4.2 Liberté d’un espace réduit de Cohen-Macaulay
4.2.3 Dualité entre les résidus et l’idéal jacobien restreint
Notation 4.2.14. On noteJX/C =nδ(α0)∈OX ; δ ∈ΘkSo⊆OX.
Remarque 4.2.15. Etant donné que la restriction deβf àXest identiquement égal à 1, l’idéal
JX/C est en fait l’image de l’idéal jacobien JC de C par l’application de passage au quotient
OC →OX, c’est-à-dire l’idéal jacobien de C restreint à X.
Proposition 4.2.16. On a la suite exacte de OS-modules :
0→Derk(−logX/C)→ΘkS →JX/C →0.
Preuve. La surjectivité vient de la définition de JX/C. De plus,δ(α0) = 0 équivaut à δ(α0)∈
IX, ce qui est la définition de Derk(−logX/C).
Nous allons montrer l’analogue de la proposition3.2.17 :
Proposition 4.2.17. On aHomO
CJX/C,OC
=RX.
Preuve. On supposek>2. D’après le lemme3.3.10, la dimension projective de Σ estk−1, et
donc sa profondeur estm−k+ 1 par la formule d’Auslander-Buchsbaum.
D’après le lemme d’Ischebeck 3.2.15on a HomO
SJX/C,OS
= 0, HomO
SJX/C,Σ= 0
et Ext1O
SJX/C,OS
= 0.
On considère le complexe double HomO
SDerk(−logX/C),→ΘkS, f : Σ→OS
. On obtient
le diagramme suivant :
0 0
0 HomOS ΘkS,Σ
HomOS
Derk(−logX/C),Σ Ext1OS JX/C,Σ
0
0 HomOS ΘkS,OS
HomOS
Derk(−logX/C),OS 0
0 HomOS JX/C,OC
HomOS ΘkS,OC
HomOS
Derk(−logX/C),OC Ext1OS JX/C,OC
0
Ext1OS JX/C,Σ
0 Ext1OS
Derk(−logX/C),Σ Ext2OS JX/C,Σ
0
0
Par une chasse au diagramme tout à fait semblable à celle de la preuve de la
proposi-tion 3.2.17, on associe à un morphismeϕ: Derk(−logX/C)→Σ une application Φ : ΘkS →OC
qui provient d’une application ψ : JX/C → OC. Déterminons-la explicitement. Par
l’iso-morphisme de la proposition 4.2.12, ϕ correspond à ωϕ = 1f P
Iϕ(f ∂xI)dxI. Comme ωϕ ∈
Ωk(logX/C), on a d’après la proposition4.2.6
gωϕ =ξα0
f +η
avec g∈OS qui induit un non diviseur de zéro deOC,ξ ∈OS etη∈Ωekf. Alors :
86 CHAPITRE 4. LIBERTÉ D’UN ESPACE DE COHEN-MACAULAY
Comme de plusgest un non diviseur de zéro deOC, on a Φ(∂xI) = resC(ωϕ)∂xI(α0). On obtient
donc, en identifiant HomO
SDerk(−logX/C),Σavec Ωk(logX/C), l’application
Ωk(logX/C)→HomO
SJX/C,OC
ω7→a7→resC(ω)a
On remarque que l’applicationa7→resC(ω)a∈OC est bien définie vu que resC(ω) Y = 0 par la
proposition4.2.7, donc sia+best un autre représentant deaavec b∈IX, resC(ω)b= 0∈MC.
Réciproquement, par une chasse au diagramme analogue à celle de la preuve de la
proposi-tion 3.2.17on montre que :
HomO
SJX/C,OC
=na∈JX/C 7→ρa;ρ∈resC(Ωk(logX/C))o.
Soit
θ:
RX →HomO
SJX/C,OC
ρ= resX/C(ω)7→θρ:a7→resC(ω)a
Vérifions queθ est bien définie et est un isomorphisme deOC-modules. Si ω0 ∈Ωk(logX/C)
vérifie resX/C(ω0) = resX/C(ω) alors ω0 =ω+η avec η ∈Ωekf et donc resC(ω) = resC(ω0).
L’ap-plicationθ est donc bien définie. Siθρ= 0, comme JX/C est un idéal fractionnaire deOX, cela
implique que resC(ω) X = 0∈MX, donc resX/C(ω) = 0. D’où l’injectivité deθ. La surjectivité
est claire. On a donc bien un isomorphisme entre HomO
SJX/C,OC
= HomO
CJX/C,OC
etRX.
La proposition 4.2.17 met en évidence une dualité entre RX et JX/C à valeurs dans OC.
Le lemme suivant montre qu’en fait cette dualité est aussi à valeur dans le module dualisant
ωX =ωn
X de X.
Lemme 4.2.18. SoitI un idéal fractionnaire de OX. Alors HomO
C(I,OC) = HomO
X(I, ωX).
Preuve. On rappelle queωX est isomorphe àIY/IC. Soitϕ∈HomO
C(I,OC), etg∈I. Alors
IX·ϕ(g) = 0∈OC donc ϕ(g)∈(IC :IX)O
C, doncϕ(g)∈IY/IC.
4.2.4 Caractérisations de la liberté
Nous proposons dans ce paragraphe une notion de liberté pour les espaces de Cohen-Macaulay :
on dit que X est libre si l’idéal jacobien restreint JX/C est Cohen-Macaulay. Cette notion ne
dépend pas du choix de l’intersection complète réduite contenant X (voir proposition 4.2.21).
Nous généralisons ensuite les différentes caractérisations de la liberté données dans le chapitre3
aux espaces de Cohen-Macaulay (voir proposition 4.2.6et théorème4.2.22).
Grâce aux précédents résultats de ce chapitre, les preuves des énoncés de ce paragraphe sont
analogues aux preuves du paragraphe 3.3.3.
On suppose dorénavant que OX est un anneau de Cohen-Macaulay. Cette hypothèse est
nécessaire pour la proposition 4.2.6. On fixe une suite régulière (f1, . . . , fk) ⊆ IX telle que
l’idéalIC = (f1, . . . , fk) est radical. On noteC l’intersection complète correspondante.
Définition 4.2.19. On dit que X est libre siJX/C est un OX-module de Cohen-Macaulay. Il
est alors Cohen-Macaulay maximal.
4.2. LIBERTÉ D’UN ESPACE RÉDUIT DE COHEN-MACAULAY 87
Remarque 4.2.20. On rappelle queJX/C est un idéal fractionnaire deOX, donc de dimension
m−k. Vu que la profondeur (respectivement la dimension) deJX/C vu commeOX-module est
égale à sa profondeur (respectivement sa dimension) comme OC-module, on en déduit que X
est libre dans C si et seulement siJX/C est Cohen-Macaulay maximal vu comme OC-module
ou commeOX-module.
Proposition 4.2.21. La notion de liberté de la définition 4.2.19 ne dépend pas du choix de
l’intersection complète contenant X. Autrement dit, s’il existe une intersection complète réduite
réduite C contenant X telle que JX/C est Cohen-Macaulay, alors pour toute intersection
com-plète réduite C0 contenant X,JX/C
0est aussi Cohen-Macaulay.
Preuve. Soit C et C0 deux intersections complètes réduites contenant X. Par le lemme 4.2.1
appliqué à l’espace équidimensionnel réduit défini parC∪C0, il existe une intersection complète
réduite C00 contenantC etC0. On peut donc se ramener au casC⊆C0.
SoitA une matrice de passage de (f1, . . . , fk) vers (f10, . . . , fk0). Alors il existeν ∈ICΩkS tel
que
df10 ∧ · · · ∧dfk0 = det(A)df1∧ · · · ∧dfk+ν.
Par conséquent, on a : JX/C
0= det(A)JX/C ⊆ OX. De plus, det(A) est un non diviseur de
zéro de OX, vu que X est contenu dans C et C0 et qu’aucune composante irréductible de X
n’est contenue dans le lieu singulier de C ou C0. On en déduit que les OX-modules JX/C
0et
JX/C sont isomorphes, d’où le résultat.
Théorème 4.2.22. Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. X est libre.
2. le OX-module OX/JX/C est Cohen-Macaulay de dimension m−k−1.
3. l’idéal J(f , h) engendré par les mineurs k×k de la matrice jacobienne de (f1, . . . , fk) et
par les équations (h1, . . . , hr) est un idéal parfait de codimension k+ 1 dans OS.
4. dimproj(Derk(−logX/C))6k−1
5. dimproj(Derk(−logX/C)) =k−1
6. dimproj(Ωk(logX/C))6k−1
7. dimproj(Ωk(logX/C)) =k−1
Preuve des équivalences 1. à 5.Les preuves sont essentiellement les mêmes que les preuves
des propositions 3.3.5et3.3.2.
L’équivalence 1. ⇐⇒ 2.vient de la suite exacte
0→JX/C →OX →OX/JX/C →0.
Comme on suppose que X est Cohen-Macaulay, la profondeur de OX est n. Comme JX/C
contient des non diviseurs de zéro de OX, dim(OX/JX/C) 6 n−1. Le lemme de la
profon-deur 2.2.13donne alors l’équivalence voulue.
L’équivalence 2. ⇐⇒ 3.se montre de la même façon que la proposition3.3.2.
Pour les équivalences restantes, on considère la suite exacte
0→Derk(−logX/C)→ΘkS →JX/C →0.
La profondeur de ΘkS estm > n>prof(JX/C), donc prof(Derk(−logX/C)) = prof(JX/C) + 1.
On conclut en utilisant la formule d’Auslander-Buchsbaum pour relier la dimension projective
de Derk(−logX/C) à sa profondeur.
88 CHAPITRE 4. LIBERTÉ D’UN ESPACE DE COHEN-MACAULAY
La preuve des équivalences 1. ⇐⇒ 6. ⇐⇒ 7.est analogue à la preuve du théorème3.3.7,
comme nous allons le voir.
Le lemme suivant généralise la proposition3.3.19.
Lemme 4.2.23. Sidimproj(Ωk(logX/C))6k−1alors RX est unOX-module (etOC-module)
de Cohen-Macaulay maximal. Si X est libre, alors dimproj(Ωk(logX/C))6k.
Preuve. On considère la suite exacte 0→Ωekf →Ωk(logX/C)→RX →0.
On montre de même que dans la preuve de la proposition3.3.19que si dimproj(Ωk(logX/C))6
k−1 alors prof(RX) =m−k, et doncRX est Cohen-Macaulay maximal.
SiX est libre, alors JX/C est un OC-module de Cohen-Macaulay maximal. On déduit du
théorème 2.3.20 et de la proposition 4.2.17 que prof(RX) = m−k. La fin de la preuve est
identique à la preuve de la proposition 3.3.19.
On applique le foncteur HomO
S(−,OS) à la suite exacte courte
0→Ωekf →Ωk(logX/C)→RX →0.
On obtient une suite exacte longue dans laquelle les termes impliquantΩek
f ont déjà été calculés
dans le lemme 3.3.11. De plus, le lemme 3.3.12 est valable pour tout OC-module, donc en
particulier pour RX.
Remarque 4.2.24. On rappelle que le module dualisant deXestωX =ωmX−k= ExtkO
S(OX,ΩmS)
(voir corollaire2.3.27). Dans le cas d’un espaceXde Cohen-Macaulay, le foncteur HomO
X(−, ωX)
est dualisant sur les OX-modules Cohen-Macaulay maximaux (voir [Eis95, Theorem 21.21]).
Nous avons déjà vu dans le lemme4.2.18que pour les idéaux fractionnairesIdeX, HomO
C(I,OC) =
HomO
X(I, ωX). En particulier, vu que ExtkO
S(I,OS) = HomO
C(I,OC), on a aussi ExtkO
S(I,OS) =
HomO
X(I, ωX).
Proposition 4.2.25. On obtient la suite exacte deOS-modules :
· · · →0→ExtkOS−1 Ωk(logX/C),OS
→ΘkS⊗OSOC α
−→HomOC(RX,OC)→ExtkOS Ωk(logX/C),OS
→0→. . .
De plus, le morphisme α est défini pour δ⊗a∈ΘkS⊗O
SOC par
α(δ⊗a) =ρ7→aδ(α0)ρ.
Preuve. Le seul point à montrer est l’expression de α, qui se montre exactement de la même
manière que la proposition3.3.14, en remplaçant Ωk(logC) par Ωk(logX/C) etRC parRX et
en utilisant la caractérisation4.2.6des formes multi-logarithmiques, c’est-à-dire queα0remplace
dh1∧ · · · ∧dhk.
Nous sommes maintenant en mesure de terminer la preuve du théorème4.2.22.
Preuve (des équivalences 1. ⇐⇒ 6. ⇐⇒ 7.). Supposons que dimproj(Ωk(logX/C)) 6
k−1. Cela implique que l’applicationα de la proposition4.2.25est surjective, et donc le module
HomO
C(RX,OC) est isomorphe à JX/C. D’après le lemme 4.2.23, RX est un OC-module de
Cohen-Macaulay maximal. On déduit du théorème 2.3.20 que JX/C est un OC-module de
Cohen-Macaulay maximal, et donc X est libre dansC.
Supposons maintenant queX est libre dansC. Alors d’après le théorème2.3.20et la
propo-sition 4.2.17 on a HomO
C(RX,OC) = JX/C. Par conséquent, l’application α est surjective, et
donc ExtkO
SΩk(logX/C),OS
= 0. Comme d’après le lemme 4.2.23, dimproj(Ωk(logX/C))6
k, on en déduit de même que dans le paragraphe3.3.3 que dimproj(Ωk(logX/C)) =k−1.
4.2. LIBERTÉ D’UN ESPACE RÉDUIT DE COHEN-MACAULAY 89
Le corollaire suivant donne d’autres caractérisations de la liberté faisant intervenir le module
des résidus.
Corollaire 4.2.26. Soit X un espace réduit de Cohen-Macaulay. Les assertions suivantes sont
équivalentes :
1. X est libre.
2. dimproj(RX)6= dimproj(Ωk(logX/C)).
3. RX est Cohen-Macaulay et HomO
C(RX,OC) =JX/C.
Preuve. On considère la suite exacte 0 → Ωekf → Ωk(logX/C) → RX → 0. La profondeur
de Ωekf est m −k+ 1. Comme prof(RX) 6 m −k, le lemme de la profondeur assure que
prof(Ωk(logX/C))6= prof(RX) si et seulement siRX est de profondeurm−ket Ωk(logX/C) est
de profondeur au moinsm−k+ 1, ce qui équivaut à la liberté deX par la Formule
d’Auslander-Buchsbaum et le théorème 4.2.22.
L’implication 1.⇒3.est donnée par le théorème2.3.20et le lemme4.2.23. Réciproquement,
si HomO
C(RX,OC) = JX/C, et RX est Cohen-Macaulay, alors par le théorème 2.3.20,JX/C
est Cohen-Macaulay et donc X est libre.
Remarque 4.2.27. La condition que RX est Cohen-Macaulay n’est pas forcément vérifiée.
Un exemple d’hypersurface est donné dans [OT95, Example 5.6]. Il s’agit de la réunion D de
15 hyperplans de C4, définie par le produit des 15 formes linéaires a1x+a2y+a3z+a4t où
ai ∈ {0,1}, et tous les ai ne sont pas simultanément nuls. Un calcul avec Singular donne
comme résolution projective minimale de Ω1(logD)
0→O1
S→O4
S →O7
S →Ω1(logD)→0.
En particulier, on en déduit que prof(Ω1(logD)) = 2, et donc prof(RD) = 2.
La proposition 2.2.23se généralise de la façon suivante :
Proposition 4.2.28. Soit X ⊆S un germe de surface Cohen-Macaulay réduite défini par des
équations (h1, . . . , hr), et C une surface intersection complète réduite contenant X définie par
des équations (f1, . . . , fm−2).
Soit J(f , h) l’idéal de OS engendré par les les mineurs maximaux de la matrice jacobienne
de (f1, . . . , fm−2) et h1, . . . , hr. Alors X est libre si et seulement si J(f , h) est saturé.
Preuve. Par le théorème 4.2.22,C est libre si et seulement si OS/J(f , h) est Cohen-Macaulay
de dimension 1. CommeCest réduite, la dimension deOS/J(f , h) est au plus 1. Le lemme2.2.22
nous donne alors le résultat.
Les conséquences de la liberté que nous avons indiquées dans le chapitre 3 s’étendent aux
espaces de Cohen-Macaulay libres, avec une preuve analogue.
Proposition 4.2.29. SoitX un espace de Cohen-Macaulay libre de codimension au moins deux.
Alors :
HomO
SΩk(logX/C),OS
=fΘkS,
ExtkO−
S1
Ωk(logX/C),OS
= Der
k(−logX/C)
Pk
i=1fiΘkS
,
et pour tout q /∈ {0, k−1},ExtqO
SΩk(logX/C),OS
90 CHAPITRE 4. LIBERTÉ D’UN ESPACE DE COHEN-MACAULAY
De plus,
HomO
SDerk(−logX/C),OS
= ΩkS,
ExtkO−
S1
Derk(−logX/C),OS
'RX,
et pour toutq /∈ {0, k−1}, ExtqO
SDerk(−logX/C),OS
= 0.
Remarque 4.2.30. De même que dans le cas des intersections complètes, siX n’est pas libre,
les énoncés portant sur les modules ExtqO
SΩk(logX/C),OS
et ExtqO
SDerk(−logX/C),OS
pour q6k−1 restent vrais.
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Singularités libres, formes et résidus logarithmiques
(Page 86-91)