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La construction du projet : plusieurs étapes et autant de freins

Partie 2 : L’analyse des services rendus aux bénéficiaires

4. L’ACCOMPAGNEMENT EN STRUCTURE AIO

4.4. La construction d’un projet professionnel

4.4.2. La construction du projet : plusieurs étapes et autant de freins

La moitié des répondants au questionnaire « bénéficiaires » déclarent avoir un projet professionnel au moment de l’enquête. Cependant, à travers les réponses, on comprend que la construction d’un

« projet professionnel » se fait par étapes.

Des freins à la construction du projet professionnel

Les réponses sont diverses :

Certains ont le souhait de trouver un travail, n’importe lequel, le projet n’est pas du tout construit, l’important est d’avoir une source de revenus (5 %) : « OUIIIIII AVOIR DU TRAVAIL... » (Entretien Demandeur d’emploi)

Le souhait de créer ou reprendre une entreprise est également évoqué, sans précision du type d’entreprise souhaitée. L’objectif pour ces demandeurs d’emploi est de générer leur propre emploi par le biais de la création d’entreprise. Le dispositif d’auto-entrepreneur est également cité, les facilités de création induites par ce dispositif le rendent très attractif (7 %) : « Création d’entreprise », « Auto-entrepreneur ». (Entretien Demandeur d’emploi)

Certains ont un projet plus abouti, ils connaissent généralement le secteur dans lesquels ils veulent travailler mais ont davantage un projet de formation et ne précisent pas de métier (14 %) : « BTS MUC en alternance », « Faire une formation en comptabilité ». (Entretien Demandeur d’emploi)

Finalement, seuls 25 % des répondants ont un projet professionnel précis : « Assistante administrative ». (Entretien Demandeur d’emploi)

Graphique n°57

État du projet professionnel au moment de l’enquête (2 400 répondants)

Au final, seul un quart des répondants ont un projet professionnel précis. Effectivement, il faut prendre en compte la variable temps. Les bénéficiaires interrogés par questionnaire étaient inscrits en structure d’AIO entre septembre 2012 et Août 2013 soit depuis un an au plus.

Graphique n°58

État du projet professionnel au moment de l’enquête selon la situation du projet avant l'inscription en structure d’AIO (1 545 répondants)

Le graphique ci-dessus montre que l’état du projet professionnel met du temps à évoluer. La majorité des répondants n’ayant pas de projet professionnel avant de s’inscrire en structure d’AIO n’en ont toujours pas au moment de l’enquête (60 %. À l’inverse, 40 % en ont construit un). Un tiers des

répondants qui avaient un projet professionnel imprécis avant de s’inscrire en structure d’AIO, l’ont développé et consolidé.

Construire un projet professionnel réaliste se fait par étapes qui durent plus ou moins longtemps. « Il faut déjà que son projet soit valide, qu’on s’assure qu’elle a vraiment envie de faire ça ! Donc on a donc toutes ces problématiques à travailler, tous les freins à lever : la première, c’est valider le projet, la deuxième c’est l’informer et en même temps la rendre mobile. Un parcours d’insertion, ici en moyenne c’est 28, 30 mois, au minimum. » (Entretien Mission locale)

Le deuil du métier perdu et l’identification d’un nouveau métier

Une première étape consiste à faire le « deuil du métier perdu ». Certaines personnes souhaiteraient retrouver leur emploi précédent, aux mêmes conditions. Cette situation n’est pas toujours réalisable, notamment en cas d’inaptitude physique ou de licenciement économique. Il faut laisser le temps à la personne de faire le deuil de la profession qu’elle ne peut plus exercer. Cette situation vaut aussi pour les jeunes diplômés, accepter de travailler dans une branche différente de celle pour laquelle on a été formée ou accepter un salaire inférieur à celui qu’on espérait est difficile à admettre. Dans un premier temps, le bénéficiaire accepte mal de parler de réorientation :

- « C’est pas facile à accepter quand vous faites le même métier depuis 30 ans et qu’on vous dit que vous pouvez plus travailler. J’ai 50 ans et il faut que je me réoriente ! » (Entretien Demandeur d’emploi)

- « Il y a des gens qui galèrent depuis 6 mois, un an avant d’avoir le déclic. Ils se sont rendus compte par eux-mêmes que de toutes façons dans leur secteur, ils ne trouveront pas et qui quand vous leur parlez de se réorienter professionnellement, ils vont dire "ok, pas de souci, du moment que ça me permet de trouver du boulot derrière, j’y vais". » (Entretien Pôle emploi) - « Parce que quand on fait des études, il ne faut pas oublier qu’on vous met en tête que par

rapport au diplôme que vous avez, vous pouvez attendre tel salaire. Sauf que dans la vraie vie, ça ne se passe pas comme ça. On ne vit pas dans le monde des Bisounours. » (Entretien Pôle emploi)

Dans un second temps, il faut que le bénéficiaire identifie un métier.

La question de la construction du projet professionnel était abordée lors de la passation du questionnaire. Certains résultats semblaient paradoxaux au regard de la mission des structures d’AIO :

- Près de la moitié des bénéficiaires ayant un projet professionnel ont déclaré l’avoir construit seul ce qui interroge fortement le recours aux structures d’AIO.

- En se rendant en structure d’AIO, 22 % des répondants attendaient une aide pour construire leur projet professionnel. Seul un tiers d’entre eux estime avoir réellement obtenu cette aide sur la construction de leur projet, mais 69 % déclarent avoir un projet professionnel finalisé.

Graphique n°59

Acteurs ou structures avec qui le bénéficiaire a construit son projet professionnel (1 226 répondants)

Ces réponses paradoxales trouvent une explication dans la phase qualitative de cette étude : les structures d’AIO cherchent à rendre le bénéficiaire acteur de son projet.

Pour les structures d’AIO, il ne s’agit pas de donner des réponses automatiques aux attentes ou une solution toute trouvée. À l’aide des rendez-vous avec le conseiller, des échanges autour du projet du bénéficiaire, l’objectif est de rendre le bénéficiaire acteur de son parcours. Il doit pouvoir utiliser les dispositifs et outils de la structure pour construire lui-même son projet professionnel. Le point le plus important semble être la motivation du bénéficiaire. Une personne non motivée n’acquiert pas les compétences nécessaires pour avoir un retour réflexif suite aux échanges avec le conseiller sur son projet.

- « C’est donc d’abord leur faire prendre conscience qu’ils sont acteurs de leur parcours. S’ils sont motivés, ils vont y arriver. S’ils ne le sont pas, il va y avoir un certain nombre d’étapes à franchir.

La première des missions est de leur faire prendre confiance. » (Entretien Mission locale) - « Parfois on leur finance le code ; ils ne vont jamais au Code. » (Entretien Mission locale)

- « Moi à la Mission locale, quand j’y suis allée, on avait comme des petits exercices. Ils me sortaient une offre d’emploi et je devais faire la lettre de motivation pour cet emploi. Je le faisais

à la maison. Je devais lui montrer après et il me disait "il y a telle chose ou telle chose à corriger". » (Entretien Demandeur d’emploi)

Les opérateurs de terrain accompagnent le bénéficiaire dans ces démarches et dans la construction d’un projet professionnel. Les entretiens réalisés avec les conseillers de l’AIO et avec les bénéficiaires montrent que si le conseiller remet directement en question le projet initial du bénéficiaire, même si celui-ci est jugé irréalisable, cette situation est mal vécue par le bénéficiaire et peut rendre l’accompagnement contre-productif :

« Pour mon projet à moi, on m’a dit carrément de changer de projet. Moi je recherche dans maintenance d’hygiène de locaux. J’ai fait 4 ans d’études là-dedans. J’ai eu mon BEP et mon CAP en maintenance d’hygiène de locaux. On m’a dit de changer de projet.

Retourner à l’école … Non, je ne veux pas ! […] Parce que je ne trouverai pas de travail dans ce domaine-là. C’est Cap emploi qui me le dit. » (Entretien Demandeur d’emploi)

« Après, je vais vous dire ma façon de faire. Une personne qui vient dans mon bureau, qui a un projet dans l’espace vert, on est sur un domaine plus que bouché, on n’a plus d’offre. […] Je leur montre que sur un an, le nombre d’offre d’emploi qu’on a sur ce domaine-là : 39 offres en espace vert. Après je vais leur montrer le nombre de personnes qui sont inscrites, sur la même période et qui recherchent dans ce domaine-là : en espace vert, j’ai 315 personnes qui recherchent un emploi en espace vert. Ça fait quand même un ratio peu élevé. Je l’amène à se rendre compte que sur notre secteur, on n’a pas d’offre.

Soit ça va être un élargissement du rayon kilométrique, ça ne va pas être forcément une remise en cause du projet. Est-ce que vous êtes mobiles, est-ce que vous avez des attaches ? Plus loin il y a du boulot dans cette branche là mais pas chez nous. On les amène à trouver une autre piste de travail si on n’a pas d’autres solutions de mobilité. » (Entretien Pôle emploi)

« On ne peut pas imposer, nous, ce qui compte, c’est l’adhésion de la personne, on ne peut rien faire si on n’a pas l’adhésion de la personne. On sait que quelqu’un qui va adhérer va forcément aller au bout de ce qu’il a entrepris. » (Entretien Pôle emploi)

Même constat lorsqu’il s’agit de formations ou de dispositif que le conseiller juge bénéfique pour la personne. Il doit se contenter d’expliquer au bénéficiaire que l’action ou la formation existent mais ne peut pas obliger la personne à entrer dans un dispositif au risque de braquer le bénéficiaire et de ne plus le rencontrer.

« Non, je dirais plutôt que le jeune est maître de son parcours. Si on le force, cela ne fonctionnera pas. On peut par moment dire à une jeune : Fais ça, tu verras, ça va être bien. Si le jeune ne l’a pas décidé… […] Si on le déçoit de but en blanc, le jeune ne reviendra pas. » (Entretien Mission locale)

L’objectif est d’accompagner le bénéficiaire pour identifier les freins à la réalisation du projet et si possible de lever ces freins. Il faut que le bénéficiaire se rende compte par lui-même de l’impossibilité ou des freins liés à la réalisation de son projet.

« Par exemple, une jeune qui veut être coiffeuse, travailler sur Paris, qui n’a pas de diplôme, qui n’a aucune expérience dans un salon de coiffure, qui n’a pas de permis de conduire, qui n’a pas de parent sur Paris, il va falloir qu’on lève tous ces freins là un à un, avant de l’amener à son projet. Mais avant, il faut déjà que son projet soit valide, qu’on s’assure qu’elle a vraiment envie de faire ça ! Donc on a donc toutes ces problématiques à travailler : la première, c’est valider le projet, la deuxième c’est l’informer et en même temps la rendre mobile. Un parcours d’insertion, ici en moyenne c’est 28, 30 mois, au minimum. » (Entretien Mission locale)

« On ne va pas quitter de vue que l’objectif est de lever les freins à la réalisation du projet. L’objectif est de qualifier la personne si il n’a pas de diplôme, l’amener à un CAP ou un BEP par exemple. [...] On a des prestations, dédiées à ça, qui vont vraiment travailler sur la problématique de la personne à un moment donné, ça peut être une problématique sociale - logement par exemple – ça peut être une problématique financière, une problématique de mobilité. Ce sont les freins sur lesquels on va vraiment travailler. » (Entretien Pôle emploi)

« On va le laisser faire un peu, lui laisser prendre conscience de toutes les embuches qu’il peut y avoir mais toujours être là derrière lui, lui dire "ok, tu as un projet mais il faut voir si c’est réalisable", il va se rendre compte des difficultés au fur et à mesure. » (Entretien Mission locale)