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Le poids de l’habitude dans le choix modal et les interventions

Chapitre 2 Prendre en compte les facteurs subjectifs et techniques pour

2. Déterminants individuels du choix modal

2.2. Le poids de l’habitude dans le choix modal et les interventions

possibles pour réduire son poids

2.2.1. Le poids de l’habitude dans le choix d’un mode de transport

Le rôle de l’habitude dans la détermination du comportement du voyageur est si important qu’on pense que le choix du mode de transport est rarement le résultat d’une action raisonnée, même lorsqu’il s’agit d’un nouveau parcours (trajet). Le choix modal se fait à travers une décision automatique et dans une certaine mesure non réfléchie, sans tenir compte des caractéristiques du trajet. De nombreuses recherches en psychologie semblent indiquer que le choix du mode de transport est largement influencé par les habitudes des individus (Aarts, Verplanken, & Van Knippenberg, 1997; Fujii & Gärling, 2003; Ouellette & wood, 1998). Les habitudes sont des comportements automatisés guidés par un but, et qui sont mentalement représentés (Aarts & Dijksterhuis, 2000a). L’habitude est impossible à refreiner comme le montrent Aarts et Dijksterhuis (2000a) en proposant à 52 personnes d’indiquer lors d’une tâche informatisée le mode de transport qu’ils utiliseraient pour se déplacer vers différentes destinations. La moitié des participants a pour consigne d’indiquer spontanément le mode de transport choisi selon le motif et l’autre moitié doit s’efforcer de choisir un autre mode que le mode habituel. Aucune différence n’est observée en termes de temps de réponse ; ce qui démontre qu’il est possible de choisir un autre mode de transport que le mode habituel sans que cela n’ait d’incidence sur la charge attentionnelle. Par contre, lorsque les mêmes chercheurs demandent à des individus d’indiquer le mode de transport choisi dans des conditions similaires mais en ayant en plus une tâche attentionnelle à effectuer en parallèle (réaliser des additions) alors, les personnes n’arrivent plus à indiquer un autre mode que leur mode habituel de transport. Ceci montre que le choix modal est une habitude qui permet

d’économiser de l’attention. Dans la même veine, Aarts et Dijksterhuis (2000b) comme Fujii et Gärling (2003) montrent qu’à une destination donnée est associé un mode de transport particulier et que le simple fait de penser à cette destination facilite le choix modal. A chaque motif habituel de déplacement (aller au travail), est associé mentalement un moyen de déplacement (en voiture). Pour Verplanken et Aarts (1999), le choix modal se fait de manière automatique. Cette automaticité peut être définie par quatre caractéristiques qui sont l’intentionnalité, la contrôlabilité, l’inconscience et l’efficacité. En effet, l’habitude - ou script - va permettre à l’individu une économie cognitive liée à la non prise en compte d’autres alternatives et va réduire le degré de conscience investi dans l’action grâce aux choix routiniers. De plus, les habitudes se révèlent être fonctionnelles dans la mesure où elles vont servir à satisfaire un besoin. Kenyon et Lyons (2003) affirment par ailleurs que les gens ne considèrent pas le mode le plus adapté pour leur déplacement dans la journée. En effet, le choix du mode serait, selon ces auteurs, automatique et habituel. Ce qui expliquerait que les informations concernant les modes alternatifs soient rarement consultées et que le public ignore les alternatives à leur mode de déplacement habituel. C’est ce que retrouvent Aarts, Verplanken et Knippenberg (1997) dans une étude aux Pays-Bas sur le rôle de l’habitude dans les processus d’utilisation d’informations dans le choix du mode de déplacement. Ils font l’hypothèse que l’habitude est négativement corrélée avec les processus d’utilisation d’information qui précèdent le choix du mode de déplacement. Quatre vingt deux étudiants sont interrogés sur leur habitude d’utilisation du vélo. Pour cela, les auteurs leur présentent dans une première partie, neuf situations (ex : aller au supermarché, se rendre chez un ami…) à charge pour eux d’indiquer pour chaque situation, le mode de déplacement privilégié (ex : voiture, vélo, bus…). La fréquence à laquelle les participants mentionnent le vélo, correspond à la mesure d’habitude d’utilisation du vélo. Dans la deuxième partie, les auteurs présentent aux participants, seize nouvelles situations et chaque situation est décrite selon quatre caractéristiques : la météo (pluie ou non), le poids des bagages (4 kg, 20 kg), l’heure de départ (9 heures, 14 heures) et la distance (2,5 Km, 5 Km). Les participants doivent alors indiquer leur accord à utiliser le vélo pour chaque situation sur une échelle en dix points allant de « non favorable » à « favorable », le nombre de caractéristiques utilisées pour le choix, la validité des caractéristiques et les caractéristiques les plus importantes dans le choix du mode de déplacement. Les auteurs montrent alors que les participants qui possèdent une faible habitude du vélo utilisent plus de caractéristiques que les participants qui ont une forte habitude. Il apparaît donc que l’habitude est un facteur pertinent dans l’étude du choix du

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mode de transport et qu’elle représente, par ses caractéristiques psychologiques, un obstacle de taille à tout changement (Aarts & Dijksterhuis, 2000a).

2.2.2. Quelques opportunités pour modifier les habitudes

2.2.2.1. Le changement de situation personnelle

Si l’habitude d’utiliser une automobile est un déterminant important du choix modal, il existe néanmoins certaines occasions qui permettent de pousser les individus à questionner leurs pratiques de déplacement et leur choix d’un mode de transport particulier. En effet, le conditionnement à utiliser une voiture s’opère dès l’obtention du permis de conduire qui permet de conduire sa propre voiture mais bien souvent de conduire la voiture des parents dans un premier temps. Vient ensuite le temps du premier achat d’une automobile qui est alors un symbole de liberté (Klöckner, 2004). Un autre événement qui accentue le recours à l’automobile est l’obtention du premier emploi qui permet en règle générale de financer davantage de déplacements. Dans ce sens, Fujji et Gärling (2003) montrent que des étudiants qui viennent d’être diplômés et qui sont recrutés dans différentes entreprises modifient leurs comportements de déplacement soit dans le sens d’une utilisation accrue de l’automobile, soit dans le sens d’une utilisation accrue des transports en commun. Ce changement de comportement donne d’autant plus lieu à la formation d’une nouvelle habitude que le changement est important en termes de fréquence d’utilisation du nouveau mode de transport. Pour revenir aux travaux de Klöckner (2004), une fois les trois premières étapes de vie franchies (obtention du permis de conduire, achat de la première voiture et obtention du premier emploi), il reste certains événements qui peuvent encore modifier les habitudes de déplacements. Parmi ces évènements figurent par ordre décroissant d’influence le déménagement, le changement d’emploi ou de lieu de travail et le changement de partenaire amoureux.

2.2.2.2. Un principe utilisé dans les PDE : l’incitation économique

Un principe grandement utilisé en marketing sur lequel repose semble-t-il une partie de l’effet des Plans de Déplacement d’Entreprise, réside dans l’accès aux transports en commun à un tarif préférentiel en proposant en moyenne un abonnement annuel aux transports en commun à moitié prix par rapport au tarif que pourrait obtenir le salarié à titre individuel. Dans une étude concernant l’influence des incitations économiques et de l’anticipation des comportements (implémentation), Bamberg (2002b) montre que les deux méthodes augmentent la probabilité d’observer un comportement d’achat de produits

alimentaires biologiques et ce, de façon significative si l’on compare à un groupe contrôle. Thogersen et Moller (2004) ont montré plus récemment auprès de 1000 automobilistes que la distribution d’un titre de transport gratuit valable un mois permet de modifier le mode de déplacement utilisé durant cette période. Cependant, un suivi longitudinal réalisé par ces auteurs nous amène à relativiser ces résultats car quatre mois après l’incitation économique, les nouveaux utilisateurs des transports en commun étaient redevenus des automobilistes.

2.2.2.3. Profiter de travaux d’aménagement de voiries pour créer de nouvelles habitudes

Fujii, Gärling et Kitamura (2001) observent lors d’une fermeture temporaire d’une autoroute à Osaka, que les conducteurs qui se déplacent habituellement moins en voiture sont ceux qui utilisent le plus les transports en commun pendant la durée des travaux. Par contre, les automobilistes qui se déplacent plus fréquemment en voiture avant les travaux ont tendance à surestimer davantage le temps de trajet par les transports publics que les conducteurs qui se déplacent moins fréquemment en voiture. Fujii et Gärling (2003) obtiennent le même résultat un an après la fermeture de l’autoroute. Aussi, appuient-ils l’idée que la fermeture d’une voirie ou des perturbations importantes du trafic conduisent à la formation de nouveaux scripts de déplacement qui peuvent durer dans le temps.

Comme nous venons de le voir, le choix d’un mode de transport dépend de facteurs qui peuvent largement dépasser l’individu lui-même, ou du moins sa volonté (le genre, les revenus, le nombre d’enfants, etc.). Le choix d’un mode de transport renvoie également à une habitude formée parfois très tôt, dès les premiers trajets pour se rendre à l’école et surtout à une habitude qui était suffisamment adaptative à une époque où le nombre de véhicules circulant et le nombre d’individus devant se déplacer était encore supportable par les infrastructures. Mais d’autres facteurs beaucoup plus subjectifs, voire intimes peuvent expliquer le choix modal. Une étude réalisée sous forme d’entretiens semi-dirigés auprès de 18 anglais souligne d’ailleurs cette imbrication des éléments structurels, individuels et subjectifs (Mann & Abraham, 2006). Parmi les aspects subjectifs du choix modal, nous commencerons par présenter les aspects instrumentaux.

Si les variables socio-démographiques et l’habitude peuvent expliquer le choix modal, il reste que l’automobile renvoie à une notion de services rendus qui sont, semblent-t-ils, supérieurs aux services rendus par les transports en commun sur des points importants pour les usagers. La question de savoir quels sont finalement les déterminants du choix modal est posée de longue date et l’impact des perceptions subjectives sur le choix modal est maintenant

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largement documenté. La littérature concernant les facteurs subjectifs qui expliquent le choix d’un mode de transport fait appel à différents concepts utilisés parfois comme synonymes et parfois de manière plus spécifique. Le premier concept, plus généraliste est celui de perception qui est associé à toutes sortes d’attributs liés au mode de transport considéré. Le second concept, plus spécifique est emprunté au champ de la psychologie et sera défini dans la suite de ce chapitre12.