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Partie 2 : L’analyse des services rendus aux bénéficiaires

4. L’ACCOMPAGNEMENT EN STRUCTURE AIO

4.6. Une typologie de l’accompagnement aux bénéficiaires

4.6.3. Un accompagnement prescrit

Pôle 2) Un « accompagnement prescrit » privilégiant le suivi de parcours, dont les étapes sont cadrées, parfois dans le temps et définies préalablement par la structure. La réponse aux besoins du bénéficiaire se fait en termes de prestations, d’offre de service. Le bénéficiaire entre dans un parcours en fonction de caractéristiques précises. Il s’agit plutôt d’une logique d’action institutionnelle, on part des normes de la structure pour répondre aux besoins des individus.

Cet accompagnement se décline également de deux manières :

Une logique de traitement

Une logique de traitement de la demande engendrée par les normes et façon de faire de chaque structure qui définit, voir standardise, les pratiques de l’accompagnement. On parle de « Parcours ».

Les parcours intégrés par le bénéficiaire sont normés en termes de durée, d’étapes, de fréquence de rendez-vous et d’objectifs (ou paliers).

« Le suivi mensuel n’existe plus. Il y a trois façons de suivre les demandeurs d’emploi :

- le parcours renforcé, pour favoriser une recherche d’emploi, avec des rendez-vous 1 ou 2 fois par mois.

- le parcours guidé : on les voit obligatoirement à 4 et 9 mois et en fonction des éléments qu’ils nous donnent, on fixe des jalons intermédiaires à 6 mois par exemple à 1 an : on donne des axes de recherches de réflexion, des actes à faire avec la maison de l’emploi, notamment sur des ateliers. On leur demande de prendre contact, d’aller sur ces ateliers et au RDV suivant on leur demande ce qu’il en est.

- enfin le parcours en appui. On les voit au 4ème et 9ème mois, mais là c’est pour des personnes très autonomes. » (Entretien Pôle emploi)

Cette standardisation s’explique, notamment pour Pôle emploi, par un grand nombre de dossiers (Portefeuille de Demandeurs d’emploi) à traiter de manière équitable par tous les conseillers. La réponse se fait donc de façon cadrée et en mobilisant une offre de service particulière : « L’objectif est de qualifier la personne, si il n’a pas de diplôme l’amener à une formation CAP ou un BEP par exemple. [...] On a des prestations, dédiées à ça. » (Entretien Pôle emploi)

De nombreux bénéficiaires peuvent pourtant avoir des besoins spécifiques, voir atypique, le risque étant que la structure ne puisse pas les prendre en charge mais doive les renvoyer vers une structure spécialisée (exemple : Mission locale et Cap emploi dans le cadre de la co-traitance avec Pôle emploi).

Une logique de production

Une logique de production est le reflet de l’effet pervers impulsé par les dialogues de gestion État – Région. Pour certains conseillers, les objectifs que la structure doit atteindre sont trop prégnants et impactent leurs actions. L’accompagnement est alors l’occasion de « faire du chiffre ». Les dialogues de gestion sont jugés lourds à porter : « Un dialogue de gestion, c’est dur à vivre » (Entretien Mission locale). L’accompagnement est impacté par la pression que peuvent ressentir les conseillers. Certains s’appliquent donc à prescrire des dispositifs pour satisfaire leurs quotas : « D’autres on va les pousser le CIVIS même s’ils n’en ont pas envie. Mais c’est pour les chiffres. » (Entretien Mission locale). Cette prescription se fait au détriment des bénéficiaires, qui, s’ils ont les caractéristiques adéquates, peuvent se voir proposer une prestation, qu’ils soient réellement prêt ou pas : « On doit en faire beaucoup, on n’a pas toujours le public prêt. On a des phases de remobilisation. Mais on ne peut pas le faire. On est obligé de lui dégoter un contrat même si on sait qu’au fond du fond il n’est peut-être pas prêt » (Entretien Mission locale). Cette dernière logique d’accompagnement doit être prise en compte rapidement pour pallier les effets pervers que les dialogues de gestion peuvent avoir sur la qualité de l’accompagnement.

Tableau n°2

Classification des mots utilisés pour qualifier la notion d’accompagnement au cours des entretiens87

87 Ce tableau a été construit de façon intuitive en regroupant, selon le sens donné, des citations de conseillers évoquant l’accompagnement.

4.7. Synthèse et constats évaluatifs

L’accompagnement des bénéficiaires constitue le cœur de l’acte d’orientation. Trois types d’accompagnement ont été identifiés dans cette partie : un accompagnement de premier niveau d’information, un accompagnement global et un accompagnement prescrit. Dans les trois cas, l’objectif est identique : développer l’employabilité des bénéficiaires, faire en sorte que les exigences du métier ciblé (ce qu’il faut être) soient cohérentes avec les savoirs, savoir-faire et savoir-être du bénéficiaire (ce qu’il est).

Nos observations soulignent en premier lieu l’importance cruciale du premier accueil en structure d’AIO. Ce premier accueil est primordial. D’abord parce qu’il s’agit du premier contact avec la structure mais aussi parce qu’il conditionne la chaîne de l’intervention des structures d’AIO suivantes.

Un mauvais accueil initial est une cause connue et récurrente de non recours. Plus des trois-quarts des bénéficiaires affirment avoir été reçus par un conseiller lors de leur première visite dans une structure AIO. Pour autant ce premier rendez-vous ne produit pas nécessairement les résultats escomptés. Si certains bénéficiaires sont ravis de pouvoir faire un bilan de leur situation professionnelle et personnelle, il semble parfois y avoir un hiatus entre l’usage que fait le conseiller de ce premier accueil (prendre contact, établir un premier diagnostic et identifier les besoins) et les attentes des usagers, qui espèrent une réponse immédiate en termes d’emploi ou de formation. Notons que si une structure n’est pas en mesure de répondre aux bénéficiaires, elle doit être en capacité de le renvoyer rapidement vers la structure adéquate ce qui suppose la réunion de deux conditions : une formation adaptée des conseillers et une connaissance approfondie de l’offre d’orientation proposée par les autres réseaux.

La gestion des transferts de bénéficiaires entre structures est une pratique centrale. Elle est en fait au concret la clé de l’articulation entre réseaux d’AIO et, faute d’une intégration structurelle et fonctionnelle des structures d’AIO, la condition nécessaire à la mise en œuvre d’une stratégie adaptée d’orientation tout au long de la vie. Il ressort de nos observations que cette pratique est courante mais qu’elle connaît néanmoins au concret des ratés qui aboutissent à des formes de non recours de type non-réception. Si les agences de Pôle Emploi constituent un point pivot dans la mise en relation entre les usagers et les structures d’AIO (plus de la moitié des répondants88 ont commencé leur parcours par une agence Pôle emploi, y compris les bénéficiaires inscrits dans une autre structure que Pôle emploi) ; nous avons recueilli des avis faisant état de manière récurrente d’une absence de décloisonnement et de renvoi des bénéficiaires à leurs propres problèmes sans proposition de solution.

Ces renvois sont également fonction des relations entre réseaux et nous avons recueilli des

88 Rappelons ici la nature de la population des répondants avant tout demandeur d’emploi.

témoignages de tensions récurrentes ou des concurrences entre structures. A contrario, nombre de récits de salariés rendent compte d’une gestion de leur projet en relative autonomie, les structures d’AIO connaissant mal les dispositifs propres à ce statut. Si l’interconnaissance entre acteurs de l’AIO semble s’être développée, certaines attributions restent opaques et les structures ne se connaissent pas toujours entre elles. Il importe de préciser à ce propos qu’une interconnaissance globale des structures et de leur offre ne suffit pas. Pour assurer une pratique routinisée d’articulation de l’offre d’AIO entre réseaux, deux conditions sont nécessaires : une connaissance extensive de l’offre proposée par chacun de ces réseaux et une interconnaissance qui ne se limite pas aux responsables de structures mais qui concerne au premier chef les conseillers en relation avec les usagers.

Plusieurs conditions ont été identifiées pour un bon déroulement de l’accompagnement. Tout d’abord, charge à la structure et aux conseillers de créer les conditions de la mise en place d’une relation de confiance avec le bénéficiaire, notamment pour favoriser la fidélisation du public. Pour cela, plusieurs facteurs améliorant l’accompagnement ont été relevés :

- La stabilité des personnels et des référents individuels apparaît comme un élément de réussite important ;

- La connaissance des outils, services et structures adaptées aux bénéficiaires ;

- Le respect de la confidentialité de l’entretien également et les formes d’organisation de l’espace d’accueil en open space ou avec des cloisons influent sur la capacité à établir une relation de confiance ;

- L’implication du conseiller, sa marge d’autonomie et l’importance du climat de travail, du rôle du directeur sont des éléments à prendre en compte dans le bon déroulement de l’accompagnement ; - Enfin, l’importance de la compréhension entre conseiller et bénéficiaire est primordiale pour un

accompagnement de qualité.

Si la principale attente des bénéficiaires vis-à-vis des structures est « trouver un emploi », les structures ont des attentes particulières vis-à-vis des bénéficiaires. Les exigences comportementales de la part des usagers (être motivé, avoir réfléchi en amont à son projet) divergent en fonction des bénéficiaires (demandeurs d’emploi, jeunes décrocheurs ou salariés). On notera que ces exigences s’avèrent souvent délétères pour capter les plus vulnérables. C’est un point à souligner, concentrer l’accompagnement sur les usagers qui apparaissent les plus motivés ou qui se plient avec le plus de bonne grâce (ou de stratégie) aux exigences comportementales aboutit de facto à laisser de côté- ceux qui paradoxalement ont le plus besoin d’être accompagnés.

Notons finalement que chacune des structures enquêtées raisonne en termes de construction de projet professionnel. Tout l’enjeu est là. La question du réalisme du projet des bénéficiaires et de l’accompagnement au deuil d’un projet, manifestement irréaliste, est un enjeu clé.

Cependant, même si trouver un emploi est la première préoccupation des bénéficiaires, cela ne signifie pas que l’information sur les métiers qui recrutent va mécaniquement entraîner une adhésion. Pour autant, nous avons pu constater un souci répandu d’orienter les individus vers des métiers qui éprouvent des difficultés à recruter. Ceci étant, un discours simpliste du type des vases communicants à ce sujet est largement rejeté par les bénéficiaires que nous avons rencontrés et reste voué à l’échec. Il y a un travail d’accompagnement pour amener l’appropriation des opportunités et un point clé : faire accorder de la valeur à ces choix. Le pire étant une pratique de prescription insensible aux logiques de réappropriation par l’individu. Qui choisirait d’exercer un métier auquel il n’accorde aucune valeur ?

Graphique n°60

Amélioration de la réactivité du réseau aux demandes individuelles

Graphique n°61

Amélioration de l’individualisation du suivi