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Précarité, rôles et stratégies des femmes au sein de schémas familiaux asymétriques

a. L’absence du père comme acteur économique du foyer.

« Padre y madre para mis hijos » : la récurrence de la monoparentalité.

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Dans un article sur les femmes chefs de foyer, Ana Ponce rappelle que dans la première moitié du XXe siècle,

« dans presque toutes les sociétés urbaines, il était acquis que la grande majorité des familles étaient dirigées par un homme, le chef de famille était celui qui prenait les décisions, et dont le salaire était la ressource économique centrale, sinon unique, de la famille. Le travail de la femme au foyer n’était pas rémunéré et peu valorisé » (Ponce 2007 : 98).

Un changement dans cette tendance s’opère dans la seconde moitié du XXe siècle, époque à partir de laquelle le nombre de femmes seules à la tête de ménages ne cesse d’augmenter. Au Pérou, selon l’INEI, en 2001, 20,6 % des ménages du pays sont dirigés par des femmes, un taux qui atteint 26 % en 2011 et 28,2 % en zone urbaine (INEI 2011a). Sur l’ensemble de ces femmes, 48,4 % sont divorcées, séparées ou célibataires, et 40,3 % sont veuves. Au total, 88,7 % des ménages dirigés par une femme sont donc des foyers monoparentaux. Parallèlement, pour l’année 2011, 19,1 % des enfants vivent seulement avec leur mère tandis que leur père est en vie et seulement 1,8 % vivent avec leur père tandis que leur mère est en vie. Pour l’agglomération de Lima, ces taux s’élèvent respectivement à 25,4 % et 2.4 % (INEI 2011a). La monoparentalité dans des ménages dirigés par des femmes représente donc un cas de figure de plus en plus courant, a fortiori dans les zones urbaines. Cette augmentation est due en grande partie à l’augmentation des séparations et des divorces, une modification des modes de vie que l’on pourrait lier aux mouvements féministes apparus dans la seconde moitié du siècle dernier. Si le modèle de la famille nucléaire biparentale constituait auparavant une institution qui définissait une certaine normalité (Ponce 2007), la séparation ou le divorce liés à des facteurs comme l’alcoolisme, l’infidélité et/ou la violence exercée par le conjoint sont désormais bien plus courants et socialement moins stigmatisés qu’il y a de cela cinquante ans. Ces événements familiaux font désormais partie d’une certaine normalité, même si certains analystes persistent à considérer l’absence du père comme un facteur qui porterait préjudice au développement éducatif ou comportemental des enfants (Engle and Leonard 1997; Sara Lafosse 1995).

Dans une configuration de foyer monoparental, que la séparation ait eu lieu après la naissance des enfants ou que la mère ait été célibataire dès le début de sa grossesse, cette dernière est seule à pourvoir aux besoins du foyer. Pour les secteurs socio-économiques défavorisés, c’est majoritairement dans ces cas de figure que se développent des stratégies

familiales où les enfants, et notamment les aînés, participent au budget du foyer en exerçant une activité de travail, rémunérée ou non, afin d’optimiser les ressources provenant de l’activité économique exercée par la mère. Au regard des statistiques sur l’éducation et le travail des femmes analysées précédemment, il apparaît que le croisement des facteurs socio-économiques et de sexe constituent des variables qui influent sur la qualité de vie et sur les stratégies familiales qui se mettent en place, particulièrement dans les cas des foyers monoparentaux dirigés par des femmes. Face à une situation d’urgence comme l’abandon du foyer par le père des enfants, le décès ou la séparation de celui-ci, les femmes basculent d’une position de mère au foyer dépendante des ressources économiques générées par le père chef du foyer à une situation de responsabilité complète du foyer et de ses membres. Face à ce changement de rôle, elles mettent en place de nouvelles stratégies et exercent une activité d’urgence souvent liée au secteur informel, comme la vente ambulante, afin de générer à leur tour les revenus nécessaires à l’entretien et la survie du foyer. La complexité des situations est fonction du niveau d’éducation et du nombre d’enfants à charge, car l’exercice d’un emploi correctement rémunéré peut se voir freiné ou interdit par la charge d’un enfant en bas âge et/ou un niveau éducatif faible ou nul.

Dans la prison Chorrillos I, une majorité des détenues rencontrées entre 2007 et 2011 ont connu des situations de monoparentalité - de durée variable - et déclarent que l’expérience de la nécessité en tant que « père et mère » de plusieurs enfants les a conduites à commettre un délit. L’expression « je suis père et mère pour mes enfants » est récurrente dans le discours de plusieurs d’entre elles. Ce sont en majorité des femmes au niveau éducatif faible et qui exerçaient une activité informelle avec des revenus bas et irréguliers avant leur incarcération. Le détail de leur parcours, de la précarité à l’acte délinquant, sera analysé en détail dans le chapitre 4.

De la violence domestique et des femmes élevées par des mères célibataires.

La séparation ou le divorce des conjoints peut résulter de plusieurs motifs parmi lesquels ressortent, dans la population étudiée à Chorrillos I, l’alcoolisme, les mauvais traitements et, dans une moindre mesure, l’infidélité. Les situations vécues à l’âge adulte par ces femmes révèlent-elles la reproduction de schémas violents subis pendant l’enfance ? Du harcèlement au viol, quelles sont les statistiques des mauvais traitements subis par les femmes incarcérées à Chorrillos I au regard de l’ensemble des données nationales ?

Au Pérou, l’étiologie de la violence faite aux femmes a commencé à être étudiée dans les années 1960, avec l’apparition des premiers témoignages de femmes victimes de violence domestique. D’après la police nationale, plus de 90 % des 100 800 plaintes déposées pour violence domestique en 2010 l’ont été par des femmes, victimes à 45 % de leur conjoint, à 26 % de leur mari et à 14 % de leur ex-conjoint ou ex-mari (PNP 2011). Les violences faites aux femmes dans la sphère domestique émanent donc très majoritairement d’un acteur masculin qui partage ou a partagé une relation de couple avec sa victime. Si l’on observe la relation entre la violence conjugale exercée par les hommes et l’activité de travail de la femme, du total des plaintes déposées par les femmes, 45 % émanent de femmes au foyer et 20 % exercent une activité liée au commerce. Si la pauvreté ne représente pas un facteur déterminant pour l’exercice de la violence faite aux femmes, les chiffres démontrent pourtant que les femmes issues des secteurs socio-économiques les plus modestes, qui n’ont pas d’activité de travail ou en exercent une de façon informelle, connaissent une forte tendance à souffrir de violence domestique. Quant à l’état physique des agresseurs, 27 % d’entre eux étaient en état d’ébriété au moment des faits et à peine 1 % était sous l’emprise de la drogue. La consommation de drogue ou d’alcool représente un facteur de risque dans l’exercice de la violence, car leur ingestion désinhibe le consommateur. Dans le cas des Etats-Unis, Coker a démontré qu’à ce premier facteur peuvent s’en associer d’autres, comme le chômage, qui augmentent les risques de comportement violent (Coker, et al. 2000). Différents types de violence sont exercés, pouvant être d’ordre physique, sexuel ou psychologique. En 2010, les statistiques de la police péruvienne révèlent que 55 % des violences domestiques sont d’ordre physique, 31 % d’ordre psychologique, 2 % d’ordre sexuel et 12 % d’un autre ordre.

Dans la prison Chorrillos I, sur les 34 détenues qui ont formé le panel d’enquêtées en 2011, seules 8 d’entre elles disent n’avoir jamais subi aucune forme de violence, sexuelle, physique ni psychologique. Le tableau nº2.17. résume les expériences de violences vécues par ces femmes pendant l’enfance et l’âge adulte, indique le niveau d’éducation atteint ainsi que le type de foyer dans lequel elles ont été élevées et qu’elles ont formé une fois adultes. Cette partie de l’enquête révèle que 76 % des détenues ont connu au moins une forme de violence au cours de leur vie. Sur l’ensemble du groupe étudié, 26,5 % d’entre elles ont été violées dont 17,7 % pendant l’enfance ; 55,9 % ont connu au moins une fois une forme de violence physique, dont 26,5 % pendant l’enfance, et 50 % ont connu une forme de violence psychologique, dont 8,8 % pendant l’enfance. Seules trois femmes ont connu des violences physiques pendant l’enfance et à l’âge adulte. Les chiffres concernant la violence psychologique subie pendant l’enfance sont d’approche délicate, car ils soulèvent la question

de la conscience de cette forme de violence par les enfants. En effet, pour un enfant, il est plus facile de mettre des mots sur la violence physique que sur la violence psychologique, et ceci peut influencer le souvenir et les déclarations faites à l’âge adulte. On remarque par ailleurs que 82 % des femmes qui ont subi une forme de violence pendant l’enfance ont été élevées dans un foyer déstructuré, soit par une mère célibataire, soit par d’autres membres de leur famille ou encore par des parents adoptifs. Si l’on observe le type de foyer de leur enfance, 38 % des femmes ont été élevées par des mères célibataires, 41 % dans un foyer biparental et 21 % par un tiers, membre de la famille ou non. Il apparaît que les femmes élevées dans un foyer biparental ont eu moins tendance à être victimes de quelque forme de violence pendant l’enfance, mais ont pu être indifféremment victimes de violence à l’âge adulte, quelle qu’ait été la forme du foyer pendant l’enfance ou l’âge adulte. Les formes de violence vécues pendant l’enfance sont toutes subies au sein du foyer, ayant été exercées par un des membres de la famille ou un des membres du foyer, à l’exception d’un cas de viol. De même, les maris, conjoints, ex-maris et ex-conjoints représentent les acteurs principaux sinon exclusifs de la violence exercée sur les femmes à l’âge adulte, constituant plus de 92 % des agresseurs physiques et psychologiques. D’autre part, les femmes qui ont subi au moins une forme de violence pendant l’enfance connaissent des niveaux d’éducation faibles, avec une frange importante qui a atteint le niveau secondaire, mais n’a pas achevé d’études supérieures ni universitaires. On peut donc se demander dans quelle mesure la déstructuration des foyers et les violences subies pendant l’enfance ont pu influer sur le parcours éducatif de ces femmes, et par conséquent sur leur parcours de travail. Parallèlement, il est important de noter que 50 % des enquêtées ont déclaré que pendant leur enfance leur mère n’exerçait pas d’activité de travail, 15 % ont déclaré que leur mère exerçait une activité commerciale informelle et 29 % ont déclaré que leur mère exerçait une autre activité de travail. Parmi ces dernières, le type d’activité révèle des emplois peu qualifiés et souvent liés aux services ; ces mères étaient employée domestique, couturière, secrétaire, esthéticienne, coiffeuse ou réceptionniste. Enfin, deux détenues n’ont pas connu leur mère et ne savent pas quelle est leur profession ni leur occupation professionnelle. Lorsqu’elles exercent une activité rémunérée, le profil des mères des détenues révèle une situation de travail précaire liée à l’informalité ou à un faible niveau d’éducation, ce qui laisse présager de conditions économiques relativement fragiles. Dans de telles situations de précarité socio-économique, de foyer monoparental et de violence domestique, quels rôles les femmes aujourd’hui détenues ont-elles pu tenir en termes de productivité ou de reproduction du rôle maternel pendant leur enfance ?

Tableau nº2.17. : Niveau d’éducation, type de foyer et types de violence vécues par les femmes détenues à Chorrillos I.

Détenue Niveau d’éducation1

Enfance Age adulte

Situation du foyer2 Violence sexuelle et auteur Violence physique et auteur Violence psychologiq ue et auteur Situation du foyer2 Violence sexuelle et auteur Violence physique et auteur Violence psychologiq ue et auteur

D1 ESI Biparental Mère

célibataire Conjoint Conjoint

D2 SI Biparental Biparental Ex-conjoint

D3 ESI Mère

célibataire Vit seule Ex-conjoint Ex-conjoint

D4 EUI Elevée par sa

grand-mère Biparental

D5 ESI Biparental Père Biparental Ami Mari Mari

D6 ESC Mère

célibataire Biparental Conjoint Conjoint

D7 SC Biparental Biparental D8 PC Mère célibataire Ex-mari D9 ESI Mère célibataire Mère célibataire Ex-conjoint

D10 ESI Biparental Vit chez ses

parents Ex-mari

D11 SI Biparental Biparental

Ana Marín ESI Mère

célibataire

Mère célibataire

Carmen F. EUC Biparental Biparental

Carmen Rosa PI Mère

célibataire

Père,

belle-mère Biparental Ex-conjoint Ex-conjoint

Carmen S. ESI Mère

célibataire Frère Frère

Mère

célibataire Mari Mari

Deidre ESI

Élevée par sa mère puis par son père et enfin par plusieurs familles adoptives

Père et mère Père et mère Mère

célibataire Oncle Ex-conjoints

Elisabeth 0 Biparental,

puis seule Père

Belle-mère, frères aînés Sans domicile fixe, vit en bande organisée Elisabeth R.D. SI Elevée par sa grand-mère Deux inconnus Mère et grand-mère Mère et grand-mère Biparental

Francesca EUI Mère

célibataire Mère célibataire Conjoints Janet PI Elevée par une mère célibataire adoptive Fils de la mère adoptive Enfants de la mère adoptive Mère célibataire

Karla SC Biparental Mère

célibataire Collègue

célibataire (vit chez ses parents)

Kelito SC Biparental

Biparental (vit chez ses parents)

Laura ESI Biparental Biparental

Lourdes ESI Biparental Oncle

maternel

Oncle

maternel Biparental Mari

Luz Melissa ESI

Mère célibataire, élevée par son oncle et sa tante

Oncle Vit chez des

amis

María del

Mar ESI Biparental Biparental Mari

Marisol EUI Mère célibataire, élevée par sa grand-mère Mère célibataire, vit seule Conjoint Conjoint Roxana ESI Elevée par une mère célibataire adoptive Mère célibataire adoptive Mère célibataire

Rubí ESC Mère

célibataire Mère célibataire Officier de police Officier de police

Sandra ESI Biparental Mère

célibataire

adoptif adoptive célibataire

Silvana SC Biparental Biparental Conjoint Conjoint

Valmarvida SC Biparental

Mère célibataire, vit chez son oncle

Mari Mari

1

0 : n’a jamais fréquenté l’école PI : Primaire incomplète

PC : Primaire complète SI : Secondaire incomplète SC : Secondaire complète

ESI : Etudes supérieures incomplètes ESC : Etudes supérieures complètes EUI : Etudes universitaires incomplètes EUC : Etudes universitaires complètes

2

Le foyer biparental peut être composé a) de la mère et de son conjoint ou son mari, qu’il soit ou non père d’un ou de plusieurs des enfants qui y vivent, ou b) du père avec sa conjointe ou sa femme, qu’elle soit ou non mère d’un ou de plusieurs des enfants qui y vivent.

b. Le travail comme solution viable.

Fuir un foyer déstructuré ou violent.

D’après les entretiens menés en 2007 et 2011, l’expérience de la violence domestique résulte être le motif de l’entrée dans le monde du travail de plusieurs femmes rencontrées à Chorrillos I. Les conditions de vie à la fois précaires et violentes qu’elles connaissaient les ont décidées, à un moment donné de leur enfance ou de leur adolescence, à quitter leur foyer dans l’espoir de vivre dans de meilleures conditions. Reprenons le cas de Carmela cité plus haut, qui vivait avec ses 13 frères et sœurs, ses parents et ses grands-parents :

« Enfant j’ai été tellement maltraitée... Mon père m’a élevée d’une manière, genre Hitler ! Il rentrait et ce n’était que des grossièretés. Le pire qu’il disait, c’était : ‘les femmes sont nées pour ouvrir les jambes et pour accoucher, c’est tout ce qu’elles savent faire, elles naissent et c’est tout ce qu’elles savent faire’, c’était très fort. Mon père disait ça alors que je ne savais même pas comment c’était le sexe ni ce que c’était que le sexe. Une fois, le frère du mari d’une tante m’a attrapée, m’a baissé la culotte et a abusé de moi, j’avais 7 ou 8 ans, et je suis restée muette, je n’ai rien dit, il m’a jetée par terre puis m’a relevée, c’est lui-même qui m’a remonté la culotte et je n’ai rien dit à personne. Ça m’est arrivé de nouveau vers les 11 ans, je n’ai rien dit non plus à personne par honte [elle sanglote un instant]. Je me souviens qu’il m’est resté un truc baveux entre les jambes, je suis allée me laver. Au bout d’un moment, je l’ai raconté à une de mes tantes parce qu’elle me connaissait tellement bien qu’elle a fini par me demander : ‘qu’est-ce qui t’arrive dernièrement, tu n’as pas l’air en forme ? Et puis tu as maigri.’ Alors j’ai raconté à ma tante en pleurant : ‘ne le dis à personne parce qu’ils vont me taper, ne le dis à personne parce qu’ils vont me taper’. Et j’ai grandi comme ça, fatiguée parce que mon père nous frappait et qu’il insultait tout le monde, il insultait… Pour lui, insulter c’était son petit bonheur matinal. Et quand il nous battait, ma mère ne nous défendait jamais. Ma mère n’était pas comme ça, j’en ai vu des mères qui défendent leurs enfants quand le mari est comme ça, mais ma mère disait ‘qu’il te frappe, mal élevée, pourquoi est-ce que tu fais des bêtises ?’. Mais moi parfois je disais : ‘mais qu’est-est-ce que j’ai fait ? Je n’ai rien fait, pourquoi me frappez-vous ?’. Et ainsi de suite. J’allais à l’école avec les cheveux tout courts, rasée parce que mon père voulait toujours que j’aie l’air d’un homme […]. »

Après que son premier vol ait été découvert, alors qu’elle avait 12 ans, un commissaire de police lui avait assuré que son père n’avait pas le droit de la frapper. « Mais mon père, le

lendemain, vers 5 heures du matin, me réveille pour que je prépare le petit-déjeuner. Moi je ne voulais pas, ma mère n’avait qu’à le faire. ‘Je te parle !’, ‘Non, aujourd’hui je ne fais rien,

sinon je vais au commissariat et je porte plainte’, comme ça, sûre de moi. Houlà, mon père s’est levé, m’a attrapée par les cheveux, il a chopé la ceinture du côté de la boucle et a commencé à me frapper. Moi j’ai voulu l’attraper, je rate la boucle et elle me rentre dans tout le bras. Regarde mon bras, et mes doigts étaient tous vers le haut comme ça, c’était bien moche. Et moi pendant ce temps je criais. Si mon grand-père n’avait pas été là, je crois qu’il m’arrachait le bras. C’est à ce moment-là que mon grand-père est entré. Et ce fut cette fois-là que je n’ai pas passé Noël avec mes frères et sœurs. Je suis partie de chez moi. Je suis partie de chez moi avec pour seul rêve travailler, acheter un terrain, construire une maison et emporter mes frères et sœurs. »31

A 12 ans, après avoir été violée deux fois et avoir travaillé pour assurer une partie de la subsistance de ses frères et sœurs, Carmela a donc fui un foyer extrêmement violent. Devant assurer seule sa propre survie, elle se retrouve immédiatement en situation de déscolarisation. Durant les années qui suivirent, elle a effectué de nombreuses activités de travail, toujours de manière informelle, jusqu’à ce que la maladie de son fils lui impose des dépenses auxquelles elle n’a pas pu faire face : « Sans le soutien social ni économique de personne, à cause de la santé de mon fils, j’en suis venue à commettre un délit, parce que toute ma vie j’ai travaillé »32.

Un autre cas de figure rencontré en 2011 à Chorrillos I est celui de Elisabeth (voir tableau nº2.17.), une jeune femme de 23 ans incarcérée pour trafic de drogue. Enfant, elle a grandi avec son père et sa belle-mère et plusieurs demi-frères et sœurs. Quand je lui demande qui l’a