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Chapitre 2 Prendre en compte les facteurs subjectifs et techniques pour

1. Déterminants structurels (ou techniques) du choix modal

1.1. Un accroissement des déplacements dû à la croissance de la

population et au besoin d’espace vital

Face à la croissance démographique, le nombre de logements disponibles dans de nombreuses villes en France reste insuffisant. Cela a pour conséquence d’entraîner un déplacement des populations vers la périphérie des grands centres urbains. Ces populations trouvent là des terrains constructibles plus grands, plus nombreux et surtout à un prix plus abordable. Cet étalement urbain est problématique et est constaté dans de nombreux plans de déplacements urbains d’après un rapport conjoint de l’inspection générale de l’environnement et du conseil général des ponts et chaussées français (Burdeau et al., 2004). Parallèlement à

l’éloignement des habitations des grands centres urbains, les centres d’activité demeurent situés en proche banlieue. Ceci concoure à allonger le nombre de déplacements domicile travail mais surtout à allonger leur distance et leur durée (Baccaïni et al., 2007). Par exemple, les habitants des aires urbaines françaises de plus de 200 000 habitants travaillent en moyenne à 29.7 kilomètres de leur domicile en 2004 ; ce qui représente un temps moyen de trajet de 43 minutes (médiane de 27 minutes) (Baccaïni et al., 2007).

Bien entendu, le choix du lieu de résidence répond à de nombreux critères parmi lesquels le coût n’est pas négligeable. Orfeuil (2003) indique par exemple que les ménages français aspirent à une certaine qualité de vie caractérisée par le fait de disposer de 25 m² par personnes pour se loger, ne pas dépenser plus de 30% des revenus du foyer pour le logement et ne pas dépasser un budget-temps de déplacement d’une heure trente par personne (sauf arrangement dans un couple, l’un des conjoints pouvant travailler plus loin si l’autre prend en charge une partie de ses activités telles que les courses, l’accompagnement des enfants, etc.). Ces attentes de la part des français excluent un certain nombre de foyers des centres-villes dont le prix du foncier est élevé. A titre d’illustration, le prix moyen au mètre carré d’un appartement dans le centre-ville de Grenoble9 est d’environ 2800 euros à 3500 euros alors que le prix de revient moyen au mètre carré pour une maison de village à environ 25 kilomètres de Grenoble est de 2000 à 2500 euros. À caractéristiques socioéconomiques égales la structure d’un quartier et les aménagements urbains jouent un rôle important sur les comportements de déplacement (Kitamura, Mokhtarian, & Laidet, 1997). Ainsi, plus on observe une densité de population importante et plus les distances entre le domicile et les arrêts de transports en commun sont faibles. Or, plus les distances entre le domicile et les arrêts de transport en commun sont faibles et moins les individus ont recours à une automobile.

Cependant, des études permettent de relativiser l’impact de l’urbanisme et des aménagements urbains sur les pratiques de déplacement. Ainsi, une étude récente démontre que l’effet des aménagements d’un quartier (éclairage des rues, faible circulation dans les rues, nombre des aires de stationnement, etc.) est moins lié au kilométrage parcouru en voiture lorsqu’on tient compte de l’attitude des individus vis-à-vis de la réduction de l’usage de l’automobile, l’attrait pour le vélo ou une attitude favorable à la protection de l’environnement (Handy, Cao, & Mokhtarian, 2005).

9 Notez que le prix du foncier à Grenoble est relativement identique à celui de grandes villes telles que Lyon, Paris et Marseille.

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L’éloignement entre les lieux d’habitation et les lieux d’activité principaux a pour conséquence directe un accroissement de distances et donc des durées de trajet. Or, la durée du trajet est l’un des principaux déterminants du choix modal comme nous le présentons ci-après.

1.2. Une augmentation des distances et des durées de trajet due à

l’étalement urbain

Si l’étalement urbain provoque un accroissement des distances parcourues, il a également pour conséquence une augmentation de la durée des déplacements. Or, il semblerait que les individus font en sorte de ne pas dépasser une heure trente de trajet en moyenne, hors circonstances exceptionnelles (Orfeuil, 2003). Parmi les variables qui concourent à sélectionner un moyen de transport, figurent les distances annexes à parcourir (Asensio, 2002). Ces distances annexes sont constituées pour l’automobiliste par la distance entre le domicile et le parking, mais également par la distance entre le parking de destination et le lieu de destination. Pour un usager des transports en commun, il s’agit de la distance entre le domicile et l’arrêt de transport en commun et entre l’arrêt de transport en commun et le lieu de destination. La fréquence des transports en commun et le nombre de correspondances à effectuer lors du trajet ont également un impact sur la durée du déplacement. Cette notion de temps de déplacement a donné lieu à de nombreuses recherches dont nous n’apporterons ici qu’une indication de leurs résultats (Arentze & Timmermans, 2002; Joly, 2002; Kaufmann & Schuler, 2005; Lindberg, Gärling, & Montgomery, 1990; O'Fallon, Sullivan, & Hensher, 2004; Vande Walle & Steenberghen, 2006). La notion de budget-temps renvoie à l’idée que les individus disposent d’un temps maximum de déplacement quotidien, stable au fil des ans. La conjecture de Zahavi (Joly, 2002) postule que l’ensemble des temps de déplacement restent stables au fil des années et que les gains obtenus par l’amélioration des infrastructures ne sont pas utilisés par l’individu pour mener d’autres activités mais réinvestis dans d’autres déplacements, d’où une augmentation des distances parcourues. Par exemple, un individu qui économise 20 minutes de trajet, déménagera pour habiter en campagne et utilisera ces 20 minutes pour parcourir la distance supplémentaire qui le sépare de son lieu de travail (Kaufmann & Schuler, 2005). Pourtant, des recherches récentes montrent un accroissement actuel des budgets temps qui sont passés d’environ 50 minutes à 65 minutes (Arentze & Timmermans, 2002; Crozet & Joly, 2004; Krygsman, Dijst, & Arentze, 2004; Lindberg et al., 1990; Rouwendal & Nijkamp, 2004; Turner & Grieco, 2000; Vande Walle & Steenberghen, 2006). En Suisse, par exemple, le budget-temps est

passé de 84 minutes en 1994 à 94 minutes en 2000 (Crozet & Joly, 2004). Crozet et Joly (2004) précisent que ce qui est sous-entendu par la conjecture de Zahavi est qu’avec l’accès à la motorisation le temps consacré au déplacement commence par décroître puis atteint très vite un palier à partir duquel la durée moyenne de transport ne diminue plus. Ainsi, une amélioration des vitesses moyennes de déplacements automobiles a-t-elle pour conséquence un étalement urbain ou un étalement des lieux d’activité qui augmente paradoxalement la circulation. Concernant l’intermodalité, ces constats amènent à l’idée qu’une réduction des vitesses de circulation en centre-ville permettrait aux transports en commun de capter une partie des automobilistes notamment dans les parkings relais.

L’intérêt d’étudier les déterminants techniques et/ou structurels du choix modal est donc clairement de pouvoir déterminer des critères physiques permettant de rendre plus efficaces d’autres modes de transport que la voiture individuelle. Pour Bonnel, Caubel et Massot (2003), le changement de mode de transport n’est pas possible pour des individus dont le temps de transport initial est supérieur à 300 minutes. La croissance du budget-temps d’un individu ne peut être, dans le cas d’un report modal, de plus de 25% pour les franciliens et environ 30% pour d’autres grandes villes et en tout état de cause, ce budget-temps ne pourra croître de plus de 30 minutes.

Pour aller dans ce sens, des chercheurs belges ont étudié 7000 individus et 21 000 trajets pris en compte entre 1998 et 1999 en Belgique (Vande Walle & Steenberghen, 2006). Leur étude montre que lors des chaînes de déplacements impliquant plusieurs modes de transport, c’est bien souvent le milieu de la chaîne qui fait défaut. Ainsi, il est relativement facile de suppléer aux transports en commun en utilisant une voiture, un vélo ou du covoiturage entre son domicile et un arrêt de bus ou de tramway. De plus, les transports en commun sont souvent suffisamment développés sur les lieux de destination. Bonnel, Caubel et Massot (2003) soulignent que des boucles de déplacement qui concernent des achats exceptionnels sont exclues de la procédure de report modal et il en est de même si la boucle comporte la nécessité d’accompagner une tierce personne (enfant ou autre).

Si les individus s’éloignent des centres villes pour trouver un logement plus grand et/ou moins cher malgré une hausse des temps de trajet, il convient alors de considérer que des facteurs plus subjectifs que techniques expliquent ces choix10. En effet, comme nous l’avons indiqué dans le chapitre 1, la part modale de la voiture, tout comme les distances

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Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que nous ne remettons pas forcément en cause la notion de budget-temps. Nous considérons simplement que des facteurs subjectifs liés à des perceptions particulières biaisent la prise en compte des alternatives possibles à la voiture individuelle.

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parcourues augmentent et ce, malgré des conditions de déplacement plus difficiles et désagréables (embouteillages, stress). Ces constats nous amènent naturellement à nous interroger sur les déterminants davantage psychologiques qui poussent à continuer d’utiliser l’automobile. Cependant, avant d’aborder ces déterminants psychologiques nous avons estimé nécessaire d’aborder d’autres déterminants individuels que sont les variables socio-démographiques et l’habitude de déplacement.