).

La multi-valuation de xiyj pour i, jN est donc val(xiyj) = (2i+ 3j,7i+ 6j). Par ailleurs, la

multi-valuation de x3−y2 est val(x3−y2) = (∞,12).

Notation 5.1.3. Soit I ⊆MC un idéal fractionnaire. On pose

val(I) ={val(g) ; gI non diviseur de zéro } ⊆Zp,

val(I) ={val(g) ; gI} ⊆(Z∪ {∞})p.

Remarque 5.1.4. Nous verrons dans le paragraphe5.1.2que l’ensemble val(I) détermine

l’en-semble val(I). De plus, on a val(I) = val(I)∩Zp.

Exemple 5.1.5. Considérons la courbe plane C définie par h(x, y) = (x3y2)(x3y4). Un

paramétrage est donné parx= (t21, t42) ety= (t31, t32) La figure5.1représente l’ensemble val(OC).

Nous ferons dans la suite plusieurs fois référence à cet exemple. Comme il s’agit d’un exemple

simple, on peut déterminer facilement val(OC) de la façon suivante. On commence par indiquer

les croix correspondant aux éléments de la forme xiyj pour i, jN. On complète ensuite en

utilisant la proposition5.1.12. On remarque quex3y2 = (0, t122t62) etx3y4 = (t61t121 ,0). En

utilisant de nouveau la proposition5.1.12, on en déduit respectivement les points dont l’ordonnée

est 6, respectivement les points dont l’abscisse est 6. On peut alors compléter en suivant le même

principe en considérant les xiyj(x3y2) et xiyj(x3y4).

Un algorithme de calcul basé sur l’article [CDGZ99] est implémenté sous Singular qui

permet le calcul de val(OC) pour les courbes planes. Il s’agit de la procédure semigroup de la

librairiealexpoly.lib, développée par Fernando Hernando Carrillo et Thomas Keilen.

Définition 5.1.6. On définit l’idéal conducteurdeOC parCC =O∨

e

C, où− désigne le foncteur

HomO

C

(−,OC).

Pour αZp on pose tα= (tα

1

1 , . . . , tα

p

p )∈MC.

Lemme 5.1.7. L’idéal conducteur CC est aussi un idéal de O

e

C. Il existe donc γNp tel que

CC =tγO

e

C. On appelle γ le conducteur de la courbe C.

Preuve. On a par la proposition 2.3.16 CC = nf ∈MC ; fO

e

C ⊆OC

o

. Par conséquent, si

f ∈ CC, pour tout g∈ O

e

C, f gO

e

CfO

e

C ⊆OC donc f g ∈CC. Nous pouvons en conclure que

CC est un idéal deO

e

C. Comme de plusO

e

C =Lp

i=1C{ti} et chacun desC{ti}est principal, on

en déduit l’existence d’un élémentγNp tel queCC =tγO

e

C.

On considère l’ordre produit2 sur Zp, c’est-à-dire que pour α, βZp, α 6 β signifie pour

tout i∈ {1, . . . , p},αi 6βi. On définit inf(α, β) = (min(α1, β1), . . . ,min(αp, βp)).

On a donc :

γ = inf{αNp ; α+Np ⊆val(OC)}. (5.1)

1

"value" en anglais

5.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES COURBES 95

val1

val2

γ

0

5

5

10

10

15

15

Figure 5.1 – Multi-valuations deOC

Exemple 5.1.8. Revenons à l’exemple5.1.5. La figure5.1permet de déterminer le conducteur

de C, qui estγ = (8,12).

Le lemme suivant nous sera utile dans le paragraphe5.2, et vient directement de la définition

d’idéal fractionnaire.

Lemme 5.1.9. Soit I un idéal fractionnaire. Alors il existe ν etλ dans Zp tels que

tνO

e

CItλO

e

C. (5.2)

En particulier, cela implique que ν+Np ⊆val(I)⊆λ+Np. De plus, siλ06λetν0 >ν, on peut

remplacer λparλ0 et ν parν0 dans la suite d’inclusion (5.2).

Preuve. Pour la première inclusion, il suffit de remarquer que siv∈val(I),v+γ+Np ⊆val(I)

puisque I est un sous-OC-module de MC et γ +Np ⊆ val(OC). Pour la deuxième inclusion,

comme I est de type fini, il suffit de prendre le minimum des multi-valuations d’une famille

génératrice de I.

Définition 5.1.10. Soit I un idéal fractionnaire. On appelle

νI = inf{αZp ; α+Np ⊆val(I)}

le conducteur de l’idéal I. On appelle l’idéal tν

I

O

e

C l’idéal conducteur de I.

Remarque 5.1.11. Un idéal fractionnaireI d’une courbe est Cohen-Macaulay maximal3, donc

le théorème 2.3.20s’applique, et les inclusions sont renversées par dualité.

3

car il est de même dimension queO

C

, c’est-à-dire 1, et de plus un non diviseur de zéro deO

C

est aussi un

non diviseur de zéro deI

96 CHAPITRE 5. COURBES ET MULTI-VALUATIONS

val1

val2

α

β

inf(α, β)

val1

val2

α β

v

Figure5.2 – Illustration des propositions 5.1.12et5.1.13

En dualisant la suite d’inclusions du lemme 5.1.9, on obtient donc, vu que O∨

e

C =CC =tγO

e

C,

tγλO

e

CItγνO

e

C.

Nous aurons par ailleurs besoin des propriétés suivantes, qui généralisent [DdlM88, 1.1.2,

1.1.3] à un idéal fractionnaire quelconque I. Elles sont illustrées par la figure 5.2.

Proposition 5.1.12. SoitI un idéal fractionnaire deC. Siα, β ∈val(I)alorsinf(α, β)∈val(I).

De plus, si par exempleα∈val(I), alors inf(α, β)∈val(I).

Preuve. Soit α∈val(I) et β ∈val(I), etf, gI tels que val(f) =α et val(g) =β. Alors pour

une combinaison linéaire c1f +c2g générale, la multi-valuation est val(c1f+c2g) = inf(α, β)∈

val(I). Si de plus α∈val(I) alors le minimum est clairement dans Zp.

Proposition 5.1.13. Soitα 6=β∈val(I). S’il existei∈ {1, . . . , p}tel que αi =βi alors il existe

v∈val(I) tel que :

1. vi > αi

2. ∀j ∈ {1, . . . , p}, j6=i, vj >min(αj, βj)

3. Si de plusαj 6=βj, alors vj = min(αj, βj).

Preuve. Soit f1, f2 des éléments de I de multi-valuations respectives α, β. Pour ` ∈ {1,2},

l’image de f` dans O

e

C est de la forme f` = P

j>val

k

(f

`

)akj`tjk

k∈{1,...,p}, avec pour tout k

{1, . . . , p} et`∈ {1,2},ak,val

k

(f

`

),`6= 0, et vali(f1) = vali(f2) =αi. Soit

g=ai,val

i

(f

1

),1f2−ai,val

i

(f

2

),2f1.

Alors val(g) vérifie les trois propriétés. Si val(g)∈/ Np, ce qui pourrait arriver si les restrictions

de f1 etf2 à une ou plusieurs branches sont égales, il suffit d’utiliser la proposition 5.1.12avec

val(g) et un élémentw>νI assez grand, où νI est le conducteur deI.

Proposition 5.1.14. SoitIJ deux idéaux fractionnaires. Si val(I) = val(J) alors I =J.

Preuve. Supposons que I 6= J et val(I) = val(J). On note νI le conducteur de I. Soit alors

gJ\I. Alors g /tν

I

O

e

C vu que tν

I

O

e

CI. Il existe donc i∈ {1, . . . , p} tel que vali(g)< νI,i.

Comme val(g)∈val(I), il existef1I tel que val(f1) = val(g). Par conséquent, une combinaison

linéaire convenableg+λf1avecλCvérifie4val(g+λf1)∈val(I) = val(J), val(g+λf1)>val(g)

et vali(g+λf1) >vali(g). En recommençant autant de fois que nécessaire, on obtient de cette

façon un élément gf avec fI et val(gf) >ν. Par conséquent, gfI et doncgI,

ce qui est contradictoire. D’où le résultat.

4

En ajoutant éventuellement un élément de l’idéal conducteur deI de multi-valuation assez grande sig+λf

1

5.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES COURBES 97