Chapitre 4 : Complexation du nickel par l’acide décanoïque
4 Précipitation du Ni dans les lixiviats d’ A. murale
Deux types de lixiviats d’A. murale ont été préparés. Il s’agit d’un lixiviat obtenu à partir de
plantes sèches (L2) mais également obtenu à partir de cendres de cette plante (L1). Ce dernier
a pour objectif d’effectuer un blanc, à savoir de produire un milieu sans matière organique
mais avec des teneurs en éléments dans des proportions retrouvées dans la plante. Il est à
noter que cette expérience est indispensable, car, dans la littérature, le décanoate n’est
généralement pas utilisé pour précipiter le Ni. Dans les procédés de séparation, le décanoate
Figure 46 : Comparaison des courbes de dosage expérimentales et obtenues par Chess pour la détermination de
la constante de formation de Ni(C10)2 pour différents couples (log K3 ; log K4)
précipités et le Ni est récupéré en solution. Il faut donc être sûr que la précipitation est possible
sans présence de matière organique.
4.1 Précipitation à partir du lixiviat de cendres
4.1.1 Augmentation du pH du lixiviat de cendres
Le pH du lixiviat est très acide (0,96) puisque la lixiviation des cendres a été effectuée avec
une solution d’H2SO4 à 2 M. Pour permettre la précipitation de Ni(C10)2, le pH est
préalablement augmenté à 6 par ajout de lait de chaux. L’avantage d’utiliser ce réactif est qu’il
engendre la précipitation de CaSO4 (KS = 3,3.10-5 (Martell et al. 2008)), ce qui conduit à une
diminution drastique de la concentration en sulfate (Tableau 21).
Tableau 21 : Concentration (mM) dans le lixiviat de cendres avant et après augmentation du pH avec du lait de
chaux ainsi que du lixiviat de plantes
Concentration (mM) Ca K Mg Na Ni P S
Lixiviat pH acide (100 mL) 15,3 155,6 283,4 6,9 158,7 156,7 1983
Lixiviat pH 6 (762 mL) 15,6 26,6 53,2 0,8 20,3 1,3 108,9
Lixiviat de plantes sèches 33,8 97,2 38,2 1,9 46,3 18,7 15,5
Un facteur de dilution de 7,5 est observé pour la concentration en Ni, dû à cet ajout. Il est
sensiblement le même pour K. La quantité en Mg a légèrement augmentée. Ceci peut provenir
du lait de chaux lui-même. Ce dernier est pur à 96 % mais n’a pas de spécification sur cet
élément. Il peut donc représenter jusqu’à 4 % de la masse introduite. Le phosphore, quant à
lui, précipite en partie, très certainement sous forme de phosphate de fer. En conclusion, Ni
n’est pas impacté par la précipitation de CaSO4.
A titre de comparaison, le Tableau 21 donne également la concentration des éléments dans
le lixiviat obtenu à partir de plantes sèches. Globalement, et à l’exception du K et du S, les
ordres de grandeurs sont cohérents. L’ajout de décanoate va donc se faire dans des milieux
avec des teneurs en éléments principaux similaires. La grande différence sera la présence de
matière organique.
4.1.2 Précipitation de Ni(C10)2 depuis le lixiviat de cendres
Le précipité de décanoate de Ni a une stœchiométrie Ni:C10 de 1:2. Cependant, le lixiviat de
cendres contient aussi une quantité importante de Ca. Or, comme les constantes de solubilités
de Ni(C10)2 et Ca(C10)2 sont proches (Mauchauffée 2007), il a été décidé d’augmenter la
stœchiométrie. Comme le décanoate de calcium est plus soluble que celui du nickel, un excès
de décanoate a été ajouté pour atteindre une stœchiométrie 1:3. Ceci n’empêchera pas le
calcium de précipiter mais augmentera le taux de récupération de Ni. Ainsi, les taux de
précipitation devraient théoriquement être de 95,3 et 65,3 % respectivement pour le Ni et le
Ca. La masse de précipité serait alors de 0,592 g.
Chapitre 4 : Complexation du nickel par l’acide décanoïque
Le bilan molaire de la réaction est présenté dans le Tableau 22. Un lavage du solide a été
effectué, mais non analysé, ce qui fausse le bilan. Il est possible d’observer que, comme
attendu, Ni et Ca ont précipité. Cependant, alors que le rendement est conforme aux attentes
pour Ca (avec 56,4 %), il est bien inférieur pour Ni (49,5 %). Finalement, la masse de solide
obtenue expérimentalement est de 0,453 g, soit 76 % de la masse attendue. La piste
privilégiée pour expliquer ces résultats sont des différences de cinétiques de complexation et
/ ou de précipitation entre les deux carboxylates. Il a été observé, dans des expériences qui
ne sont pas présentées ici, que la durée d’une expérience, pour obtenir un équilibre est
d’environ 4 h. Dans notre cas, l’expérience a duré 1 h comme préconisé par Mauchauffée et
Meux(2007).
Tableau 22 : Bilan molaire lors de la précipitation de N(C10)2 à partir du lixiviat de cendres d'A. murale
Quantité (mmol) Ca K Mg Na Ni P S
Lixiviat pH 6 (50 mL) 0,78 1,40 2,66 0,04 1,01 0,06 5,44
Précipité (0,453 g) 0,44 0,02 0,05 0,05 0,50 0,04 0,04
Filtrat (56 mL) 0,04 0,39 0,59 0,96 0,33 0,30 4,17
Pour les autres éléments, on observe des quantités non négligeables emprisonnées dans le
solide. Ils sont tous dans le même ordre de grandeur de concentrations, et le sodium, utilisé
pour préparer le décanoate, devient une impureté. La forte présence de phosphore n’a pas pu
être expliquée. Ces expériences montrent également toute l’importance des lavages,
puisqu’une part importante des éléments n’est pas identifiée. Il serait d’ailleurs sans doute
nécessaire d’en faire un second pour atteindre de plus hautes puretés.
Bien des optimisations restent à faire pour obtenir des rendements et des puretés plus élevés
en Ni. Il est par exemple possible de jouer sur la stœchiométrie et sur le pH de précipitation.
Ce travail a été entrepris, mais il a été choisi de ne pas le présenter, car il est à la marge du
sujet exposé ici. Il présente d’ailleurs des perspectives séduisantes quant à une voie de
valorisation de Ni depuis les cendres d’A. murale. Mais, ce qu’il faut retenir, c’est qu’aux
concentrations des lixiviats, et dans les conditions opératoires choisies (pH, temps,
etc.), il est possible de précipiter une quantité importante de Ni.
4.2 Précipitation à partir du lixiviat de plantes
La même réaction de précipitation a été effectuée sur un lixiviat de plantes, afin d’évaluer l’effet
de la matière organique sur la formation du complexe. Dans le but de maximiser les chances
de précipitation, la quantité de décanoate ajoutée a été augmentée pour atteindre un rapport
(Ca + Ni): C10− de 1:2.
Le bilan molaire de la précipitation est présenté sur la Figure 47. Le précipité est pratiquement
exclusivement composé de Ca, dont le rendement de précipitation est de presque 67 %. En
revanche, le Ni n’est présent dans le précipité qu’en très faible quantité (2% de précipitation).
Les autres éléments tels que K, Mg et P ne réagissent pas avec C10− et restent en solution.
Ces résultats confirment donc que Ni et Ca n’ont pas la même spéciation dans le lixiviat
d’A. murale. En effet, le Ni est lié à des molécules organiques avec lesquelles il forme
des complexes dont les constantes de formation sont supérieures à celle du décanoate
de Ni. En revanche, le Ca dont la proportion libre dans le lixiviat est nettement plus élevée que
celle de Ni (Chapitre 3 section 3.1) précipite.
5 Conclusion et perspectives
Le travail présenté dans ce chapitre a permis, dans un premier temps, d’estimer la constante
de formation de Ni(C10)2 à 40°C. Le logarithme de cette dernière est proche de 6,5, et est donc
légèrement plus faible à température ambiante. Dans un second temps, il a été montré que
cette molécule permettait de précipiter Ni lorsque celui-ci était dans un lixiviat minéral de
cendres d’A. murale, alors que cette précipitation n’était pas possible dans un lixiviat de cette
même plante sèche.
Par conséquent, la matière organique joue un rôle prédominant dans la spéciation du Ni en
solution, contrairement à Ca, qui semble bien moins impacté. L’ensemble de ces résultats
confirme qu’il existe de très forts complexants du Ni dans les lixiviats de plante, avec des log
K proches de 8. Dans les chapitres suivants, des réactifs avec des constantes plus élevées
sont utilisés afin d’isoler le Ni.
Chapitre 5 : Récupération du nickel dans le lixiviat d’A. murale par précipitation sélective
Dans le document
Procédés innovants pour la valorisation du nickel directement extrait de plantes hyperaccumulatrices
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