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II. Résultats partie qualitative 80 

II.5. La vie pendant les violences 86 

II.5.6. Enfants victimes – enfants témoins 99 

Le sujet des enfants victimes de violence n’a pas été le sujet principal de cette étude, tant cette problématique justifierait à elle seule une étude entièrement consacrée.

Il nous a semblé cependant intéressant d’y consacrer quelques lignes, au vu de la déclaration spontanée des femmes interrogées et des statuts d’enfants-témoins retrouvés chez les agresseurs des femmes interrogées.

Quelques fois, les femmes interrogées parlaient de violence envers les enfants eux même, c’est le cas pour 6 d’entre elles (E2, E4, E5, E6, E7, E8), qu’il s’agisse de violence physique sur des enfants battus : E2 : « Oui.... c’est ce qui me fais le plus mal (pleurs) la petite de trois ans est là, elle subit tout. » ; E4 : « Il est allé vers l’enfant, il a giflé l’enfant, il a poussé l’enfant, mais elle n’était pas d’accord […] son père l’a frappé une deuxième fois. ».

100 E5 : « Il les frappe. ». Ou des menaces : E6 : « Une fois il cherchait son bangué et ne l’a pas trouvé, alors il est devenu violent envers mon fils, et il a accroché un ami de mon fils à la gorge, avec un couteau. » ; E7 : « Il l’a déjà menacé avec le bâton » et des situations de violence psychologique : E8 : « Alors que son fils il arrive à la maison, il doit dormir, il le réveille, il lui fait boire du café ».

Les femmes ont déclaré avoir perçu des répercussions majeures auprès de leurs enfants au niveau psychologique, reflétant la violence psycho traumatologique importante, conséquence de leur statut d’enfants témoins : E2 : « La petite elle est là, elle voit tout, des fois elle a même peur de l’approcher. Elle craint qu’il recommence. » ; E4 : « Ils ont toujours vu les violences, à chaque fois les enfants sont toujours témoins […] Ils ont peur» ; E7 : « Ma fille qui me demandait tout le temps à quelle heure il rentrait pour rentrer après parce qu’elle ne voulait plus le voir ».

Mais les enfants, témoins des scènes de violence avaient, pour la plupart d’entre eux, un rôle attribué, que l’on pourrait essayer de répertorier, en suivant la classification énoncée par Mme Geneviève PAYET44, lors d’une conférence de l’ARIV à La Réunion sur les enfants au sein

des violences intra familiales.

Ainsi, on a pu répertorier des « enfants espions » :

L’enfant-espion est celui qui est, sans le savoir et sans le vouloir, utilisé et instrumentalisé par le parent violent et se retrouve investi de rôles qui vont heurter sa loyauté (ex : regarder si dans le sac à main de maman il y a des préservatifs). E3 : « Il lui (sa fille) demandait de me voler de l’argent. » ; E7 : « Mais j’ai déjà eu une plainte ! Les gendarmes sont venus me chercher à l’école […] comme quoi j’ai cassé une côte à ma fille […] Enfin, j’ai jamais frappé ma fille quoi […] je la vois pleurer des grosses larmes, elle me dit ʺ maman , maman, j’ai été obligé de dire que tu m’avais frappé, parce que papa, papa…ʺ ».

Des « enfants écran » :

L’enfant-écran est celui qui s’interpose entre ses parents mais qui ne craint pas forcément pour sa vie. E4 : « Et un jour, alors qu’il commençait à me frapper, à me tirer la main, ma fille a sauté de son lit, m’a attrapé et a sauté sur son père en lui disant ʺ arrêtes, tu vas blesser maman ! ʺ » ; E6 : « Mon fils était choqué et a voulu intervenir ».

Des « enfants arbitres » :

L’enfant-arbitre est celui qui n’occupe plus sa place habituelle au plan générationnel et qui renonce temporairement à ses propres émotions et angoisses, pour tenter (illusoirement) de contrôler la situation à transaction violente entre ses parents. E4 : « La petite fille elle a dit ʺPapa arrête de dire des bêtises. Maman ne l’écoute pas parce que ce sont des bêtisesʺ. Une petite de 5 ans qui lui a dit ça.».

Des « enfants confidents » :

L’enfant-confident se positionne et s’identifie comme un « bon partenaire » (celui qui écoute, console, répare) venant dans son imaginaire se substituer au « mauvais partenaire » (celui qui agresse, détruit, nie le statut de sujet) dans le couple parental. E5 : « Il dit aux enfants ʺ Vous voyez votre mère elle m’a trompé, elle m’a fait ça...ʺ » ; E9 : « Le mari convainquait les enfants que c’était de la faute de leur mère » ; « Elle parlait des situations de violence uniquement à ses enfants, c’est tout. »

44 Geneviève PAYET est psychologue clinicienne, présidente de l’Antenne Réunionnaise de l’Institut de

101 Des « enfants sauveurs » :

L’enfant-sauveur peut être dans une attitude active de vengeance et dans un agir transgressif par identification au parent hostile, mais il peut aussi - dans une posture passive mais toute aussi épuisante sur le plan psychique - développer toute son énergie (mensonges, somatisations, symptômes divers pour détourner l’attention, …) dans le but de protéger le parent qu’il redoute de perdre, quitte à prendre des risques. E4 : « Un jour, en 2009, alors qu’il me tapait encore il voulait m’étrangler, ma fille de 15 ans lui a tendu un couteau en lui disant ʺ tiens, voilà le couteau, tues-la, comme ça tu vas bien te sentir, tu seras tranquille ʺElle lui donnait à son père, tellement elle en avait marre de me voir subir ça. Mais c’est pas qu’elle ne m’aime pas, c’est tellement elle en a marre de me voir subir tout le temps comme ç a des violences. ».

Des « enfants parents » :

L’enfant-parent est celui qui pense et agit comme un adulte, comme le parent qu’il n’a pas ou qu’il n’a plus. C’est pour lui une mesure de survie que de renoncer temporairement ou définitivement à son statut d’enfant, en palliant aux défaillances de son entourage, parfois pour protéger la fratrie menacée. E4 : « Ce sont d’ailleurs les enfants même qui ont permis de mettre fin à l’histoire, à un moment donné, ils ont peut être décidé que ça suffisait ».

Des « enfants boucs émissaires » :

L’enfant-bouc-émissaire est la cible de toutes les projections négatives de ses parents (auteur comme victime) qui ne peuvent gérer les conflits et les reportent sur leur enfant chargé d’en assumer la responsabilité (triangulation destructrice). E4 : « Il m’a harcelé devant mes enfants ʺ tu sais toi, c’est grâce à ces trois enfants que tu restes vivante. Si il n’y avait pas ces trois enfants, je t’enterrerais vivante ʺ ».