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II. Résultats partie qualitative 80 

II.6. La vie après les violences 101 

II.6.1. Conséquences / Séquelles 101 

Physiques

Les conséquences physiques liées aux situations de violence, ont été décrites par la majorité des femmes interrogées.

Ainsi, des hématomes ont été décrits par 5 des femmes (E2, E4, E5, E6, E9), à la suite des violences physiques engendrées, dont une (E2), ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) de 5 jours (douleur de mâchoire gênant l’alimentation). Pour rappel, l'ITT est une estimation, en nombre de jours, de l'état d'une personne ayant subi un dommage corporel ou psychologique et ne pouvant plus exercer d'activité professionnelle pendant une certaine période. La durée d'une ITT est déterminée par la durée de la « gêne réelle et globale éprouvée par la victime pour effectuer tous les gestes de la vie courante » à la suite de coups et blessures volontaires dont elle a été l'objet (physiques ou psychologiques). Comme précisé précédemment, le fait que des coups et blessure soit exercé sur un conjoint est considéré comme facteur aggravant.

Une femme (E4) a rapporté un épisode de fracture du nouveau-né, possiblement lié à un épisode de violence pendant la grossesse : E4 : « Les médecins se sont aperçus que quand l’enfant est né, il est né avec une fracture de la clavicule droite, il a dû porter une écharpe pour ses premiers jours pendant un mois. Les médecins ont dit qu’il devait avoir reçu un choc pendant que j’étais enceinte.».

102 Une femme (E0) rapporte un épisode de grossesse non désirée dans les suites d’un contrôle total de son partenaire sur les moyens de contraception, l’empêchant de prendre la pilule, ou lui imposant un retrait de stérilet.

A l’inverse une femme (E8) a rapporté un épisode d’interruption volontaire de grossesse forcé par son mari : E8 : « Quand mon fils il avait 4 mois, j’avais pris une grossesse. Il m’a dit ʺ Ben voilà, tu vas avorter parce que ton bébé il est trop petit, tu vas gâcher sa vie ʺ. Je l’ai écouté parce que c’est mon mari. Apres le lendemain, j entend qu’il a dit que c’est ma mère qui m’a dit d’aller avorter. Alors que c’était lui-même. Oui il inverse, il fait des choses et après il accuse les autres. ».

Une femme (E9) garde un handicap physique séquellaire d’un épisode de violence, celui-là même qui lui a fait initier les démarches judiciaires, et permis de briser son silence et de sortir de son isolement.

Une bousculade dans les escaliers et un coup de bâton sur les cervicales, ont occasionné un déficit sensitivomoteur de l’hémicorps gauche chez cette femme qui ne peut désormais plus se déplacer seule.

Des violences, qui se voulaient le moins visibles possibles, comme a pris la peine de nous expliquer une femme : E6 : Toujours il me frappe (me mime une gifle, avec le plat de la main,

sur les yeux), renvoyant à la stratégie de l’agresseur, voulant assurer son impunité.

Sans jamais pousser à un examen approfondi, les cicatrices visibles sur les bras ou le cou, m’ont toujours amenées à une question non invasive sur la causalité de ces blessures.

Ainsi, il m’est arrivé de me tromper : E2 : « Ah non ça c’est du poisson que je faisais frire », mais quelquefois, de démasquer une séquelle de violence omise des récits de violence E6 : « Il a écrasé une cigarette sur mon cou » ; E9 : « Ça, c’est une cicatrice de morsure d’il y a deux ans ».

Psychologiques

Au vu des nombreuses déclarations de violences verbales et psychologiques subies par les femmes de l’échantillon, les séquelles psychologiques sont présentes pour ces femmes.

Nous nous sommes servis d’une classification victimologique pour détailler ces résultats, en énumérant les caractéristiques d’un psychotraumatisme, selon les définitions du DSM IV, et des travaux de Muriel Salmona[68] et Randall[69].

Toutes les femmes interrogées rapportent une peur du conjoint. Avec une volonté que cette situation cesse : E4 : « J’ai peur et j’ai tellement envie que l’histoire soit finie, que je puisse vivre tranquillement au moins. »Chez ces femmes qui vivent un enfer au quotidien : E6 : « J’avais tout le temps peur. Quand je regardais l’heure, je voyais qu’il était déjà 17h, 17h30, je me disais, qu’est-ce qu’il va bien pouvoir m’arriver encore aujourd’hui quand il va rentrer », avec une peur de mourir : E8 : « Moi, lui il me fait peur ! Je vous dis la vérité : j’ai peur de mon mari. Parce qu’il est capable de faire du n’importe quoi » et une atmosphère propice à la soumission, créée de toute part par le conjoint violent : E7 : « Toujours cette atmosphère de terreur, de peur, de peur mentale quoi. Toujours la tension dans la maison ». Les conséquences psychologiques sont retranscrites par des angoisses : E4 : « À un moment, je ne savais même plus où mettre mes pieds, tout était en désordre. C’était comme si tu prenais tous les papiers et tu mélangeais tous les papiers sur table, et tu ne savais plus par quel papier commencer à lire pour t’en sortir » et des états de panique : E7 : « J’ai fait une crise de nerf » « J’ai craqué, j’en pouvais plus. » ; « Je suis restée jusqu’à 5h du matin, jusqu’à ce qu’elle (sa fille) se lève, sur une chaise sans bouger, tétanisée » ; « J’ai jamais été à faire des

103 crises comme ça. C’est pas moi ça. Même ma meilleure amie qui m’a vu ce week-end m’a dit ʺ C’est pas toi ça ʺ », mais également une perte d’élan vital, E7 : « Là vous avez l’impression de me voir bien, mais je ne vais pas bien, je n’ai plus d’énergie, je suis fatiguée…», ainsi que des éléments de tristesse pathologique : E4 : « J’ai pleuré pleuré, je ne parlais plus à personne », E6 : « Tous les jours, je pleurais tous les jours. », E8 : « J’ai mes yeux ils ne cessaient pas de pleurer ».

Entrainant un sentiment de réminiscence des violences : E4 : « Je le sens encore autour de moi, je sens toujours comme si tout tourne autour de moi. Je ne sais pas encore quand va finir l’histoire et dans ma tête je ne sais pas encore, je n’ai pas encore bien tourné la page », une augmentation de la consommation d’anxiolytiques : E7 : « Là je suis sous anxiolytique. Et là ça fait 3 jours que ma fille dort avec moi. » ; « J’ai deux arrêts de travail pour violence conjugale » et des conduite d’hypervigilance et contrôle de l'environnement pour surveiller le moindre bruit, anticiper toute situation imprévue : E8 : « Quand je marche devant la route, là, je marche comme une voleuse, je regarde à gauche, à droite, juste si il est pas derrière moi. J’ai très peur de lui ! Ça c’est la vérité ! ».

Sociales

On retrouve enfin, chez la majorité des femmes interrogées, des retentissements sur la vie sociale, comme conséquences à l’existence de ces violences. Ces femmes témoignent d’un isolement, lié au contexte insulaire de Mayotte E0 : « Je vis avec parce que c’est le père de mes enfants. Tu sais Mayotte, c’est petit, alors c’est difficile de faire une nouvelle vie. Si je refais ma vie avec un nouvel homme, on va me traiter de pute » et à la représentation sociale traditionnelle négative d’une femme seule qui a décidé de quitter son mari : E2 : « Je souffre beaucoup, il y a des regards de travers. », rendant la vie impossible : E7 : « Je faisais que boulot maison. Plus de musique, plus rien… J’avais plus de vie. ».