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La politique du Conseil régional en matière d’AIO : une lisibilité perfectible

2. LA POLITIQUE RÉGIONALE (CPRDFP) : REPRÉSENTATIONS, ORGANISATIONS ET INSTRUMENTS

2.1. La politique régionale 65 au prisme des représentations des acteurs

2.1.1. La politique du Conseil régional en matière d’AIO : une lisibilité perfectible

La lisibilité de la politique du Conseil régional demeure faible aux yeux des opérateurs picards de l’AIO puisque 64 % soit les deux tiers des répondants l’estiment insuffisante.

Ce sont les agents des Missions locales qui estiment posséder la meilleure lisibilité (43 %) suivis de près par ceux des MEF (42 %), tout en étant les

deux catégories d’acteurs à décliner le plus la réponse à cette question. C’est auprès des agents de Pôle emploi (66 % déclarent une faible ou absence de lisibilité) et des CIO (60 %) que les marges de progression sont les plus importantes pour la lisibilité de cette politique. La lisibilité de cette politique est meilleure pour les directeurs et

65 Nous entendons ici « régionale » dans le sens où elle s’inscrit de par la loi dans une politique concertée État/Région au sein du CPRDFP. Par convention, le terme Région renvoie à la collectivité territoriale et le terme région à l’espace géographique régional.

responsables de structures que pour les conseillers, c’est donc également vis-à-vis de ces derniers un effort de communication est à réaliser.

Le déficit de lisibilité de la politique de la collectivité auprès des opérateurs de terrain peut pour partie s’expliquer par les médiations successives qui sont opérées à plusieurs niveaux. Au sein de la collectivité régionale, ces médiations se jouent entre les différentes directions, sous-directions et agents territoriaux dans une organisation complexe. Au sein des structures elles-mêmes, les responsabilités exercées par les élus locaux et les directions/encadrement de ces structures opèrent un deuxième filtrage qui obère un peu plus la stratégie régionale aux yeux des « street level bureaucrats » (opérateurs de terrain en contact avec les bénéficiaires). Une série d’observations relevées dans les entretiens comme dans les réponses au questionnaire « structures »66 permettent d’objectiver ces médiations et leurs résultats sur les agents en termes de circulation de l’information sur les attentes, ressources et contraintes de la politique de la Région.

« - Avez-vous des contacts avec les délégués régionaux du Conseil régional ?

- Non. Ici il y a la direction et on a chacun un pôle. On a des relations avec les personnes en relation avec ce pôle. » (Entretien Mission locale)

« Tout le monde est soumis à ses [propres] objectifs, "la tête dans le guidon" et oubli de communiquer, de transmettre l’information. » (Entretien Mission locale)

Pour autant, la place de la Région n’est pas contestée dans le pilotage et la coordination de l’axe 2 du CPRDFP comme en témoignent nos interlocuteurs. Sa nature et sa visibilité varient néanmoins selon les structures et l’attache territoriale. Quand une structure Mission locale bénéficie de l’implication d’élus régionaux au sein de son instance dirigeante, voire a pu nouer des liens interpersonnels avec certains des services impliqués dans la mise en œuvre de la politique régionale, les attendus vis-à-vis de la collectivité sont du registre de l’animation, de l’impulsion d’une vision en matière d’orientation, « qu’on nous explique là où on nous attend, là où on va devoir fournir des efforts concertés » (Entretien Mission locale). Quand les liens sont plus distendus, la Région est vécue comme un financeur avant tout : financeur des structures et financeur des actions de formation, avec quelquefois une difficulté à percevoir des priorités autrement que politiques. Les CIO vivent l’implication de la Région comme un changement de main, le glissement d’une dynamique impulsée par le préfet autour des demandes de labellisation pour le SPO vers la Région pour le SPOR : « Le SPO au début c’était le préfet et puis après on a glissé vers le SPOR, après on a toujours eu sur la demande de labellisation à faire avec le Conseil régional […] J’ai eu l’impression que la Région

66 Les comptes-rendus de réunion ne représentent que 6 % des supports à la circulation des informations au sein des structures tous réseaux confondus.

récupérait tout travail [initié dans cadre de la demande de labellisation] pour mettre en œuvre la Charte. » (Entretien CIO)

Pour les uns comme pour les autres, si une dynamique est impulsée, pour que soit maintenue leur implication dans les sollicitations régionales, celle-ci a besoin d’être reconnue et valorisée : « On a participé à tout, et quand on voit dans "Agir en Picardie" que quand on parle des structures AIO et qu’on met 22 Missions locales, je ne sais combien de Pôle emploi, [et aucun CIO]. Ce n’est pas exceptionnel, on est toujours oublié. » (Entretien CIO)

D’autre part, cette reconnaissance et cette valorisation sont nécessaires pour l’interconnaissance des réseaux car en termes de communication, tous les réseaux ne seraient pas également dotés : « On est État. Mais on ne peut pas faire comme une Mission locale. On ne va pas faire de la communication […] La Mission locale elle a une lettre d’information. » (Entretien CIO)

Du point de vue des bénéficiaires, l’implication renforcée de la Région dans l’orientation suscite chez certains beaucoup d’espoir. Pour ce jeune décrocheur par exemple, la Région aurait des leviers essentiels en matière de lutte contre le décrochage en aidant plus les CIO, dont l’action est reconnue comme salvatrice.

Extrait de l’intervention sociologique auprès de jeunes décrocheurs :

- Jeune décrocheur : « Ça changerait parce qu’il y aurait moins de gens en décrochage scolaire. Ils seront à l’école et pas la rue en train de tenir les murs ! »

- Enquêteur : « Pourquoi si c’était le Conseil régional il y aurait moins de décrochage ? » - Jeune décrocheur : « Parce que le CIO s’occupe de beaucoup de gens. Si je n’étais pas venu voir le CIO, je serais au quartier en train de tenir les murs. On a de la chance d’être là. Quand on a le pouvoir on fait ce qu’on veut, il peut aider ».

Les jeunes rencontrés témoignent d’une certaine connaissance des attributions de la collectivité : Extrait de l’intervention sociologique auprès de jeunes décrocheurs :

- Enquêteur : « Ce que fait le Conseil régional vous le connaissez ? »

- Jeune décrocheur : « C’est marqué partout ! C’est eux qui fournissent. Et moi j’aimerais bien qu’ils aident les jeunes ».

- Enquêteur : « Qu’est-ce qu’il aide le Conseil régional ? »

- Jeune décrocheur : « Le transport, bourse scolaire, établissements tout court, atelier théâtre. »

Graphique n°38

Diriez-vous que toutes les structures AIO de votre région partagent les mêmes valeurs ?

(196 répondants)