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Des « Études philosophiques » de Balzac se focalisant sur un artiste ou un génie1 aux romans des frères Goncourt, surtout Manette Salomon, jusqu’à L’Œuvre de Zola, dernier roman de l’artiste de tradition réaliste, la vie de l’artiste se conçoit, ontologiquement, dans une simplicité qui contraste avec le portrait tumultueux ou rocambolesque qui est habituellement fait de ses mœurs. On sait que la majorité, pour ne pas dire l’intégralité, des artistes des romans réalistes ou naturalistes connaissent un destin tragique : malheureux, fous, ils finissent souvent par se suicider, incapables de finir leur œuvre. Pourtant, le point focal du corpus que ce chapitre va analyser n’est pas ce que l’on pourrait nommer le « romanesque2 » de la vie d’artiste – les aléas financiers, les amours douteuses ou les insuccès tragiques –, mais bien la vie d’artiste comme existence admirable, avec sa vocation, ses tâches, ses valeurs. Les romans du réalisme tentent en fait d’intégrer le point de vue du personnage sur sa propre vie à une réflexion qui s’attarde autant sur le parcours intellectuel de l’artiste de génie que sur les difficultés entourant la

1 Bien que de nombreux romans et nouvelles de Balzac mettent en scène un artiste – on peut penser aux personnages de Sarrasine, Pierre Grassou, Hippolyte Schinner, Lucien de Rubempré, Joseph Bridau, Steinbock, Sylvain Pons, Daniel d’Arthez, Camille Maupin –, l’analyse de ce chapitre portera sur quelques- uns des romans qui semblent synthétiser la conception balzacienne de la vie vouée (qu’elle soit celle de l’artiste ou bien celle du génie scientifique) et qui présentent les enjeux de cette vie comme une finalité du récit : Louis Lambert, Le Chef-d’œuvre inconnu, Gambara, La Recherche de l’absolu. Dorénavant, les références à ces quatre œuvres de Balzac n’incluront que le titre et le numéro de page.

2 Décrivant la « situation peu romanesque » du musicien Sylvain Pons, oublié de tous, Balzac insiste sur le caractère obscur, invisible, du talent véritable. Voir H. de Balzac, Le Cousin Pons, p. 10. À propos du romanesque de la vie d’artiste, voir l’article de José-Luiz Diaz, « L’artiste romantique en perspective », qui montre comment « être artiste » devient un mot-valeur, un mot fantasme au début du XIXe siècle, empreint d’un romanesque qu’on ne trouve même pas dans les romans.

création de son œuvre. Or, perçue de l’intérieur, la vie de l’artiste ne se présente pas comme déviante ou marginale, mais au contraire comme exemplaire de passion et de rigueur3 : pour citer l’écrivain Sandoz dans L’Œuvre de Zola, l’artiste du réalisme ne cherche pas à mener une vie de bohème, mais consacre plutôt son temps et son énergie à tâcher d’accomplir une « besogne réglée et solide4 ».

Telle qu’elle est dessinée par les romanciers, la vie de l’artiste n’appelle pas a priori au malheur, mais bien au contraire à ce que l’on pourrait qualifier de bonheur « métaphysique ». Porté par sa vocation, l’artiste a pour lui la tranquillité de connaître le sens et le but de sa vie : en effet, jamais les personnages d’artistes géniaux ne songeraient à employer le temps de leur vie à autre chose qu’à la pratique de leur art. On peut penser au peintre Crescent qui, dans Manette Salomon, se présente comme la figure exemplaire de l’artiste heureux, vivant dans la simplicité d’un talent justement exploité :

[Coriolis] ne pouvait s’empêcher d’envier cette facilité, le don de cet homme né peintre, et qui semblait mis au monde uniquement pour faire cela : de la peinture. Il admirait ce tempérament d’artiste plongé si profondément dans son art, toujours heureux, et réjoui en lui-même chaque jour de poser des tons fins sur la toile, sans que jamais il se glissât dans le bonheur et l’application de son opération matérielle, une idée de réputation, de gloire, d’argent, une préoccupation du public, du succès, de l’opinion. […] À le voir travailler sans inquiétude, sans tâtonnement, sans fatigue, sans effort de volonté, on eût dit que le tableau lui coulait de la main. Sa production avait l’abondance et la régularité d’une fonction. Sa fécondité ressemblait au courant d’un travail ouvrier5.

3 Comme il a été montré dans le chapitre 1, ce portrait « de l’intérieur », qui rapproche en apparence la figure de l’artiste du simple bourgeois, a été brossé avec force par l’école naturaliste, notamment par Huysmans, qui se porte à la défense de Zola en opposant la vie calme de ce dernier à la vie méprisable des bohèmes. 4 Voir É. Zola, L’Œuvre, p. 247 : Dans ce passage, Sandoz exhorte d’ailleurs son ami Claude Lantier à épouser sa maîtresse Christine avec qui il a eu un enfant, disant que le mariage ne peut que servir « les grands producteurs modernes » : « La femme dévastatrice, la femme qui tue l’artiste, lui broie le cœur et lui mange le cerveau, était une idée romantique contre laquelle les faits protestaient. » Les références futures à L’Œuvre n’incluront que le titre et le numéro de page.

5 E. et J. de Goncourt, Manette Salomon, p. 371-372. Les références futures à ce roman n’incluront que le titre et le numéro de page.

La simplicité « existentielle » qui caractérise la vie de l’artiste n’est cependant pas inhérente à la pratique d’un art. Les romans de l’artiste insistent toujours sur les nombreuses difficultés qu’il y a à créer une œuvre. Cette simplicité est plutôt consubstantielle au cadre de justification que fournit l’idée de vocation. Ainsi que le propose Judith Schlanger dans La Vocation, la vie de l’artiste est en fait l’exemple par excellence d’un imaginaire de la biographie au XIXe siècle, imaginaire qui cristallise dans l’idée de vocation les paradoxes d’une modernité démocratique, marquée par la montée de la bourgeoisie. L’artiste présenterait à la fois une vie idéale et une vie dont le modèle est partageable par tous, ou plutôt souhaitable pour tous. L’idée de vocation, comme l’explique Schlanger, accueille et concilie en effet le dynamisme et les contradictions, d’une part, de l’individualisme « romantique », au nom duquel les aspirations intimes d’une identité (ou d’une « essence ») doivent pouvoir se réaliser pleinement, et d’autre part, de la pression sociale, qui demande à chacun de trouver une activité économique qui profitera au bien de tous6. En l’idée de vocation moderne converge ainsi, comme l’écrit Schlanger, « l’être » et le « faire »7 de l’individu, qui déploie ses propres virtualités en œuvres visibles dans le monde ici-bas, à l’inverse d’un individu soumis à une vocation religieuse, qui le transcende :

Telle que les représentations romantiques l’ont dessinée, la vie vouée est une vie accomplie, qui porte le virtuel à l’être et réalise toutes les possibilités d’un sujet sans reste et sans perte. C’est aussi une vie passionnée, qui se définit en termes d’intensité, d’investissement et d’énergie. Et c’est une vie féconde, au sens où son activité la déborde et marque le réel de résultats objectifs et visibles : […] la vie vouée inscrit sa trace dans la réalité8.

6 Voir J. Schlanger, La Vocation, p. 10. 7 Ibid.

La vie vouée, particulièrement la vie d’artiste, mais aussi la vie du scientifique, dont la créativité est d’ailleurs comparée par Balzac à celle de l’artiste9, est une vie active et dynamique : elle semble pour cela être facilement « récupérable » par le roman. La vie de l’artiste est surtout un sujet fascinant pour les romanciers, l’artiste étant à la fois un « type » distinct dans la cosmogonie sociale – Zola le désigne, avec la prostituée, le meurtrier et le prêtre10, comme l’une de ces figures dont le portrait mérite d’être au cœur d’un roman – et le type dans lequel les romanciers peuvent forcément se projeter et plus encore grâce auquel ils peuvent façonner leur propre image. Ces derniers insistent d’ailleurs, dans un discours qui a l’avantage d’effectuer une mise à distance avec l’artiste bohème et d’entrer en parfaite adéquation avec l’imaginaire social de la vie vouée, sur la nécessité de ne pas concevoir la vie de l’artiste comme une abstraction, mais comme une activité qui demande, pour se déployer, la durée longue et concrète de la vie ordinaire. Ainsi Zola opère-t-il une distinction – déjà esquissée dans l’extrait de Manette Salomon cité plus haut – entre la notion de « poète » et celle d’« ouvrier ». Dans une lettre adressée à son ami Paul Cézanne, Zola défend, pour l’artiste, l’acquisition d’une existence « ouvrière », qui transforme le désir d’être un artiste en un travail concret :

Je te l’ai déjà dit pourtant : dans l’artiste il y a deux hommes, le poète et l’ouvrier. On naît poète, on devient ouvrier. Et toi qui as l’étincelle, qui possèdes ce qui ne s’acquiert pas, tu te plains, lorsque tu n’as pour réussir qu’à exercer tes doigts, qu’à devenir ouvrier11.

9 Cette comparaison survient à plusieurs reprises, notamment dans un passage où Claës explique la nature de son don à sa femme : « La puissance de vision qui fait le poète, et la puissance de déduction qui fait le savant, sont fondées sur des affinités invisibles, intangibles et impondérables […]. » La Recherche de l’absolu, p. 723.

10 Voir É. Zola, « Les mondes ».

L’erreur de Paul Cézanne, que souligne Zola dans cette lettre, est de ne pas pressentir et assumer la qualité existentielle de la vie de l’artiste, qui est de pouvoir faire fructifier le temps ordinaire en y inscrivant son long et patient travail d’ouvrier. Il s’agit pour l’artiste, comme le prouve l’exemple du peintre Crescent admiré par Coriolis dans

Manette Salomon, d’habiter le temps de la vie ici-bas et d’avoir la capacité de transformer

les idées et images conçues dans un moment d’inspiration, matière « en suspension » de l’œuvre, en une forme concrète, un tableau ou un livre.

Le glissement de la notion de poète à celle d’ouvrier dénote donc, chez Zola, mais aussi chez les frères Goncourt et, avant eux, chez Balzac, un désir de se distancier de la figure du mage romantique, telle que l’incarne Hugo notamment. L’artiste digne d’être représenté dans un roman est moins un être inspiré qu’un être voué. Stéphanie Champeau, dans La Notion d’artiste chez les Goncourt, insiste à cet égard sur la distinction opérée par les deux frères entre la figure du poète et celle du technicien, distinction qui rejoint la pensée de Zola et qui confère à l’existence de l’artiste des assises dans la réalité :

Plus vague, plus difficile à cerner peut-être, l’idée de poète renvoie davantage à la conception de l’œuvre tandis que celle d’artiste insiste sur le

faire, sur le métier et la fabrication. Le poète est celui qui conçoit, qui

imagine, qui donne la vie, et aussi quelqu’un – particulièrement chez Hugo – qui est capable de voir, au-delà de la réalité présente, les vérités éternelles et les sens de la vie. Ce sens éternel qu’il lit à travers les réalités fugitives, le poète a la mission d’en faire part à ses frères les hommes, afin de les guider, de les conduire sur la voie du Bien. Ce rôle de « prophète » et de « voyant » n’est, au contraire, nullement revendiqué par l’artiste tel que les Goncourt le conçoivent. L’artiste selon eux n’a pas pour rôle de voir au-

delà du réel, mais c’est, en revanche, quelqu’un qui voit tout le réel, qui

l’absorbe par tout son être. [...] [L]’artiste est d’abord attaché au réel, ou, plus précisément, à tout ce qu’il peut percevoir du réel12.

Comme l’écrit Pierre Laubriet dans L’Intelligence de l’art chez Balzac, l’auteur de

La Comédie humaine ne dit pas autre chose lorsqu’il distingue, bien avant les frères

Goncourt, deux « temps » de la création, d’abord celui de l’inspiration, puis celui de l’exécution, défendant l’idée, dans La Cousine Bette, que « [l]es grands hommes appartiennent à leurs œuvres13 » :

Mais produire! Mais accoucher! mais élever laborieusement l’enfant, le gorger de lait tous les soirs, l’embrasser tous les matins avec le cœur inépuisé de la mère, le lécher sale, le vêtir cent fois des plus belles jaquettes qu’il déchire incessamment; mais ne pas se rebuter des convulsions de cette folle vie et en faire de chef-d’œuvre animé qui parle à tous les regards en sculpture, à toutes les intelligences en littérature, à tous les souvenirs en peinture, à tous les cœurs en musique, c’est l’Exécution et ses travaux14.

Balzac soutient que la vie de l’artiste n’est pas une vie abstraite, informe, bien qu’elle semble attacher l’être au monde des idées. L’artiste doit se rendre « maître de l’inspiration, […] au prix d’un autre esclavage, celui qui le lie au travail15 ». La vie de l’artiste, du point de vue du créateur, dévoile la vocation comme une conduite de vie, comme un usage mesuré du temps. Cet ethos sert de matrice à la fois métaphysique et psychologique à l’artiste du réalisme, qui engouffre dans sa vocation trouvée, dans son désir de créer son œuvre, toutes les ressources de son être, le tableau ou le livre étant à la fois l’expression visible de la vocation et la preuve d’une capacité exemplaire de l’artiste à œuvrer dans le temps ordinaire, à se plier aux exigences du temps social (ou bourgeois). Apparaît en effet, comme donnée existentielle inhérente à la vie d’artiste, devenant un élément clé de sa mise en récit romanesque parce qu’elle témoigne de cet usage probe du temps, l’idée de « volonté ». La volonté est normalement ce qui empêche, comme l’écrit Schlanger, l’échec d’une vocation : « Pour l’homme voué, la volonté est plus qu’une condition indispensable, c’est aussi une valeur et un mérite. [...] Dans la mesure où la

13 P. Laubriet, L’Intelligence de l’art chez Balzac. D’une esthétique balzacienne, p. 149. 14 Ibid., p. 153.

vocation exprime la personnalité et accomplit le caractère, l’homme voué n’agit pas par l’effet d’un choix. Profondément, il n’a pas le choix16. » C’est ainsi que la conçoivent aussi les romanciers réalistes. Pour Balzac, c’est la volonté qui permet à l’artiste d’habiter activement le temps. Comme l’écrit Pierre Laubriet :

La volonté se manifeste sous des formes diverses, qu’elle s’appelle acharnement au travail, patience, lutte, c’est toujours elle en dernier ressort qui fait surgir le talent. […] Elle excite et développe dans toute leur ampleur les qualités intellectuelles et morales, qui constituent d’autre part le génie, données sans doute, mais en ferme, et qui ne peuvent grandir et porter fruit que par suite d’un travail long, pénible, souvent décevant17.

Il s’agit, pour le personnage qui doit œuvrer dans le temps, d’empêcher l’écartèlement de son « vouloir » (concentré en l’idée qu’il a de l’œuvre imaginée) et de son « faire » (l’œuvre créée activement) : la vocation d’artiste demande une constante adhésion de soi à soi et la conservation, coûte que coûte, d’une coïncidence entre l’identité intime, les ambitions secrètes, et l’identité sociale du personnage comme « producteur d’art ». L’artiste qui échoue à demeurer artiste, incapable de produire l’œuvre pour laquelle, pourtant, il était destiné, n’a en fait plus aucune raison d’être dans le roman qui le met en scène. C’est pourquoi les artistes qui, dans les différents romans réalistes, prennent la mesure du gouffre qui les sépare de leur œuvre, gouffre qui dévoile aussi un hiatus identitaire insurmontable, prennent sur eux, dans un acte symbolisant la dynamique existentielle propre à leur vie, de s’autodétruire.

Ainsi, c’est l’éthique volontaire de la vie vouée qui, en faisant de la vie d’artiste, comme l’écrit Schlanger, « une exception et un privilège18 », se pose aussi comme l’enjeu de la faillite potentielle d’une telle vie. Bien que les personnages d’artistes soient placés

16 J. Schlanger, La Vocation, p. 92.

17 P. Laubriet, L’Intelligence de l’art, p. 156-157. 18 J. Schlanger, La Vocation, p. 30.

devant la perfection d’une vie déjà toute tracée devant eux, ils éprouvent souvent de la difficulté à devenir cet ouvrier vanté par Zola, c’est-à-dire autant à œuvrer dans le temps qu’à faire fructifier, mieux que quiconque, leur temps, au moyen de l’œuvre d’art. Ils restent le plus souvent prisonniers de leur identité innée de poète, en deçà de l’action, en dehors du temps. Dans les faits, telle qu’elle est montrée par les romans, la vie de l’artiste semble être une vie dont la simplicité est utopique : placé devant une existence qui, théoriquement, devait se déployer sans imprévus, le personnage de l’artiste voit le plus souvent son parcours vers l’œuvre, ou en l’œuvre, se disloquer.

La dislocation de la vocation de l’artiste, qui est systématique dans les romans réalistes, trouve son explication dans la maladie, thème qui s’entrelace, au point d’en être indissociable, aux conceptions esthétiques de l’artiste, à son rapport au travail et surtout à sa physiologie. On sait en effet que le génie de l’artiste, selon les scientifiques et médecins du XIXe siècle, doit son caractère hors norme à la pathologie. Comme le montre Georges- Paul-Henri Génil-Perrin dans une thèse de médecine soutenue en 1913, Histoire des

origines et de l’évolution de l’idée de dégénérescence en médecine mentale19, une confusion du discours empruntant à la tradition aristotélicienne du « génie mélancolique » et des découvertes nouvelles des médecins qui s’intéressent à la folie, aux névroses et à l’idiotie, fait de l’artiste un être d’emblée malade, physiologiquement et psychologiquement déficient. On peut d’ailleurs remarquer la tendance qu’ont tous les personnages d’artistes géniaux à se laisser happer par un état mélancolique : à l’instar de

19 Cette thèse analyse les sources discursives à l’origine de la création, par les médecins du XIXe siècle, du syntagme de l’artiste fou, qui sera ensuite récupéré par les romanciers réalistes.

Claude Lantier qui traîne « sa mélancolie noire sur les quais20 », les personnages sombrent tous, pendant de longues périodes d’improductivité, dans le doute et la morosité21.

Le célèbre « Problème XXX » posé par Aristote – « pourquoi les génies sont-ils toujours mélancoliques22 ? » – est donc, selon cette thèse de Génil-Perrin, récupéré au XIXe siècle par des médecins et aliénistes, tel François-Emmanuel Fodéré, qui publie dès le début du siècle de nombreux ouvrages23, notamment, en 1832, un Essai médico-légal sur les diverses espèces de folie vraie, simulée et raisonnée24. Ces médecins ne remettent pas en cause la validité de l’interrogation d’Aristote, au contraire. Ils en renversent simplement les termes et se demandent plutôt pourquoi certains idiots, ou certains fous, sont parfois des génies, ainsi que l’explique Génil-Perrin :

Jusqu’à Fodéré, en effet, il s’agissait d’une vague analogie entre le délire poétique et le délire proprement dit. Maintenant, la question devient, par un côté, plus prosaïque et plus précise : il s’agit du développement relativement supérieur de certaines facultés chez les arriérés, de la génialité partielle des idiots, suivant l’expression consacrée25.

L’origine du génie de l’artiste devient, dans le discours médical du XIXe siècle, indissociable de sa folie, car les deux phénomènes trouvent leur source dans la physiologie, comme le résume l’argument en tête du dernier ouvrage du célèbre aliéniste Jacques- Joseph Moreau de Tours :

Les dispositions d’esprit qui font qu’un homme se distingue des autres hommes par l’originalité de ses pensées et de ses conceptions, par son

20 L’Œuvre, p. 125.

21 Voir Le Chef-d’œuvre inconnu, où Frenhofer est décrit comme étant aussi fou que peintre, p. 427. Louis Lambert aussi est mélancolique, voir Louis Lambert, p. 61 : « Les soupirs de Lambert m’ont appris des