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Chapitre 1 : Etat de l’art

3.4 Les mécanismes de l’hyperaccumulation

Le schéma présenté en Figure 9 montre le principe de la phytoextraction :

Alyssum

murale Leptoplax emarginata Noccaea caerulescens Bherkeya coddii Rinoreabengalensis Phyllanthus securinegoides

Figure 8 : Photographies de quelques hyperaccumulateurs de Ni

Les exudats racinaires ou

amendements augmentent

la disponibilité des métaux

Les métaux sont prélevés

par les racines

Les métaux sont transférés

dans les parties aériennes

La concentration en métal hyperaccumulé par la plante n’est pas directement liée à la

concentration en métal dans le sol. En effet, pour que le métal soit prélevé, il faut qu’il soit

mobile et biodisponible, c’est-à-dire capable d’être assimilé par la plante. La mobilité et la

biodisponibilité augmentent sous l’action des exsudats racinaires, composés de sidérophores

et d’acides carboxyliques (Wenzel et al. 2003, Massoura et al. 2005). Elles sont aussi

augmentées par l’action des microorganismes de la rhizosphère (Whiting et al. 2001, Lucisine

et al. 2014, Lopez et al. 2017). Pour passer du sol aux racines, dans les membranes racinaires,

le Ni a besoin de transporteurs transmembranaires. Leur synthèse par les hyperaccumulateurs

a été mise en évidence par la surexpression de certains gènes encodant pour ces derniers,

comparé à des plantes non hyperaccumulatrices (Rascio and Navari-Izzo 2011).

Une fois dans les racines, le métal est transloqué vers les parties aériennes (Verbruggen et

al. 2008, Krämer 2010). Pour cela, une fois dans le cytoplasme des cellules de racine, le métal

sous forme ionique est complexé par des ligands organiques et des acides aminés pour limiter

sa précipitation (Haydon and Cobbett 2007). La nature des complexants fait encore l’objet de

discussion. Lorsque le Ni est transloqué des racines vers les parties aériennes, il est complexé

par l’histidine dans le xylème. Il a en effet été montré que la concentration en histidine de

l’hyperaccumulateur A. lesbiacum était nettement supérieure à celle du non

hyperaccumulateur Brassica juncea (Krämer et al. 1996, Kerkeb and Krämer 2003). Cette

chélation pourrait supprimer son transport vers les vacuoles racinaires et favoriser son

transport par le xylème. La spéciation de Ni dans le xylème a été étudiée à de nombreuses

reprises. Les auteurs s’accordent pour dire que la majorité du Ni est sous forme d’ion hydraté

libre 48 % (Alves et al. 2011). Le reste est complexé par des acides aminés (histidine,

glutamine) et des carboxylates à faible poids moléculaire (citrate et malate) (Krämer et al.

1996, Alves et al. 2011). La part de Ni complexé par chacun des chélateurs n’a pas été

clairement établie. Centofanti et al. (2013) trouvent par exemple que la proportion de Ni

complexé par l’histidine est de 25 % inférieure à celle annoncée par Krämer et al. (1996). Ce

qui peut être affirmé, c’est que les concentrations en chélateurs sont inférieures à celle en Ni,

et qu’une grande partie est sous forme libre. Le mécanisme principal responsable du transport

du Ni provient de la transpiration foliaire (Centofanti et al. 2012). Ce mécanisme consiste à

puiser depuis le sol l’eau qui a été évacuée par évaporation.

Le Ni est ensuite stocké dans les feuilles et dans les fleurs puis dans les graines. Il est retenu

dans les parties n’interférant pas avec le métabolisme de la plante. Il s’agit par exemple des

vacuoles pour le genre Alyssum (Küpper et al. 2001, Broadhurst et al. 2004a) ou le mésophylle

spongieux pour Rinorea bengalensis (van der Ent et al. 2017). Un schéma d’une coupe de

feuille est présenté en Figure 10 pour identifier ces différentes parties. Afin d’inhiber la toxicité

du métal, il est cette fois-ci totalement complexé par des acides carboxyliques à faible poids

moléculaire. Les majoritaires sont l’acide citrique pour les espèces ligneuses et les acides

maliques et malonique pour les herbacées (Lee et al. 1977, Lee et al. 1978, Callahan et al.

2006, Montargès-Pelletier et al. 2008, McNear Jr et al. 2010, van der Ent et al. 2017).

Ainsi, s’ils sont récoltés, les HA permettent d’extraire le métal à partir de ressources dont les

concentrations sont trop faibles pour être exploitées via les filières traditionnelles de la

métallurgie. Ces ressources sont constituées de sols minéralisés (sols ultramafiques) et de

sols pollués par les activités anthropiques, comme d’anciens sites miniers ou industriels.

Chapitre 1 : Etat de l’art

Depuis une trentaine d’années, l’utilisation de ces plantes pour la dépollution des sols a été

largement étudiée : la phytoextraction constitue l’une des voies de la phytorémédiation (Salt

et al. 1995, Ali et al. 2013). Toutefois, la phytoextraction est peu utilisée pour la dépollution,

pour différentes raisons qui ne seront pas développées ici. En revanche, la phytoextraction est

mise à profit pour valoriser certains métaux présents dans les sols.

4 Développement d’une nouvelle voie d’exploitation : la filière

agromine

Depuis 1983, les HA sont considérées comme une voie possible de remédiation de sols riches

en métaux et comme une voie potentielle de récupération du Ni présent dans les sols (Chaney

1983). On parle alors de « phytomining » ou « phytomine ». En 2013, le terme d’agromine

(« agromining ») a été proposé (Morel 2013). Il inclut la culture de HA dans l’objectif de récolter

du métal « farming for metals » (van der Ent et al. 2015a) et le traitement de la biomasse pour

produire des composés métalliques de haute valeur ajoutée, afin d’assurer la viabilité

économique de la filière. L’agromine est une filière qui comporte :

 des procédés agronomiques, visant à sélectionner les meilleurs HA pour extraire un

maximum de Ni et produire une quantité importante de biomasse,

 des procédés de transformation destinés à valoriser le métal par des approches

innovantes à partir de ressources encore jamais exploitées.

Un schéma du concept de l’agromine est présenté en Figure 11.

Figure 10 : Coupe d'une feuille (Wikipedia)

Jusqu’à présent, l’agromine a essentiellement porté sur la valorisation du Ni principalement à

partir de la plante A. murale, provenant de différentes régions du pourtour méditerranéen

(Albanie, Grèce, Espagne) (Kidd and Monterroso 2005, Bani et al. 2009, Bani et al. 2013).

Actuellement, des expérimentations (jusqu’à l’échelle de la parcelle) portent sur l’agromine du

Ni à partir de plantes tropicales, provenant surtout de Malaisie (van der Ent et al. 2013b).

Dans la suite du paragraphe vont être présentés les procédés agronomiques puis

hydrométallurgiques.

4.1 Procédés agronomiques