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Compétence de l’ordre judiciaire ordinaire

Tout d’abord, une analyse littérale429 du texte de l’article 155 C.P.F. permet de dire que l’emploi seul du terme « tribunal » (dans la version arabe) sans adjonction d’un quelconque adjectif, renvoie selon la loi organique n° 05-11 du 17 juillet 2005 relative à l’organisation judiciaire430, à l’une des juridictions de l’ordre judiciaire ordinaire. Par ailleurs, il existe un autre cas431 au sein du code des procédures fiscales où le législateur n’utilise que le seul terme « tribunal ». Il s’agit de l’article 35 relatif au droit de visite et à la nécessité pour l’administration fiscale de demander une autorisation du « président

426 A notre avis, le terme procédure doit être mis au pluriel car il est question ici de deux procédures : la procédure civile et la procédure administrative. Néanmoins, nous utiliserons l’intitulé prévu par la loi 08-09 du 25 fév. 2008-09 portant code de procédure civile et administratif, J.O.R.A. n° 21 du 23 avr. 2008-09, p. 3. 427 Loi 08-09 du 25 fév. 2009, préc.

428

V. décret exécutif n° 95-55 du 15 fév. 1995, portant organisation de l’administration centrale du

ministère des finances, J.O.R.A. n° 15 du 19 mars 1995, p. 10.

429 Nous rappellerons ici l’article 1er du C. civ. qui commande d’interpréter la loi, en premier lieu, selon sa

lettre ou son esprit. V. l’article remarquable d’Antoine VIALARD, Réflexions sur la méthode d’interprétation et d’utilisation du droit civil algérien, Rev. alg., vol. XVI, n° 2, juin 1979, p. 289 et s.,

spéc. p. 295. 430

J.O.R.A. n° 51 du 20 juil. 2005, p. 6. V. notamment les articles 3 et 10 de cette loi organique.

431 Il existe d’autre cas au sein du code des procédures fiscales où il est fait référence au terme « tribunal », toutefois, celui-ci est suivi de l’adjectif « compétent » ce qui est différent.

du tribunal territorialement compétent ». Il est admis que l’ordre judiciaire ordinaire est seul compétent pour délivrer cette autorisation et de contrôler le déroulement de l’opération432. Bien sûr, les motifs conduisant à cette conclusion, en ce qui concerne le droit de visite, sont bien précis et propre à celui-ci433, mais ceci étaye bien l’analyse présentée plus haut. D’ailleurs, la lecture des dispositions du code des procédures fiscales illustre très bien cette démarche du législateur fiscal, puisque toute les fois où il est question de donner compétence à l’ordre judiciaire administratif, le terme « tribunal » et toujours suivi de l’adjectif « administratif ».

L’autre indication réside dans l’article 260 du C. pr. civ. adm. Cet article est codifié au sein du livre premier du code et concerne donc les juridictions de l’ordre judiciaire ordinaire. Il prévoit l’obligation de communication de certaines causes, dix jours avant l’audience prévue, au ministère public. La responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux figure au point huit434. Sans autre indication de la nature de cette responsabilité pécuniaire, civile ou commerciale, on peut tout aussi considérer que la responsabilité fiscale du dirigeant, responsabilité pécuniaire par excellence, est visée par cet article.

Une dernière indication, mais qui reste un peu risquée car d’ordre psychologique, est révélée lorsque le législateur a transféré les dispositions de l’article 379 C.I.D. à l’article 155 C.P.F. En effet, l’article 379 prévoyait une compétence du président de la Cour et ne comportait pas de discordance entre le texte en français et le texte en arabe, à la différence des dispositions de l’article 155. Donc le législateur ne s’est pas contenté de transférer ces dispositions telles quelles étaient, mais a modifié le texte en langue arabe, qui désormais donne une compétence au président du tribunal et laissant le texte en langue française tel qu’il était. Ce qui, à notre avis, dénote une certaine volonté des rédacteurs du nouveau texte, d’apporter une modification dans ce sens, l’omission de faire de même sur la version française relèverait plutôt d’un simple

432

V. Bachir YELLES CHAOUCHE, Les visites fiscales en Algérie, in les enquêtes fiscales, Actes du colloque « le droit de visite et de saisie » tenu à la maison du barreau de Paris le 13 fév. 2009, Montchrestien-Lextenso éditions, 2010, p. 138.

433 Ibid.

oubli, voire d’une négligence435. Cependant, on pourrait tout aussi considérer cette modification comme exprimant une volonté du législateur, suite à la création des tribunaux administratifs en 1998436, de se mettre à niveau avec l’état du droit existant lors du transfert des dispositions de l’article 379 C.I.D. vers l’article 155 C.P.F. en les modifiant et en transférant la compétence du président de la Cour au président du tribunal administratif. Sans autre précision de la part du législateur, cette affirmation reste sans fondement et contraire à la règle selon laquelle il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas (ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus). Il faut dire que ce va et vient et cette hésitation du législateur concernant la compétence en matière de responsabilité fiscale du dirigeant ne date pas d’aujourd’hui. En effet, l’article 427 issu de l’ordonnance n° 76-101437 dans sa première rédaction, comprenait une discordance au sein même de la version française. Celle-ci prévoyait une compétence du président de la Cour dans son 2ème alinéa et une compétence du « président du tribunal » dans son 3ème alinéa. Le législateur interviendra quatre mois plus tard438 en rectifiant le 3ème alinéa de la version française de l’article 427 et prévoira finalement une compétence du président de la Cour.

Enfin, en dehors du texte en lui-même, « l’intervention du juge judiciaire est nécessaire car la responsabilité fiscale annihile un débiteur pour en affirmer un autre »439. Cette opération « bouleverse au passage des théories patiemment instituées telles que la personnalité morale, la responsabilité, la solidarité »440. « La responsabilité fiscale n’est pas une simple action en recouvrement. C’est une procédure relativement complexe », Elle transforme la situation d’un tiers, le dirigeant, en débiteur441.

435 Une rédaction parallèle plutôt qu’une rédaction monolingue suivie de traduction doit être nécessairement privilégiée par le législateur, tant que l’édition en langue française est maintenue, pour éviter ce genre d’erreur,

436 Loi n° 98-02 du 30 mai 1998 relative aux tribunaux administratifs, J.O.R.A. n° 37 du 1er juin 1998, p. 7.

437 Préc.

438 J.O.R.A. n° 23 du 20 mars 1977, p. 326. 439

Emmanuel DUNET, op. cit., p. 391. 440 Ibid.

441

En conclusion et selon l’analyse exposée ci-dessus, une compétence du président du tribunal ordinaire est prévue par l’article 155 C.P.F. tel qu’il est rédigé actuellement malgré une ambiguïté qui l’alourdit et qu’il faudra bien dissiper par l’amendement de ce texte.