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2. LA POLITIQUE RÉGIONALE (CPRDFP) : REPRÉSENTATIONS, ORGANISATIONS ET INSTRUMENTS

2.3. Les instruments et les outils de l’AIO

2.3.2. Les CPOM / Dialogues de gestion

En amont des COM, les diagnostics territoriaux constituent un élément préparatoire. Ils apportent une connaissance affinée des territoires sur la base de laquelle une réponse en termes d’objectifs et de moyens est dessinée. Ils font l’objet d’une meilleure visibilité. Seuls 13 % des répondants toutes structures confondues en ignorent l’existence.

Graphique n°48

Utilisation des diagnostics territoriaux (283 répondants69)

Ils sont utilisés par les opérateurs d’AIO qui semblent exprimer une appropriation plus forte des diagnostics portés par leur structure (42 %). Ils sont plus fortement utilisés par les directeurs et les responsables de structures, ce qui tendrait à montrer un usage plus stratégique qu’informationnel.

Paradoxalement, au regard d’un recentrage de la production de diagnostics par le GIP Carmée sur une entrée plus sectorielle et sur la prospective des métiers, ce sont les agents Pôle emploi qui les utilisent le moins et les CIO le plus.

Concernant les COM, deux questions l’abordent : la connaissance de leur existence en général et le fait de savoir si leur structure en particulier est couverte par une convention.

Parmi les agents appartenant à une structure concernés par l’outil, ce sont les agents de Mission locale qui en connaissent le plus l’existence (40 %) alors que les agents les MEF sont 45 % des répondants à ne pas en connaître l’existence. Des deux côtés, environ ¼ des agents n’ont pas répondu à cette question. En croisant la connaissance des COM avec le type de fonction exercée, on constate que les responsables et directeurs de structures sont ceux qui en connaissent le mieux l’existence alors que les conseillers déclarent souvent en ignorer l’existence (82 % des conseillers de niveau 1).

Quant à savoir si leur structure est couverte par une convention, au sein des opérateurs concernés, 65 % des salariés des Mission locale et 55 % des salariés des MEF n’ont pas la réponse. Au sein des Missions locales, 9 % déclarent qu’ils ne sont pas couverts contre 26 % de réponses positives. Au sein des MEF, 5 % déclarent l’absence de couverture, 41 % sa présence.

Le croisement avec le type de fonction exercée au sein de la structure met encore une fois en relief le fait que ce sont les directeurs et responsables d’équipe qui sont le plus au fait de leur existence tandis que les conseillers n’en ont qu’une visibilité très faible. Ce sont d’ailleurs les directeurs et

69Les non répondants n’apparaissent pas dans le graphique

responsables qui déclarent le plus souvent que ces COM constituent un outil de référence dans leur pratique professionnelle. En filigrane de cette appropriation différenciée on peut renforcer l’hypothèse d’un filtrage hiérarchique des informations qui obère la visibilité des opérateurs de front office des outils appartenant à la politique régionale. Si les objectifs des COM peuvent être intégrés dans les outils de gestion interne, leur provenance n’est pas pour autant identifiée.

Comme le rappelle un document programmatique régional en 2012, la Région a revu son mode d’intervention auprès des MEF et des Missions locales. Ceci se traduit par l’adoption d’une Convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens 2012–2015. L'objectif est de créer « un réseau composé de tous les acteurs de l’accueil de l’information et de l’orientation pour favoriser une meilleure concertation, coordination et orientation en vue d’une amélioration de la formation pour un retour à l’emploi »70. Chaque convention intègre des indicateurs spécifiques consolidés à travers des dialogues de gestion dans lesquels la Région participe aux côtés de la DIRECCTE pour les Missions locales.

Ces indicateurs posent question au sein même des différents services de la Région. Plusieurs raisons à cela :

• Ils sont mal appréhendés car leur logique est imprécise et les objectifs restent flous. La logique qu’ils portent génère même éventuellement des comportements de surcodage de la part des services : « Pour répondre et anticiper ces demandes d’indicateurs qui ne répondent pas à une logique définie, le service a construit en interne une batterie d’indicateurs de suivi d’activités qui actuellement ne répond à aucune demande précise. » (Entretien Conseil régional) ; « Après c'est tout l'objet du dialogue de gestion, il y a un échange entre les administrateurs de la structure qui subit ou qui fait ce dialogue de gestion, qui présente son dialogue de gestion et les financeurs ou partenaires en face. [...]

Ça peut être encore mieux si on pouvait co-construire, contribuer et donner du sens, des définitions à des indicateurs pertinents. » (Entretien ARIFEP)

• Cette imprécision des objectifs peut même devenir contreproductive : « Le service cherche à inciter les structures à s’engager vers des partenariats au niveau départemental porteur de complémentarité mais elles sont frileuses à aller dans une direction non reconnue par le dialogue de gestion. » (Entretien Conseil régional)

70 Cf. Site du Conseil régional : http://www.picardie.fr/Convention-pluriannuelle-avec-les

• L'articulation entre le contexte régional et local est peu appréhendée : « Au final, il n’existe pas de chainage logique partant des orientations régionales du CPRDFP et se terminant par des indicateurs de fonctionnement des structures sur leur territoire. » (Entretien Conseil régional)

Enfin, trois voix se font entendre. Elles reflètent trois postures normatives contrastées :

• Pour certains, les critères d'évaluation et les indicateurs doivent exister et conditionner le financement des structures : « Le but de la fusion et du passage au dialogue de gestion devait être une rationalisation des moyens [financiers] mis en œuvre. » (Entretien Conseil régional)

• Pour d'autres, la rationalité budgétaire n’exclut pas l'intérêt général comme finalité : « Un dialogue de gestion issu de la RGPP ce n’est pas notre approche. Un dialogue de gestion c’est par rapport à des objectifs de service d’intérêt général qui priment, ce n’est pas les économies budgétaires. Si on peut en faire au passage, bien sûr, dans notre contexte actuel, c’est clair que l’argent se fait de plus en plus rare et qu’il faut faire attention. » (Entretien Conseil régional)

• Pour d'autres encore, l'AIO est un service public qui ne peut être géré à partir de critères d'évaluation et d'indicateurs.

Ces clivages cognitifs et organisationnels ont un effet au niveau territorial où la tension entre les logiques d’action repérée au niveau régional percute les pratiques. Si les relations avec la Région autour des dialogues de gestion sont jugées moins crispantes qu’avec l’État, depuis un an le mode d’injonction irait s’intensifiant : « Un dialogue de gestion, c’est dur à vivre. » (Entretien Mission locale)

Les structures revendiquent une posture qui tend à leur être déniée : celle de partenaires. Cette revendication vaut pour les CIO également. La crainte de tous est de n’être que des « prestataires ».

Au service des besoins de l’économie locale à court terme (CIO), au service des stratégies politiques des élus pour les Missions locales : « Un jour c’est mieux ici, un jour c’est mieux là-bas », « les élus nous ont dit, il faut renforcer le volet emploi. » (Entretien Mission locale)

Les priorités de la Région paraissent labiles, au mieux, basées sur des diagnostics qui gagneraient à être partagés, ou sur lesquels il semble nécessaire de mieux communiquer.

Actuellement, certains des objectifs fixés aux structures relevant des dialogues de gestion apparaissent

« complètement décalés avec la réalité » (Entretien Mission locale). Les résultats à atteindre pour le

COM apprentissage – apparemment source de grande tension entre la Région et les Missions locales – en seraient la meilleure illustration. La culture du résultat concentrée sur le point ultime de leur intervention : l’accès à l’emploi, paraît « antinomique avec l’objet de nos structures » (Entretien Mission locale). Des contraintes gestionnaires aveugles aux caractéristiques de leurs ressortissants, « perclus de problèmes sociaux de tous genres : mal logement, problème de santé permanent, addiction, problème de mobilité, etc. n’ont pas de sens. » (Entretien Mission locale). Dès lors, peuvent-elles être autrement que mal vécues par les acteurs sur lesquelles elles pèsent ?

Ainsi, la culture du résultat (évoquée ici à propos de la RGPP) entraine une comparaison des structures entre elles, comparaison dont un responsable de Mission locale nous dit qu’elle est « dramatique » et

« crée des problèmes ». Le risque de division est identifié : « c’est facile de parcelliser les dialogues de gestion. » (Ibid.). Logique concurrentielle et coordination peuvent-elles s’articuler ? Plus largement le mode même de financement des structures (Missions locales, fusionnées ou non) a pu être remis en question. Le subventionnement est un couperet financier, une menace qui oriente les pratiques.

L’absence de visibilité sur le financement régional d’une année sur l’autre, est pénalisante. D’une part les structures sont dans l’incapacité d’engager du personnel autrement qu’en CDD, pratique qui génère

« des trous dans le suivi des dossiers, des actions, et moins d’investissement » (Entretien Mission locale) donc une baisse dans la qualité du service rendu. D’autre part, pour ce qui est de la prescription, il apparaît difficile d’orienter un jeune sur une action sur laquelle il n’est plus possible de l’inscrire pour l’année en cours si on ne sait pas si elle sera reconduite l’année suivante. Ici apparaît un premier frein à l’accessibilité aux dispositifs relevant d’une réponse individualisée.

En ce qui concerne les dialogues de gestion, les supports ne semblent pas encore totalement finalisés :

« Il s’agit donc maintenant que ces supports soient finalisés pour qu’on sache précisément quels indicateurs seront demandés, en particulier ceux qui prennent en compte le parcours des jeunes en formation, leur continuum, les temps et durée d’interruption de ces parcours, la nature des enchainements du pré-qualifiant vers le qualifiant, le calendrier des ruptures éventuelles et leurs raisons : par exemple est-ce due en partie à une défaillance du conseil délivré par la Mission locale [question ou thème peu ou pas abordé dans l’entretien avec le jeune : qui est à l’origine de l’abandon de la formation] ? » (Entretien Mission locale)

Selon cette responsable d’une Mission locale, il serait intéressant de fournir des indicateurs plus qualitatifs sur le déroulement des actions de formation en complément des indicateurs chiffrés. Pour le moment, aucun indicateur n’a d’incidence sur le budget mis à disposition par le Conseil régional. Dans la subvention actuelle, il y aura 20 % sur la performance et 80 % sur le contexte. Mais aucune indication sur ce que seront ces indicateurs de performance. La négociation de ces indicateurs trouve place dans des groupes de travail réunis par l’ARIFEP, mais participer à ces groupes de travail est de

Graphique n°49

Participation de la structure au fonctionnement du SIEI (246

répondants)

l’ordre du volontariat. En ce qui concerne les dialogues de gestion, cette Mission locale reste dans l'incertitude :

« Du côté de l’État, il existe les indicateurs nationaux de CPO (convention pluriannuelle d’objectifs), d’autres régionaux. Financièrement, ce qui est difficile à admettre, c’est quand on change sans prévenir en cours d’année la part de la performance (de 20 à 25 %) et en corollaire celle du contexte. Cela a des incidences budgétaires difficiles à accepter par rapport à un budget de fonctionnement qui a été anticipé et construit en fonction des règles existantes. De plus ces indicateurs sont très ciblés sur le retour à l’emploi durable (emploi de plus de 6 mois). Toute la dimension insertion sociale, certes difficile à traduire en indicateur, est passée sous silence alors qu’elle est primordiale dans l’action vis-à-vis du public. Même certaines actions de mise en emploi ne sont pas valorisées par les indicateurs de gestion. Même les indicateurs de suivi du CIVIS (60 % de CIVIS renforcés pour les publics infra niveau V) n’ont pas été revus suite à la réforme du Bac pro, qui a sensiblement réduit la population éligible. » (Entretien Mission locale)