• Aucun résultat trouvé

Du descriptivisme à l’argumentativisme

1) La position descriptiviste :

Cette position, avatar du parallélisme logico- grammatical, tire son origine du calcul des prédicats du premier ordre où l’on doit distinguer deux constantes ; constantes d’objets et constantes de prédicats.1

Pour obtenir une proposition, il faudrait appliquer une constante de prédicat à une constante d’objet. Si l’on transpose ce découpage logique dans la langue, on obtient des propositions grammaticales assertives du type : Le train est parti où train est objet et est parti prédicat.

Dans cette optique, la proposition grammaticale est analogue à la

proposition logique puisqu’on peut y distinguer un terme référentiel (train) et un prédicat (est parti) qui lui est appliqué :

Proposition logique : Partir (Train) → proposition grammaticale : Le train

est parti.

La référence de la proposition grammaticale indique sa valeur de vérité puisqu’elle renvoie à l’objet ou à l’ensemble des objets qui rendent cette proposition vraie. Quant à la prédication, elle exprime le mode de

présentation (l’assertion). Il s’ensuit que la proposition grammaticale aura, comme la proposition logique, une valeur de vérité. Si la langue, à la différence de la logique, connaît d’autres modes de présentation que

l’assertion (interrogation,exclamation, injonction….etc), il faudrait, pour le descriptiviste, recourir à des lois de discours pour convertir tout autre mode de présentation à l’assertion afin de pouvoir déterminer sa valeur de vérité.

1

Ceci dit, tout énoncé assertif est susceptible d’évaluation en termes de valeurs de vérité, ce qui implique que toute signification se réduit à un sens littéral, puisqu’elle est composée de constantes. Les descriptivistes fondent leur thèse de sens littéral sur la possibilité de ramener tout raisonnement sur le sens à un raisonnement sur la forme. En d’autres termes, ils estiment que la déduction sémantique en langue naturelle pourrait se ramener à la

déduction logique. Pour un descriptiviste, un exemple comme : Tous les hommes sont mortels

Socrate est homme

Donc, Socrate est mortel est un syllogisme qui se ramène à la proposition

logique :

(Ax)[(Hx) M(x)] (Majeure) H (Socrate) (Mineure) M (Socrate) (Conclusion)

(Tout H est M. Si, et seulement si, Socrate est H, donc, Socrate est M).

La proposition logique marquant les rapports entre les prédicats : hommes,

mortels, Socrate se représente en logique formelle par le schéma suivant : (voir

page 90).

On voit bien dans le schéma que la relation entre M, H et Socrate est une relation logique d’inclusion où Socrate est inclus dans la classe des Hommes qui, elle-même, est incluse dans celle des Mortels.

Partant du constat que la langue est susceptible de construire des syllogismes, à l’instar de la logique formelle, les descriptivistes défendent la notion de sens littéral qui désigne un objet du monde et qui devrait ainsi être considéré comme une constante de prédicat. Car porter le raisonnement sur la forme, cela suppose qu’elle représente un sens littéral invariant.

Tout énoncé assertif serait donc vériconditionnel, puisque sa description consisterait à l’évaluer en termes de valeurs de vérité, c'est-à-dire à déterminer si, oui ou non, il correspond à la réalité, s’il est vrai ou faux.

Ill n’est ainsi pas difficile de constater dans cette tendance une pétition de principe. En effet, pour prouver la notion de sens littéral, les descriptivistes évoquent le pouvoir de la langue d’entrer dans des syllogismes, or pour admettre que la langue puisse entrer dans des syllogismes, il faudrait préalablement

admettre la notion de sens littéral qui, seule, puisse autoriser cette possibilité. De plus, il n’est pas évident que l’exemple précédent présente un véritable syllogisme. Car on ne peut pas soutenir que le mot hommes dans Tous les

Les Mortels

Les Hommes

hommes sont mortels et celui de homme dans Socrate est homme aient le même

sens. Les descriptivistes interprètent la relation entre Socrate et homme, dans

Socrate est homme, comme une relation logique d’inclusion, ce qui n’est pas

évident. Dire Socrate est homme ne renvoie pas forcément à une notion générique ou à l’intégration de Socrate dans une classe générique : celle des hommes. Ce segment sert plutôt à lui attribuer un trait sémantique, à savoir être qualifié d’homme. Autant dire que l’énoncé Tous les hommes sont mortels (la Majeure) définit le sens du mot Homme en le présentant comme mortel. Il faudrait aussi signaler que l’inférence en langue naturelle est différente de l’inférence logique.

Selon Ducrot1, l’inférence en langue est contrainte par le découpage dans le discours entre thème et propos. Pour éclairer cette contrainte qui ne touche pas l’inférence logique, examinons l’exemple suivant :

Tous les candidats sont mariés

Max est un candidat d’une intelligence en dessous de la moyenne Donc, Max est marié

Bien que cet exemple soit logiquement valide, il présente un syllogisme linguistiquement ridicule.

La bizarrerie de ce syllogisme tient à ce que l’inférence en langue se fait, non pas sur le thème à l’intérieur duquel elle est conduite et qui est désigné par la majeure, à savoir : être candidat marié, mais sur ce qui est dit à propos de ce thème et qui est désigné par la mineure, à savoir : être candidat d’une

intelligence en dessous de la moyenne.

Pour faire une inférence linguistiquement acceptable, il faut qu’elle soit faite sur le propos une intelligence en dessous de la moyenne, et non pas sur le thème : le caractère marié.

1

O.Ducrot, « L’imparfait en français », Linguistische Berichte, n° 60, 1979, p.1-23. Voir aussi

J. C. Anscombre, « Les syllogismes en langue naturelle : déduction logique ou inférence discursive ? », Cahiers

Il faudrait aussi signaler que l’inférence logique nécessite que la langue dans laquelle elle est exprimée ait un sens littéral fixe pour aboutir à une conclusion pure de toute ambiguïté, chose que la langue naturelle ne peut pas posséder. Rien n’empêche, dans la langue, d’employer un énoncé du type :

Cette auto qui est très chère est relativement bon marché.

Un énoncé de telle sorte ne peut pas être logiquement accepté parce qu’il est contradictoire, selon les lois logiques, qu’un objet soit à la fois cher et bon marché.