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La notion de « matière sommaire »

Les matières sommaires sont définis par le dictionnaire comme étant l’ensemble des « affaires qui doivent être jugées promptement »464 c'est-à-dire rapidement465 et avec peu de formalités. « Sommaire » provient du latin « summarium » et qui signifie « abrégé »466. Au sens juridique, on oppose, généralement, la procédure sommaire à la procédure ordinaire. De même, elle est confondue quelques fois467, mais n’en reste pas moins différente, des procédures simplifiées qui est une expression plus générale et qui englobe au côté de la procédure sommaire d’autres procédures, notamment les procédures de référé, les ordonnances sur requête468 et l’injonction de payer469, etc. On peut, dès lors, dire que la procédure sommaire est une procédure simplifiée, mais le contraire n’est pas vrai.

En droit français, il était statué dans les affaires introduites naguère devant le tribunal civil d’arrondissement et par la suite devant le tribunal de grande instance, en fonction de la nature de celles-ci. On distinguait entre la procédure ordinaire, la procédure sommaire et l’instruction par écrit ; la première étant considérée comme de droit commun, les deux dernières comme exceptionnelles470. Il été prévu à cet effet une liste d’affaires réputées comme étant des matières sommaires, et en règle générale était considérées comme telles, toutes les affaires qui requéraient célérité et celles que le législateur, par un texte formel, a déclaré devoir être réputées matières sommaires471. La

464 V. le mot « sommaire », Petit Robert 1, op. cit., p. 1831. 465 V. le mot « prompt », Petit Robert 1, op. cit., p. 1545.

466 V. le mot « sommaire », Dictionnaire petit Larousse, 1980, p. 861. 467 Eric DEREUZE, préc.

468

Art. 299 et s. du C. pr. civ. adm. 469 Art. 306 et s. du C. pr. civ. adm.

470 V. « Tribunal civil d’arrondissement », Petit dictionnaire de droit, Dalloz, Paris, 1909, p. 930. 471 Ibid.

même procédure existait en droit libanais et égyptien, au niveau des tribunaux de première instance472. Les matières sommaires sont jugées à l’audience, après les délais de l’assignation échus, sur simple acte, sans autres formalités. Elles sont dispensées du tour de rôle. Les parties au procès ne sont pas autorisées à s’échanger des requêtes en défense et en réponse, à la différence de la procédure ordinaire. Le jugement intervient aussitôt portées à l’audience et fixée par l’assignation ou à celle où les parties se présentent pour plaider473. Par rapport à la procédure ordinaire, qui est une procédure de droit commun, la procédure sommaire est plus simple, plus courte et plus rapide. C’est une procédure prévue par la loi permettant ainsi la sauvegarde des droits de la défense474. Trois critères peuvent être dégagés pouvant inspirer le recours à cette procédure : la modicité de la demande, sans être nécessairement simple, la simplicité du litige même si le montant de la demande est élevé et enfin le souci de célérité475. On peut dès lors constater qu’une procédure est sommaire lorsque :

- la juridiction est composée d’un juge unique ou que celui-ci délibère seul ;

- la saisine du juge n’est pas sous forme écrite ; - la présence du défendeur n’est pas requise ; - le ministère d’Avocat n’est pas requis ;

- les partie ne sont pas tenues de produire des demandes écrites ; - la procédure est accélérée ;

- l’appel n’est pas susceptible contre le jugement ; - le jugement est exécutoire immédiatement476.

472 8+ أ ص ،f ا E ا ، . 94 .

473 Petit dictionnaire de droit, préc. 474

Pierre COUVRAT, Les procédures sommaires en matière pénale, R.I.D.C., vol. 46, n° 2, Avril-Juin 1994, p. 696.

475

Pierre COUVRAT, op. cit., p. 695 ; Pierre CATALA et François TERRE, Procédure civile et voies

d’exécution, P.U.F., 1ère éd., 1965, p. 242. 476 Eric DEREUZE, op. cit., p. 4.

L’existence de la procédure sommaire en France était essentiellement due à l’encombrement des tribunaux et des Cours, ainsi que par une lenteur générale du fonctionnement de la justice477. Mais suite aux réformes qu’a subi la procédure ordinaire permettant ainsi de l’alléger, la procédure sommaire s’est presque évanouie et s’est rapprochée de la première478. Elle a été remplacée, en France, par la procédure à jour fixe479. Cette procédure fait bénéficier le plaideur d’une dispense du tour de rôle, elle permet d’éviter le temps que demande la constitution d’Avocat par le défendeur, sa signification, sa distribution à une chambre, et le plus important encore, elle permet l’obtention d’un jugement au fond en cas d’urgence480. La demande est introduite, sous conditions, auprès du président du tribunal de grande instance pour obtenir l’autorisation d’assigner le défendeur à jour fixe en cas d’urgence481. L’autorisation prend la forme d’une ordonnance « au pied de la requête » fixant le jour et l’heure de l’audience et la chambre qui se chargera de la tenir482. Au jour de l’audience, l’affaire est plaidée immédiatement, en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur, mais sans pour autant intenter au droit de ce dernier de disposer d’un temps suffisant pour préparer sa défense483. De telle sorte que les demandes de renvoi ne peuvent être acceptées lorsque leur caractère dilatoire a pu être détecté484. La procédure à jour fixe permet en droit français de mettre en œuvre la responsabilité fiscale du dirigeant social ; elle est expressément visée pas l’article L. 267 du L.P.F.F.

477 Pierre COUVRAT, préc. 478

Pierre CATALA et François TERRE, préc.

479 V. « procédure sommaire », in Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, op. cit., p. 461. 480

Jean VINCENT et Serge GUINCHARD, op. cit., p. 731, n° 893.

481 Nicolas CAYROL, Procédure devant le tribunal de grande instance, Rép. pr. civ. Dalloz, juin 2010, p. 10, n° 57.

482

Nicolas CAYROL, op. cit., n° 59.

483 Jean VINCENT et Serge GUINCHARD, op. cit., p. 34, n° 897. 484 M.-C. BERGERES et P. DUPRAT, p. 189.

Il en allait de même en Algérie en période coloniale485. Mais à la différence que les affaires portées devant les tribunaux civils d’arrondissement486 étaient toutes réputées sommaire à la différence de la France métropolitaine487. Après l’indépendance et la réforme judiciaire de 1965488 le but premier et essentiel était l’institution d’une procédure simplifiée, ainsi que l’élimination des lenteurs de la justice489. Cette simplification s’est caractérisée, notamment, par l’instauration au niveau des tribunaux du système du juge unique qui répond aux impératifs de célérité ; des formalités introductives de l’instance réduites à leur simple expression490 ; la suppression du ministère de l’avoué et de l’huissier, dont l’intervention a été considéré comme compliquant encore plus la procédure et dont les attributions sont exercées après la réforme, soit par la partie même, soit par l’Avocat ou le greffier ; en plus d’une simplification des modalités d’introduction de l’instance et du déroulement de la procédure491. C’est ainsi que le déroulement de la procédure en matière civile se fera d’une manière sommaire comme pour les affaires commerciales492, ce qui poussera

485

En cette période c’est le code de procédure civile français de 1806 qui était applicable à l’Algérie, rendu exécutoire par l’ordonnance du 16 Avril 1843, néanmoins celle-ci y a introduit des modifications importantes touchant à la compétence et à la procédure. V. René PASSERON, Cours de droit algérien, imprimerie officielle, Alger, 1947, p. 231.

486 En matière non musulmane, sa compétence est différente de celle du tribunal de la France métropolitaine, il statuait sur les affaires diminuées de toutes celles confiées au juge de paix à compétence étendue. V. René PASSERON, op. cit. p. 229.

487

René PASSERON, préc.

488 Notamment avec la promulgation de l’ordonnance n° 65-278 du 16 nov. 1965 portant organisation

judiciaire, J.O.R.A. n° 96 du 23 nov. 1965, p. 983 et de ses décrets d’application : n° 65-279 du 17 nov.

1965 relatif à l’application de l’ordonnance 65-278 du 16 nov. 1965 portant organisation judiciaire, J.O.R.A. n° 96 du 13 nov. 1965, p. 984 ; n° 65-280 du 17 nov. 1965 portant fixation du siège et du ressort

des tribunaux, J.O.R.A. n° 96 du 17 nov. 1965, p. 984 et n° 65-281 du 17 nov. 1965 portant classement des cours et tribunaux, J.O.R.A. n° 96 du 17 nov. 1965, p. 989.

489 Ali SALAHEDDINE, De quelques aspects du nouveau droit judiciaire algérien, Rev. alg., vol. VI, n° 2 juin 1969, p. 441.

490

Une requête écrite et signée par le demandeur ou par son mandataire, ou même une simple comparution devant le greffier qui dresse procès verbal des déclarations constitue l’acte introductif d’instance.

491 Ali SALAHEDDINE, op. cit., p. 441 et s.

certains auteurs jusqu’à se demander si l’on ne pouvait pas qualifier cette nouvelle procédure elle-même, au sens juridique du terme, de « sommaire »493.

En réalité le législateur, en simplifiant la procédure ordinaire l’a, en fait, assimilé à la procédure « sommaire » qui de fait s’est éclipsée. D’ailleurs le code de procédure civile d’après la réforme, précise que la procédure devant les Cours et tribunaux est « réputée sommaire », c’est donc bien à une procédure « sommaire » que prétendait aboutir le code de procédure civile de 1966494. Cette précision est très importante pour les développements qui vont suivre. Mais contrairement au droit français, le législateur algérien a, quant à lui, laissé subsister le renvoi à cette procédure, dite sommaire, au sein de l’article 155 C.P.F., sans pour autant en avoir substitué une autre après la réforme judiciaire de 1965 au sein de l’ancien code de procédure civile et jusqu’à aujourd’hui avec le nouveau code de procédure civile et administrative. Est-ce à dire qu’il s’agit là d’une procédure encore plus sommaire et particulièrement accélérée ? Et au fond pourquoi le serait-elle ? Le code de procédure civile et administrative contient des procédures spéciales, sont elles pour autant applicables ?