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Le pouvoir politique traditionnel face au pouvoir d’Etat en R.D Congo : les mobiles légitimants

la désacralisation des absolus du pouvoir coutumier

IV.1. Le pouvoir politique traditionnel face au pouvoir d’Etat en R.D Congo : les mobiles légitimants

Poser le problème d’hybridation du pouvoir traditionnel politique et du  pouvoir d’Etat, c’est vouloir déterminer les valeurs qui fondent l’un et l’autre  du point de vue source du pouvoir, légitimation de l’autorité et dévolution  du pouvoir politique. C’est également vouloir saisir l’influence réciproque  entre les deux types d’autorité. Ce/e deuxième orientation est à privilégier  étant donné que les fondements du pouvoir politique traditionnel ont été  suffisamment cernés dans les lignes qui précèdent.

La  notion  du  chef  traditionnel  ayant  été  discutée,  celle  de  l’autorité  moderne  mérite  aussi  d’être  précisée.  Il  faut  entendre  par  «  autorité  moderne », toute personne investie de la puissance publique dans une entité  administrative  donnée,  sans  se  référer  aux  us  et  coutumes  dans  le  mode  d’accession  au  pouvoir  politique  et  de  dévolution  du  pouvoir  politique.  Qu’elle soit nommée, cooptée ou élue, l’autorité moderne n’exerce pas, par  principe, un pouvoir à vie. Cela suggère l’idée de mandat. 

Rappelons  que  la  coexistence  entre  autorités  traditionnelle  et  moderne  remonte à l’époque coloniale avec l’intégration de celles‑là dans l’organisa‑ tion territoriale conçue par celles‑ci219.

Au‑delà  de  la  coexistence,  les  autorités  traditionnelles  et  modernes  partagent des valeurs sur lesquelles reposent leur pouvoir et qui justifient  l’exercice de ce pouvoir.

Le tableau ci‑dessous résume les mobiles légitimant de ces autorités tels  que nous les avons observés dans la pratique au Congo.

Tableau 4 : Comparaison des mobiles légitimant des pouvoirs  politiques au Congo.

L’analyse  comparative  des  mobiles  légitimant  des  pouvoirs  politiques  traditionnel  et  moderne  suggère  que  le  pouvoir  traditionnel  servirait  de  modèle  au  pouvoir  d’Etat.  Ce  sont,  essentiellement,  certaines  pratiques  politiques  du  pouvoir  coutumier  que  s’approprie  et  ressasse  le  pouvoir  moderne. Le népotisme, le culte de la personnalité, la personnalisation du  pouvoir sont certaines de ces caractéristques du pouvoir politique traditionnel  que recopie les autorités modernes dans l’exercice du pouvoir d’Etat.

Le  népotisme,  la  centralisation  du  pouvoir  entre  les  mains  d’une  seule  autorité, le pouvoir personnel, l’absence d’alternance au pouvoir, le culte de  la personne sont les pratiques coutumières les plus recopiées par l’autorité  moderne.

Nous  observons  également  que  d’autres  mobiles  légitimant  aussi  traditionnels  que  l’hérédité  des  charges  publiques,  le  mandat  à  vie  du  chef,  la  culture  de  l’oralité  deviennent  pratiques  courantes  dans  les  organisations modernes telles que les églises, les associations de la société  civile, les partis politiques et même dans l’Administration publique censés  donner l’impulsion de la modernisation des pratiques politiques du pays.  Au  sein  de  l’administration  publique,  les  recommandations  à  des  postes  administratifs se font parfois verbalement comme l’héritage de ce/e culture  de l’oralité propre au pouvoir politique traditionnel.

Le sol comme assise du pouvoir exclut l’étranger de l’exercice du pouvoir  coutumier.  Il  en  serait  de  même  pour  le  pouvoir  d’Etat.  Mais  l’absence 

Autorité traditionnelle Autorité moderne

Hérédité des charges politiques ; - Népotisme ; - Primauté de la coutume ; - Culture de l’oralité ; - Culte de la personnalité ; - Mandat à vie ; - Personnalisation du pouvoir ; - Mystification du pouvoir ; -

Absence d’alternance avec intervalle -

régulier ;

Appropriation du sol comme assise -

du pouvoir ;

Exclusion de l’étranger des charges -

publiques.

Election, nomination, cooptation, -

violence (Coup d’Etat); - Népotisme ; - Clientélisme ; - Ecrit ; -

Non-respect des textes (constitution, -

accords, règlements, statuts…) ; Personnalisation du pouvoir, -

centralisation du pouvoir ; Banalisation du pouvoir ; -

Légalité des charges après coup; -

Le territoire comme facteur -

de la maîtrise du flux migratoire expose le pouvoir d’Etat à la force et à la  farce des hommes dont l’appartenance au territoire national, c’est‑à‑dire la  nationalité serait difficile à prouver à cause de la défaillance de l’Etat dans la  mise en oeuvre de ses fonctions régaliennes.

La  pratique  traditionnelle  de  déclinaison  de  la  généalogie  du  candidat  chef  au  pouvoir  politique  traditionnel  par  lui‑même  protège  l’autorité  traditionnelle des aventures peu recommandables d’accession des étrangers  aux fonctions de chef. Ainsi l’accession au pouvoir semble valoriser et protéger  de la convoitise des étrangers au sein des entités traditionnelles. Il est, par  contre,  banalisé  dans  la  structure  étatique  surtout  après  l’avènement  de  l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (A.F.D.L.)  au pouvoir d’Etat. 

Aussi  faut‑il  noter  que  les  charges  politiques  traditionnelles  sont  légales  dans  la  mesure  où  tout  chef  coutumier  doit  être  reconnu  et  investi  par  l’autorité  étatique.  Dans  ce  contexte,  on  aboutit  davantage  à  la traditionalisation du pouvoir d’Etat qu’à la modernisation souhaitée et  a/endue du pouvoir traditionnel.

On  pourrait  donc  affirmer  qu’au  moment  où  le  Congo  sombre  dans  une  crise  politique,  économique,  morale  et  sociale,  au  moment  où  la  banalisation du pouvoir d’Etat depuis l’avènement de l’A.F.D.L. a vidé celui‑ ci  de  ses  forces  vitales,  les  mythes  étant  tombés,  le  pouvoir  traditionnel  a  beaucoup des choses à suggérer à l’organisation du pouvoir d’Etat en vue  de  l’édification  d’un  nouvel  Etat,  la  République.  Il  s’agit  notamment  du  respect de la coutume du pouvoir, la construction des mythes du pouvoir, la  cohésion et la mobilisation des énergies dans la défense des intérêts vitaux  de la communauté, la solidarité comme base de la justice distributive au sein  de l’Etat.

Cependant,  certaines  réformes  s’imposent  au  sein  des  collectivités  locales  dans  le  contexte  de  l’Etat  moderne  souhaité  au  Congo/Kinshasa.  Mais avant cela, examinons quelques tensions qui marquent les relations  entre l’autorité traditionnelle et l’autorité moderne.

IV.2. La cohabitation entre autorités politiques traditionnelle

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