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2. Cadrage théorique

2.2 L’apprentissage de la lecture

2.2.2 La conscience et la segmentation phonologiques

Avant de commencer, rappelons ce que les spécialistes entendent par « conscience phonologique » ou « métaphonologie » : « On réunit sous ces termes synonymes l’ensemble des compétences mobilisées dans la manipulation intentionnelle des unités phonologiques de la langue : syllabe, structure attaque-rime, phonème (voyelle et consonne) » (Ouzoulias, 2009, p.

120).

Les enfants apprennent tout naturellement à parler avant d’apprendre à lire. Ils ont donc conscience de la forme sonore d’un certain nombre de mots et de la signification de ces mots.

« L’association de ces deux informations se fait sans effort et sans apprentissage explicite, ce qui n’est pas le cas de la lecture » (Ziegler & Montant, 2005, p.1). Pour pouvoir apprendre à lire, il faut alors mettre cette forme sonore et ce sens en lien direct avec la forme écrite. Pour ce faire, on s’aide de ce qui est appelé « conscience phonologique ».

La figure à la page suivante, utilisée dans une recherche de Ziegler (2006) et tirée d’une recherche de Ziegler et Goswami (2005), met en lumière le couplage graphie-phonie, qui est au

centre de l’apprentissage de la lecture. « Ce couplage se fait à différents niveaux psycholinguistiques : graphèmes-phonèmes, rimes, syllabes, mots entiers » (Ziegler, 2006, p.3).

Figure 3 : La « psycholinguistic grain size theory » de Ziegler et Goswami (2005)

Toujours selon ces chercheurs, l’automatisation et l’efficacité de ce couplage influencent la vitesse d’apprentissage de la lecture. « […] l’apprentissage de la lecture est un processus de convergence vers un couplage optimal entre graphie et phonie » (Ziegler, 2006, p.4).

D’après Descazaux (2009), la conscience phonologique est: « […] la connaissance consciente et explicite que les mots du langage sont formés d’unités plus petites, à savoir les syllabes et les phonèmes » (p.1). Un élève qui a une conscience phonologique développée est capable de reconnaître et de percevoir les différentes composantes phonologiques d’un mot et peut « jouer » avec ces composantes, les manipuler. En effet, comme le disent Martinet et Rieben (2010), la conscience phonologique se traduit par : « […] l’habileté à prendre conscience des différentes unités du langage oral (syllabes-rimes-phonèmes) et la capacité à les manipuler volontairement » (p.199). Il existe donc un lien étroit entre conscience phonologique et apprentissage de la lecture, ce qui a d’ailleurs été démontré par un grand nombre de chercheurs. Martinet et Rieben (2010) nous rapportent qu’il existerait plusieurs sortes de consciences phonologiques, à savoir la conscience syllabique, la conscience intra-syllabique et la conscience phonémique. La conscience syllabique peut s’évaluer par exemple en demandant à l’enfant de dénombrer les syllabes d’un

mot, ou encore de segmenter un mot en syllabes. La conscience intra-syllabique peut quant à elle être évaluée à l’aide d’exercices ciblant le découpage plus fin des mots, comme par exemple l’attaque ou la rime (voir ci-dessous). Enfin, la conscience phonémique porte sur la reconnaissance et la manipulation des phonèmes d’un mot.

Descazaux (2009) et Martinet et Rieben (2010) s’accordent sur le fait que la segmentation phonologique comprend plusieurs niveaux : la syllabe, l’attaque, la rime, le phonème, le graphème et les pseudo-mots. Ci-dessous, une classification de ces différents niveaux.

Figure 4 : Différents niveaux de segmentation phonologique

Selon Martinet et Rieben (2010), qui exposent le travail de plusieurs chercheurs, il existe deux grandes étapes dans la conscience phonologique : « […] une première étape, au cours de laquelle les enfants peuvent segmenter les mots en syllabes, et une seconde, au cours de laquelle ils deviennent capables de les découper en phonèmes » (p.200).

Martinet et Rieben nous rapportent également que, lors d’une étude datant de 2003, d’autres chercheurs (Anthony, Lonigan, Driscoll, Philipps et Burgess) découvrent une étape se situant entre les deux étapes ci-dessus, à savoir celle de l’attaque et de la rime.

L’unité sonore la plus facile à percevoir et à manipuler par le jeune enfant pré-lecteur serait […] la syllabe notamment parce qu’elle est généralement signalée au niveau acoustique par des vibrations d’intensité (Alegria & Morais, 1996) ainsi qu’au niveau moteur (ouverture et fermeture de la bouche). (Martinet & Rieben, 2010, p.200)

Les activités de conscience phonologique ne se situent pas toutes au même niveau ; certaines sont plus complexes que d’autres, car s’appuyant sur de plus petites unités de la langue par exemple. Il est donc normal que les consciences syllabique, intra-syllabique et phonémique des enfants ne se développent pas aux mêmes âges.

[…] Ziegler et Goswami, dans leur revue de questions de 2005, concluent qu’il existe un consensus qui postule, qu’au moins pour les langues européennes étudiées, il existerait une progression développementale dans le domaine de la phonologie qui irait de l’unité la plus large à l’unité la plus petite (i.e. syllabes -> unités intra-syllabiques -> phonèmes). La conscience syllabique apparaîtrait autour de 3-4 ans, la conscience des unités intra-syllabique vers 4-5 ans et la conscience phonémique apparaîtrait au moment où une sensibilisation à la lecture-écriture aurait commencé. Le développement de la conscience phonémique serait donc vraisemblablement en lien avec l’apprentissage des lettres […].

(Martinet & Rieben, 2010, p.200).

La conscience phonologique joue donc un rôle important dans l’apprentissage de la lecture. En effet, comme le soulève Alves Martins (1993), s’appuyant sur des recherches de Rieben et Perfetti (1990), Goswami et Bryant (1990), et Sawyer et Fox (1991) :

[…] étant donné que notre système d’écriture est alphabétique, il est nécessaire que les enfants puissent travailler de manière consciente au niveau de la structure phonologique de la parole. Des travaux récents ont montré que la conscience phonique et en particulier la conscience phonémique (l’habileté à manipuler les phonèmes ou à segmenter un mot en phonèmes) jouent un rôle déterminant dans l’apprentissage de la lecture. (p.74)

Figure 5 : Place de la conscience phonologique dans l’apprentissage de la lecture

Le schéma ci-dessus, tiré des travaux de Descazaux (2009), résume justement la place de la conscience phonologique dans l’apprentissage de la lecture. Selon la chercheuse, il existe quatre domaines qui sont indispensables dans cet apprentissage, à savoir l’identification des mots, la compréhension de textes, l’acculturation au monde de l’écrit et la production de texte. Les deux premiers domaines sont liés et permettent d’acquérir le fonctionnement de la lecture dans des activités regroupant les deux derniers domaines.

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