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Les éléments constitutifs de l’infraction

Des différentes définitions de la fraude fiscale, quelle soit légale ou doctrinale, il apparaît que cette infraction, comme d’ailleurs celles de droit commun, suppose la réunion de deux éléments : l’élément matériel (1) et l’élément moral (2).

1 L’élément matériel

L’élément matériel de l’infraction de fraude fiscale est constitué par l’existence de deux faits : le recours à des manœuvres frauduleuses (1.1), la soustraction à l’assiette, à la liquidation ou au recouvrement346 de l’impôt (1.2).

1.1 Le recours à des manœuvres frauduleuses :

La notion de manœuvres frauduleuses a déjà fait l’objet d’une étude détaillée au chapitre traitant des conditions de mise en jeux de la responsabilité fiscale des dirigeants sur la base de l’article 155 C.P.F (v. infra). Néanmoins, il est important de préciser ici le principe selon lequel le défaut de paiement du montant de l’impôt dûment établi et mis en recouvrement n’est pas à lui seul constitutif d’infraction347. En revanche, la Cour suprême a vu dans le fait de continuer de ne pas payer les impôts dus, comme étant constitutif de manœuvres frauduleuses. En effet, la Haute Cour, dans un arrêt du 31/12/2008, considère que « s’abstenir continuellement de payer les redevances fiscales constitue un moyen parmi d’autres de manœuvres frauduleuses »348. Ce qui dénote à notre avis un certain zèle de la part de la Cour suprême, vu la facilité avec laquelle l’omission répétée du paiement est considérée comme une manœuvre frauduleuse, alors que nous avons vu que cette dernière n’est caractérisée que quand le contribuable a

345 Bouziane BOUNADOUR, La fraude fiscale à la lumière du droit et de la jurisprudence en Algérie, Revue de la Cour suprême, n° spécial (journées d’études du 13 et 14 nov. 2007 sur la fraude fiscale et la contrebande), département de la documentation, 2009, p. 25. ن 7 + ق H >7g &# ا '( ا > $ ا ف = "

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346 En référence à l’art. 407 du C.I.D. 347

Mireille DELMAS-MARTY, Droit pénal des affaires, t. 2, P.U.F., 3ème éd., 1990, p. 128.

348 C.S., Ch. dél. con., 31/12/2008, affaire n° 430229, préc. # ا ت N ا `+Q Q = ع X Jا &@ را Jا " ا تارو X ا O* و + و O_

utilisé des artifices afin de se soustraire à l’établissement et au paiement de l’impôt. Par contre, le Conseil d’Etat est plus exigeant, il n’a pas considéré que la contradiction entre les déclarations mensuelles G.50 et les déclarations annuelles comme étant constitutive de manœuvres frauduleuses349.

A noter que la législation française, suite à la refonte du code général des impôts350, a abandonné l’exigence de manœuvres frauduleuses, car celle-ci s’est révélée comme un frein à la répression ; il suffit désormais, que le contribuable, avec ou sans manœuvres, se soit dérobé frauduleusement351. L’article 1741 du C.G.I. sanctionne actuellement « quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total des impôts visés dans la présente codification […] » par l’omission volontaire de faire sa déclaration ou la dissimulation volontaire des sommes sujettes à l’impôt ou l’organisation de son insolvabilité ou par tout autre moyen frauduleux.

Par contre, le juge répressif algérien devra chercher et démontrer l’existence de manœuvres frauduleuses352. Encore faut-t-il que soi établi le fait que le contribuable s’est soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt.

1.2 La soustraction à l’établissement ou au paiement

de l’impôt

La soustraction à l’établissement ou au paiement de l’impôt, partiellement ou totalement, constitue vraisemblablement l’élément qui consomme la fraude fiscale. Etant précisé que la tentative qui résultera du seul emploi de manœuvres frauduleuses est également incriminée353.

349 Arrêt n° 33858, 2006, cité par : Kamel FENNICHE, La fraude et l’évasion fiscales, Revue de la Cour suprême, n° spécial (journées d’études du 13 et 14 nov. 2007 sur la fraude fiscale et la contrebande), département de la documentation, 2009, p. 51.

350

Loi du 17 août 1948, Art. 5 ; J.C.P., 1948, III, 13482. 351 Druon DELOT, op. cit., p. 106.

352 C.S., 15 janvier 2005, n° 268593. Cité par Bouziane BOUNADOUR, op. cit., p. 42. 353 Mireille DELMAS-MARTY, op. cit., p. 132.

Le terme soustraction évoque, en lui-même, l’idée de fraude. En effet, le verbe « soustraire » désigne le fait « d’enlever quelque chose à quelqu’un le plus souvent par la ruse, la fraude. »354. En ce sens que ce qui constitue réellement le fait délictuel, n’est pas tant le fait de ne pas payer l’impôt effectivement dû, mais de s’y soustraire par des procédés frauduleux355. D’ailleurs, la Cour française de cassation rappelle à l’occasion que « la mission du juge répressif ne consiste pas à rétablir les valeurs qui permettent de fixer l’assiette respective des divers impôts ou taxes qui ont pu être éludés, mais seulement à rechercher si le prévenu a dissimulé volontairement les sommes qui étaient soumises »356.

Ceci étant dit, le législateur prévoyait une « tolérance légale » en matière d’impôts directs, d’enregistrement et de timbre, respectivement aux articles 532-2 C.I.I., 119 1er al. 2 et 34 1er al. 2, alors que celle-ci a été supprimée par la loi de finances pour 2003 de l’article 303 du C.I.D., et par voie de conséquence, de l’article 532 C.I.I. qui renvoi à l’application de cet article. Cette tolérance consiste, en cas de dissimulation, à l’application des dispositions réprimant la fraude fiscale, « que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 1.000 DA ».

2 L’élément intentionnel

Même si les textes de l’incrimination de la fraude fiscale ne mentionnent pas de manière précise le caractère intentionnel, celui-ci est intrinsèque à la notion de délit. Comme toute infraction pénale donc, la fraude fiscale est une infraction intentionnelle357. Selon la jurisprudence française, ce caractère est déduit, le plus souvent par les juges, de la seule constatation de l’élément matériel de l’infraction358, considérant par exemple que « l’élément intentionnel résulte nécessairement de la tenue d’une comptabilité occulte »359 , ou « le fait pour le contribuable de persister à ne faire

354 V. « soustraire », Petit Robert 1, société du nouveau littré, 1978, p. 1848. 355 Mireille DELMAS-MARTY, op. cit., p. 133.

356 Crim., 10 fév. 1976. 357 ص ،f ا E ا ، "# أ . 22 . 358

Mireille DELMAS-MARTY, op. cit., p. 134.

359 Crim., 12 mars 1979, Bull. crim., n° 2 ; 28 avr. 1980, ibid., p. 294, n° 122 ; 28 jan. 1985, pourvoi n° 83.94.476.

aucune déclaration malgré plusieurs mises en demeure »360. Ceci étant, l’élément intentionnel ne doit pas être confondu ici avec la notion de manœuvres frauduleuses.