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4. Cadre méthodologique

4.1 La recherche « Connaissances initiales des enfants à l’entrée à l’école »

4.1.1 Population

La partie empirique de la recherche de Saada s’est déroulée dans 10 écoles du canton de Genève, auprès de 112 enfants pris de manière individuelle. Comme il s’agit d’une recherche sur les connaissances initiales des enfants à leur entrée en première enfantine, cette recherche ne pouvait avoir lieu que durant le premier semestre de l’année scolaire. C’est pourquoi il a fallu deux ans au chercheur pour pouvoir recueillir toutes les informations nécessaires. Les enfants interrogés l’ont été de leur plein gré, et tous ont fréquenté une institution de la petite enfance avant leur entrée à l’école enfantine.

4.1.2 Les connaissances initiales

Comme dit déjà plusieurs fois, la recherche repose sur les connaissances initiales des élèves à leur entrée dans la scolarité. Lors de leur entrée à l’école, les élèves ne sont pas des « cires vierges », comme le prônent les empiristes. Les quatre années qu’ils ont vécues avant d’entrer à l’école ont été pleines d’expériences en tous genres, et ce sont ces expériences qu’ils apportent avec eux lorsqu’ils franchissent la porte de la classe pour la première fois. « A quatre ans, l’enfant dispose déjà d’une diversité et d’un éventail de connaissances naissantes, se structurant progressivement en champs ou en réseaux conceptuels » (Saada, 2006, p.14).

Chaque enfant est différent, et chaque enfant a vécu des expériences différentes pendant les quatre années précédant la scolarité. Faire état des connaissances des enfants de quatre ans peut apporter de nombreuses et d’importantes informations, ainsi que mettre en lumière certains schèmes ou invariants cognitifs. Comme le dit Saada (2006) dans l’introduction de sa recherche :

« […] le repérage des connaissances apporte une compréhension sur leur stabilité, au sens des régularités des conduites observées ou des invariants cognitifs, permettant de les différencier et de les identifier » (p.11). Grâce à cette différenciation et à cette identification, les activités proposées aux élèves peuvent alors être mieux adaptées et correspondre de façon plus précise à leurs capacités et à leurs connaissances, ainsi qu’à leurs représentations cognitives. Une telle recherche donne des indications sur la diversité des procédures de raisonnement utilisées par les élèves lorsqu’ils se retrouvent devant une situation-problème, sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, ainsi que sur les connaissances préalables qu’ils possèdent.

Les élèves ayant fréquenté des institutions de la petite enfance (crèches, jardins d’enfants, etc.), aussi parfois appelées institutions « pré-scolaires », ont déjà été familiarisés avec la notion de

« construction de connaissances ». En effet, dans ce genre d’institutions, « […] les rapports aux apprentissages sont envisagés comme une socialisation scolaire de la connaissance qui demande une médiatisation par l’outil du langage et par les systèmes symboliques propres à la culture scolaire qui est déjà amorcée […] » (Saada, 2006, p.12). Ces élèves-là ont donc déjà une expérience de la socialisation et de la culture scolaire. Le fait d’avoir fréquenté l’une ou l’autre de ces institutions prépare les élèves à ce qui les attend à l’école enfantine. Par exemple, ils ont déjà appris à utiliser le langage pour accompagner les interactions ou les actions sur les objets, ainsi

qu’à des fins de communication avec des adultes ou avec des pairs. Comme le dit le chercheur, le fait de fréquenter une crèche ou un jardin d’enfants tient un rôle non négligeable dans le rapport aux tâches scolaires et aux situations :

En effet, la fréquentation des institutions de la petite enfance joue certainement un rôle décisif, d’une part, dans l’élaboration du rapport aux tâches scolaires (au sens de l’activité proposée par l’adulte impliquant la lecture et la compréhension de consignes, la construction d’une réponse ou d’une solution au problème), et d’autre part, dans l’élaboration du rapport aux situations proposées (au sens de la préparation par l’adulte d’un contexte social significatif impliquant des interactions et des communications entre enfants et entre enfants et adulte pour résoudre un problème et valider “une solution”).

(Saada, 2006, p.12)

Au commencement de l’école enfantine, les élèves sont familiarisés avec l’entrée dans l’écrit grâce à une initiation progressive de la lecture et de l’écriture. Cependant, les enfants ont été exposés bien avant à la notion d’écriture, soit par les livres que les parents possèdent à la maison, soit par la télévision, ou encore dans la rue ou dans les journaux. Même s’ils ne savent pas encore lire, les enfants ont déjà eu un premier contact avec l’écriture. Cependant, ce premier contact ne leur permet pas de comprendre et d’intégrer les propriétés de la langue écrite. En effet, ces dernières sont bien plus compliquées à acquérir et cette acquisition n’est possible qu’à travers un apprentissage. Comme le souligne Saada (2006) dans l’introduction de sa recherche :

[…] entrer dans l’univers de l’écrit demande la découverte et l’appropriation des outils de la lecture et de l’écriture, ce qui exige des activités de plus en plus formelles autour des supports imagés et textuels (les albums, les livres imagés d’enfants et les bandes dessinées). (p.14)

En effet, l’apprentissage de la langue orale et celui de la langue écrite ne se situent pas au même niveau. L’enfant apprendra à parler dès l’âge de deux ans environ, sans être allé à l’école et sans avoir suivi un apprentissage particulier. En revanche, il n’en va pas de même pour l’apprentissage de l’écriture, qui lui, demande une certaine rigueur et pose des exigences d’enseignement et d’apprentissage particulières.

Si l’entrée des enfants dans le langage oral s’est faite naturellement, car renforcée par leurs expériences quotidiennes, sans s’interroger vraiment sur le lien entre les mots et les choses, il n’en va pas de même pour l’écrit. Rien ne leur permet d’accepter spontanément un lien d’identification entre un ensemble de signes abstraits (les signes de l’écrit) et des objets, des personnes, des actions qui leur sont familiers et qu’ils savent spontanément désigner oralement. (Houchot Igen, 2005, pp.5-6)

Comme première approche de la lecture et de l’écriture, les enfants sont généralement amenés à différencier les différents codes et formes graphiques qui se trouvent dans leur environnement direct, et ce avant leur entrée à l’école. Ces codes et formes graphiques sont les suivants : pictural, scriptural et numéral. Quand une histoire est lue à un enfant, ce dernier peut observer dans le livre la différence entre le texte et l’image. Cela lui permet également d’aborder la différenciation entre les lettres et les chiffres, qui sera bien entendu reprise par la suite lors de l’entrée à l’école. C’est donc avec l’aide de l’adulte que l’enfant va aborder cette différenciation.

Comme le souligne Saada dans sa recherche :

[…] le contexte social et les interactions sociales (les activités de lecture des parents, des frères et sœurs ou des éducatrices ou des éducateurs ainsi que la présence de l’écrit dans l’environnement social) contribuent effectivement à la formation des premières représentations cognitives de l’écrit alphabétique et numérique chez le jeune enfant.

(2006, p.15)

Comme nous l’avons expliqué dans la partie de cette recherche consacrée au cadrage théorique, l’apprentissage de l’écriture se sépare en plusieurs stades : le stade pictural, le stade logographique, le stade alphabétique et enfin, le stade orthographique.

C’est également entre deux et quatre ans que le processus d’acquisition du langage est en plein développement, et en lien étroit avec la pratique dans le contexte familial. « […] entre 2 et 4 ans le développement lexical est extrêmement rapide : l’enfant passe d’une centaine de mots à 2 ans à 1500 mots à 4 ans […] » (Saada, 2006, p.12).

Toujours selon Saada (2006), à quatre ans, les enfants tentent de repérer les régularités dans leur langue maternelle, et c’est sur ces régularités que viennent s’appuyer leur construction des relations entre les mots entre eux, les mots et les objets, ainsi que les différentes situations désignées par ces relations. Les élèves acquièrent donc tout naturellement le langage avant d’acquérir l’écriture. En ce qui concerne l’acquisition de cette dernière, il s’agit là d’un nouveau défi cognitif, pour lequel les enfants sont obligés de reconstruire l’oral pour qu’il puisse devenir écrit. L’écrit, bien entendu, demande des apprentissages scolaires car il ne s’apprend pas de la même façon que l’oral.

Les jeunes enfants s’exercent également beaucoup au langage oral lorsqu’ils jouent entre eux. En général, lorsque les enfants se lancent dans des jeux de rôles, ou jeux symboliques, ils s’appuient sur des situations qu’ils connaissent déjà, parce qu’observées, par exemple, à la maison. Il s’agit là de jeux d’imitations, dans lesquels cette imitation est toutefois différée, puisque les enfants reproduisent une situation vécue antérieurement. Par ce genre de jeux, les enfants acquièrent également une connaissance des pratiques et des rôles sociaux, ainsi que des pratiques verbales qui accompagnent habituellement ces situations. Ces dernières peuvent être diverses et variées, comme par exemple se rendre au marché pour faire ses commissions, lire son journal dans un fauteuil, ou encore converser au téléphone. Parfois, les enfants jouent même à faire « semblant d’écrire », et au travers de ce jeu, se voient déjà confrontés, sans s’en rendre compte, à la notion d’écriture qui fera partie intégrante de la vie de la classe et des apprentissages.

Hohmann, Weikart, Bourgon et Proulx (2007) font le point sur les expériences clés des enfants dans les premiers degrés de la scolarité. Ces expériences clés, qui sont au nombre de 58, se regroupent en différents domaines et incluent le jeu et les compétences qu’elles développent chez les jeunes enfants.

Le jeu est une activité légitime et nécessaire pour les jeunes enfants. Toutefois, pour les adultes qui craignent que le jeu n’empêche les enfants d’entreprendre leur « vrai travail » qui est d’apprendre, les expériences clés renvoient à plus de 50 types d’expériences d’apprentissage réalisables par le jeu. (p.280)

L’une de ces expériences clés, par exemple, est « imiter, faire semblant et faire des jeux de rôles », comme nous en discutions ci-dessus lorsque nous parlions des enfants faisant semblant de lire en imitant, par exemple, un père lisant son journal.

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