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Afin de répondre aux hypothèses posées, il aura été tenté de réaliser une approche originale du sujet de la violence faite aux femmes à Mayotte, à l’aide d’une première démarche quantitative et qualitative complémentaire, en accord avec les recommandations internationales qui incitent les professionnels de santé à poser la question de l’existence de violence directement aux femmes consultants en soins primaires.

Une fois les résultats recueillis, nous avons voulu dépasser la sphère de la recherche scientifique, en médiatisant les résultats, afin de sensibiliser la population mahoraise à la problématique, et de l’inclure dans la lutte contre la sous déclaration de la violence. Cette démarche représente également une campagne originale d’éducation pour la santé.

I.1. Volet quantitatif

Faisabilité / acceptabilité

Il s’agit de la première enquête de dépistage de la violence faite aux femmes à Mayotte. L’effectif total (n=1133) rend compte à la fois de la faisabilité et de la bonne acceptabilité de cette enquête. Si des réticences ont pu être formulées - principalement de la part du corps médical - lors de l’étape d’information et de formation à la passation du questionnaire, les résultats montrent que ce questionnaire a pu, en pratique, être intégré à la consultation, y compris dans des contextes de flux importants de patients.

Conformément aux objectifs initiaux, cette enquête a permis à de nombreux professionnels de santé d’intégrer le dépistage des violences pour la première fois dans leur pratique quotidienne. Cette démarche s’inscrit dans les recommandations de bonnes pratiques nationales45. Pour mémoire, de nouveaux outils pédagogiques à destination des professionnels

de santé ont été mis en place46. On rappelle également que la question des violences47 est

désormais au programme de l’Examen National Classant, concours qui clôt le deuxième cycle des études médicales et ouvre l’accès à l’internat de spécialités.

Validité interne

Malgré l’absence de temporalité du questionnaire (questions posées de façon générale au cours de la vie), les questions posées sont comparables avec les outils de dépistage existant dans la littérature[70].

Validité externe

Par ailleurs, la cohérence des résultats d’un site à l’autre montre la validité interne de l’étude. Leur similitude avec les données dont nous disposons dans la zone océan indien est un élément de validité externe des résultats observés ici.

L’étude ELVICA et l’absence de toute donnée chiffrée à Mayotte, auront été les points de départ de notre motivation à débuter une première enquête concernant le dépistage des violences faites aux femmes à Mayotte.

45 Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des

êtres humains (MIPROF).

46http://stop-violences-femmes.gouv.fr/2-Outils-pour-l-animation-sur-les.html, accès le 17 mai 2015.

111 La différence des chiffres d’avec la métropole nous aura conduit à approfondir ce que nous pouvions appréhender des facteurs sociaux et « culturels » pouvant constituer des pistes explicatives. Nos résultats sont concordants avec l’étude menée à Madagascar et dans les études de l’OMS des pays africains voisins, et montre la cohérence de Mayotte dans la zone Afrique/Océan indien

Enfin, notre enquête s’est déroulée sans heurt et en pleine intégration et conformité des recommandations internationales quant à l’abord des violences faites aux femmes dans le contexte d’un dépistage à grande échelle.

I.2. Volet qualitatif

Originalité

En considérant les données des sites de recherche tels que « PubMed » ou en parcourant les thèses soutenues sur le sujet des violences faites aux femmes, force est de constater qu’il existe une explosion bénéfique d’études sur ce sujet. Cependant, les études qualitatives ne représentent qu’une faible proportion de ces dernières, principalement en France, et ne laissent peu la parole à ces femmes « survivors48 », tant nécessaire à la compréhension du

phénomène à plus grande échelle, et indispensable afin d’établir des recommandations quant à l’amélioration de la prise en charge.

Acceptabilité

Toutes les femmes interrogées auront participé à l’étude de manière volontaire, sans aucun caractère obligatoire et préjudiciable en cas de refus.

Aucune femme n’a formulé d’objection après proposition de participation à l’enquête, et toute ont semblé motivées pour diffuser leur histoire afin de montrer la faisabilité de la libération de parole, et d’essayer d’améliorer la prise en charge des femmes victimes de violence à Mayotte.

Ce résultat, en contradiction totale avec les prédictions entendues avant même de commencer l’enquête, sur le fait que les femmes ne parleront pas, est analysable facilement selon le principe que si on pose la question aux femmes à propos des violences, elles y répondent. Ceci corrobore les recommandations internationales précédemment citées, et justifie le dépistage de routine même en milieu interculturel en appliquant également une écoute empathique bienveillante, sans jugement, inconditionnelle.

Diversité des situations des femmes interviewées

Les femmes interrogées étaient d’origine géographique, d’âge, de nationalité, d’habitat, de langue parlée et de profil socio-économique différents.

Cette diversité a été facilitée par le mélange ethnique et socio démographique propre à l’île de Mayotte, et réfléchi lors du recrutement des femmes m’accordant leurs témoignages.

Diversité des lieux de recueil

L’avantage d’avoir laissé aux femmes le choix des lieux de recueils nous a permis d’assurer une mise en confiance, dans le but de limiter les réactivations psycho traumatologiques secondaires à une réviviscence des souvenirs traumatiques dans un lieu qui n’aurait pas été choisi. Les endroits étaient donc des lieux que la femme estimait sûrs, et toujours en présence d’un tiers avec lequel la femme se sentait en confiance.

48 Le terme anglo-saxon désignant les femmes victimes de violence sexuelle « survivors » = survivantes,

largement répandu dans la littérature nord-américaine (USA, Canada) apporte une vision plus qualitative dans l’objectif d’analyse de cette étude.

112 Nous avons ainsi pu recueillir des témoignages de femmes qui, même si elles ont commencé à imaginer une sortie possible, étaient encore dans le cycle de la violence.

Ceci nous aura permis, enfin, d’assurer une bonne orientation pour ces femmes pour lesquelles il s’agissait d’un premier contact avec une structure d’aide.