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Fondement général de la responsabilité du dirigeant de fait

dirigeant de fait

Le but d’une mise en cause éventuelle du dirigeant de fait est de soumettre la personne usurpatrice des pouvoirs du dirigeant de droit aux mêmes conséquences que si elle avait été régulièrement désignée ; sans pour autant que le dirigeant de droit ne soit exonéré en cas de manquements de sa part en invoquant sa passivité ou sa méconnaissance des affaires sociales186.

Le législateur utilise au sein de l’article 155 C.P.F. le terme dirigeant de manière générale et ne précise pas s’il s’agit du dirigeant de droit ou du dirigeant de fait. La sanction de l’exercice irrégulier de la direction par le véritable maître de l’affaire peut intervenir, soit par assimilation du dirigeant de fait au dirigeant de droit, soit par assimilation de la direction de fait à un fait délictuel.

1 Responsabilité par assimilation du dirigeant de fait au

dirigeant de droit

La situation du dirigeant de fait n’est envisagée par le législateur que dans certains cas, sans pour autant que soit précisées les conditions de mise en œuvre de sa responsabilité187. C’est ainsi que la loi a prévu d’assimiler le dirigeant de fait au dirigeant de droit, notamment en matière de règlement judiciaire ou de faillite en stipulant qu’ « en cas de règlement judiciaire ou de faillite d’une personne morale, peut être déclaré personnellement en règlement judiciaire ou faillite tout dirigeant de droit

185 Isabelle GROSSI, préc. 186

Gérard LEGRAND, La responsabilité fiscale des dirigeants d’entreprise, éditions du Juris-Classeur, 2003, p. 47, n° 100.

ou de fait, apparent ou occulte, rémunéré ou non » 188. Cette assimilation au dirigeant de droit à pour but de « faire supporter au dirigeant de fait les contraintes d’un statut légal qu’il a voulu éluder »189. La jurisprudence française reste partagée quant à l’assimilation ou pas du dirigeant de fait au dirigeant de droit. Alors que le Conseil d’Etat français et la chambre criminelle de la Cour de Cassation française admettent cette assimilation, respectivement, en matière de régime de rémunération des dirigeants190 et en matière de délits de fraude fiscale et assimilés191 ; la chambre commerciale de la haute Cour s’est, en revanche, montrée plus réticente à toute assimilation lorsqu’une telle situation n’est pas expressément prévue par un texte192. C’est ainsi qu’elle a considéré que la responsabilité prévue par l’article L. 223-22 du code de commerce concernant la responsabilité civile du gérant ne saurait s’appliquer au dirigeant de fait faute pour le législateur d’avoir prévu cette situation193. Cette position va à contre sens, car le dirigeant de fait est avant tout un dirigeant « identifié grâce à l’exercice d’une véritable activité entrepreneuriale », ce constat doit amener à une égalité de traitement194. Toutefois, la direction de fait est d’une nature irrégulière, puisque elle se base sur un exercice de la direction de la personne morale au mépris des textes ; les conséquences attachées à cet état de fait s’analysent comme des sanctions de cette situation irrégulière195. En définitif, le dirigeant de fait supporte les effets négatifs du statut de dirigeant de droit mais ne bénéficie pas de l’aspect positif de celui-ci. En effet, ce dispositif contribue au « bon fonctionnement de l’ordre juridique »196, il « doit

188 Art. 224 al. 1er C. com. 189

Nathalie DEDESSUS-LE-MOUSTIER, op. cit., n° 25. 190 Art. 62 du C.G.I.

191

Art. 1741 et s. du C.G.I.

192 Nathalie DEDESSUS-LE-MOUSTIER, op. cit., n° 29. 193

Gérard LEGRAND, op. cit., p. 48, n° 9.

194 Nathalie DEDESSUS-LE-MOUSTIER, op. cit., n° 30. 195

Ibid.

196 L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, L.G.D.J., 1990, p. 92, n° 77. Cité par Nathalie DEDESSUS-LE-MOUSTIER, op. cit., n° 31.

permettre de limiter le développement de situations de fait, dont l’intérêt est ainsi fortement remis en cause »197.

2 Responsabilité par assimilation de la direction de fait à un

fait délictuel

L’absence de dispositions assimilant le dirigeant de fait au dirigeant de droit ne signifie pas que son immixtion dans la gestion de la société restera impunie198. En effet, une application des règles de droit commun de la responsabilité civile pour sanctionner le comportement du véritable maître de l’affaire plutôt que les dispositions spécifiques du droit des sociétés peut être envisagée199. C’est la solution adoptée par une partie de la jurisprudence française lorsque le législateur n’a pas expressément prévu que la règle énoncée est aussi applicable au dirigeant de fait au côté du dirigeant de droit200.

La chambre commerciale de la Cour de cassation française refuse, à l’inverse de la chambre criminelle et du Conseil d’Etat, l’application de l’article 52 de la loi du 24 juillet 1966201 qui instaure une responsabilité du gérant « envers la société ou envers les tiers, soit des dispositions législatives ou règlementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion »202 car il ne vise pas expressément les dirigeants de fait. La haute Cour applique ici une interprétation littérale du texte, malgré de vives critiques doctrinales203.

Mais est ce à dire que le dirigeant de fait n’est pas susceptible d’être inquiété sur le terrain de la responsabilité fiscale ? Contrairement aux règles du droit commun, il faut remarquer ici que « le droit fiscal est le droit qui a assimilé le dirigeant de droit et

197 Ibid.

198 Gérard LEGRAND, op. cit., p. 48, n° 104. 199 Gérard LEGRAND, op. cit., p. 48, n° 105.

200 Nathalie DEDESSUS-LE-MOUSTIER, op. cit., n° 33.

201 Loi n° 66-537 du 26 juil. 1966 sur les sociétés commerciales, J.O.R.F. du 26 juil. 1966, p. 6402 ; abrogée par l’ord. n° 2000-912 du 18 sept. 2000 relative à la partie législative du code de commerce, J.O.R.F. n° 219 du 21 sept. 2000, p. 14783, à l’exception des arts. 283-1-1, 284 et 292 et du second alinéa de l’art. 357-8-1.

202

L’article 244 de la loi du 24 juillet 1966 reprend la même formulation concernant les administrateurs de sociétés anonymes.

le dirigeant de fait » et où l’on rencontre l’un des effets pervers du « réalisme » de celui-ci204. Néanmoins, cette affirmation se heurte au caractère présumée de la responsabilité fiscale tel qu’il semble admis par l’article 155 C.P.F. Les poursuites sont liées à la qualité de dirigeant et le dirigeant de droit ne peut s’exonérer de sa responsabilité fiscale au motif de l’existence d’un dirigeant de fait. Toutefois, le législateur admet la responsabilité du gérant majoritaire ou minoritaire au sens de l’article 32 du C.I.D. qui renvoi en réalité à l’associé majoritaire ce qui constitue un critère déterminant de la direction de fait.

CHAPITRE 2 : CONDITIONS OBJECTIVES DE MISE EN JEU DE

LA RESPONSABILITE FISCALE SUR LA BASE DE

LART.155C.P.F.

Il ressort de l’analyse des dispositions de l’article 155 C.P.F. qu’en plus de l’exigence de la qualité de dirigeant, le législateur prévoit des conditions objectives liées aux comportements visés (Section 1) et à la dette de la société (Section 2), ces conditions sont nécessaire pour l’engagement de la responsabilité fiscale des mandataires sociaux.