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La position de la jurisprudence

La Cour Suprême, dans un arrêt daté du 25/03/1989, considère que l’article 427 de l’ancien C.I.D.443 « autorise la chambre administrative à engager la responsabilité solidaire des mandataires444 pour le recouvrement des impôts »445. L’article 427

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Il convient de préciser que le terme jurisprudence est ici pris en son sens large qui signifie toutes les décisions de justice. Ceci à défaut de décisions d’une chambre mixte, de toutes chambres réunies ou du moins d’un ensemble de décisions suffisamment concordantes qui permettraient d’en tirer la solution suggérée par les juridictions.

443 Ord. n° 76-101, préc.

444 On constate ici aussi la subsistance dans le littérature de la Cour suprême du terme de mandataires (ءGـــــآو) pour désigner les dirigeants et les gérants.

disposait avant son abrogation que « l’agent chargé du recouvrement assigne le ou les gérants devant le président de la Cour du lieu du siège de la société ». Dès lors, la position de la Haute Cour est, à ce titre, tout à fait étrange, puisque celle-ci se base sur cet article qui concède la compétence au président de la Cour et non à la chambre administrative, et qui précise que celui-ci « statue comme en matière sommaire ». La matière sommaire, qui sera plus abondamment développée (v. infra), révèle qu’il s’agit là d’une procédure rapide et exceptionnelle. Pourquoi alors donner la compétence à la chambre administrative ?

Une explication quant à cette position de la Cour suprême peut être trouvée dans le fait, tout d’abord, de l’attribution de la compétence en matière administrative à la Cour lorsque l’Etat ou les autres collectivités publiques sont partie au procès. Celle-ci statuait non en appel, mais en premier ressort à charge d’appel devant la chambre administrative de la Cour suprême446. C’est le sens des dispositions de l’article 7 de l’ancien code de procédure civile qui pose un critère organique pour l’attribution de cette compétence. Ensuite, l’adoption d’un système juridictionnel447 basé sur le principe de l’unité de juridiction justifie, théoriquement, cette attribution de compétence reconnue directement au président de la Cour. Le terme même de « chambre administrative » au niveau des Cours semblait impropre448, les textes y préférant plutôt l’appellation de « Cours statuant en matière administrative »449. En réalité, ce renvoi au président de la Cour n’étaient que théorique car en pratique, celui-ci transmettait le dossier au président de la chambre administrative de la Cour qui à son tour peut, soit la régler es qualité, soit déléguer un magistrat de la chambre administrative450. En plus les dispositions relatives à la responsabilité solidaire des dirigeants prévues par les autres codes fiscaux issues des ordonnances de 1976, principalement, le code des impôts

445 C. Sup., Ch. adm., 25 Mars 1989, préc.

446 Concernant la Cour suprême, le législateur, dans les articles 274 et 284 de l’ancien code de procédure civile, emploi expressément les termes de Président de la chambre administrative de la Cour suprême et non le président de celle-ci.

447 En 1963 avec l’institution de la Cour suprême et sa consécration en 1965 avec la mis en place des Cours et des tribunaux.

448 Fawzia BENBADIS, La saisine du juge administratif, O.P.U., 1985, p. 26. 449

Fawzia BENBADIS, op. cit., p. 27.

450 Rachid KHELLOUFI, Les procédures d’urgence en matière administrative et le code de procédure

indirects, les codes d’enregistrement et du timbre prévoyaient respectivement la compétence de « la chambre administrative »451 et une assignation devant « la juridiction compétente »452. Toutefois, le texte prévu par le code des impôts indirects restait lui aussi ambigu car contenant des discordances dans le texte de même langue et une discordance entre la version française et arabe.

Mais il reste qu’en l’absence d’autres décisions de la Haute Cour, il devient plus difficile de comprendre la position de celle-ci dans l’attribution de la compétence à la chambre administrative en matière de responsabilité solidaire des dirigeants sociaux pour le paiement des dettes fiscales de la société. D’autant plus que suite à un arrêt plus récent de la chambre administrative de la Cour d’Oran daté de 2008453, celle-ci s’est déclarée incompétente pour condamner le gérant d’une S.A.R.L. en application de l’article 155 C.P.F. au profit d’une compétence du président de la Cour454 !! Toutefois cette dernière décision appelle à émettre quelques remarques en ce qui concerne la compétence : tout d’abord, la chambre administrative de la Cour d’Oran se considère incompétente pour statuer sur la responsabilité fiscale du dirigeant social sur la base de l’article 155 C.P.F. ce qui est en contradiction avec la position de la Cour suprême. Enfin, à la différence de l’article 379 du C.I.D., dont l’arrêt fait référence et qui considère le président de la Cour comme compétent en la matière, l’article 155 du C.P.F. qui l’a remplacé, renferme une différence entre la version française et la version arabe. Comme cela a été démontré plus haut (supra sous section 2) la version française parle d’une compétence du président de la Cour alors que la version arabe confère la compétence au président du tribunal. Ce qui indique que, soit le juge s’est reporté à l’article 379 du C.I.D. qui l’a considéré lui-même comme étant abrogé, soit qu’il a pris en considération la version française de l’article 155 du C.P.F.

Cette décision ne nous avance pas beaucoup, car en plus du fait qu’elle émane d’une juridiction de premier degré, celle-ci renferme des ambiguïtés qui empêchent une exploitation convenable. Car au-delà de ces considérations d’ordre formel, on est forcé

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V. art. 494 de l’ord. n° 76-101, préc.

452 V. art. 365 ord. n° 76-105, préc. et l’art. 24 ord. n° 76-103, préc. 453 Avant l’installation du nouveau tribunal administratif.

de constater que même si nous admettons que la chambre administrative a raison d’affirmer que la compétence, en matière de responsabilité solidaire du dirigeant pour le recouvrement des créances de l’administration fiscale, est du ressort du président de la Cour, la question qui reste posée est de savoir sous quelle forme celui-ci va être saisie et suivant quelle procédure ? La question se pose tout autant en ce qui concerne le président du tribunal, qui est le seul compétent sur la base de l’article 155 C.P.F. pour statuer en matière de responsabilité fiscale des dirigeants sociaux.