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À la suite de Gilles Bonnet dans son article « Huysromans : Poétique du seuil », force est de constater que les arches et les thébaïdes, dans lesquelles tâchent de « s’enclore » les malades huysmansiens, ne sont pas étanches. Malgré leur désir affiché – et parfois assouvi – de s’exclure de la société, les personnages huysmansiens échouent à faire de la maladie leur mode d’être définitif, comme en témoigne avec désespoir des Esseintes : « comme un raz de marée, les vagues de la médiocrité humaine montent jusqu’au ciel et elles vont engloutir le refuge dont j’ouvre, malgré moi, les digues. Ah! le courage me fait défaut et le cœur me lève46! ». L’arche est en fait perpétuellement menacée par sa propre logique fluviale, qui affranchit le temps de l’espace et désamorce les liens logiques ou déterministes entre les lieux ou les époques en aplatissant leur hiérarchisation. Tous ces « riens » qui constituent le creux secret de l’existence viennent se juxtaposer aux

45 Ibid.

événements marquants. De même, les frontières de l’arche, qui maintiennent séparés l’univers que le personnage s’est créé et le reste du monde, se font poreuses, vulnérables. Ainsi, avant même que le médecin ne vienne le tirer hors de son isolement, des Esseintes comprend que les murs de sa maison ne le protégeront pas du monde extérieur, en l’occurrence de sa manifestation la plus naturelle, le climat. La canicule transforme l’immobilité de son séjour dans l’arche en voyage sur une mer houleuse, lui donnant le « mal de mer47 » et le forçant à sortir de chez lui, à retrouver la terre ferme de la nature et des hommes :

Il lui semblait être sous une cloche pneumatique où le vide se faisait à mesure, et une défaillance d’une douceur atroce lui coulait du cerveau par tous les membres. Il se roidit et, n’y tenant plus, pour la première fois peut- être depuis son arrivée à Fontenay, il se réfugia dans son jardin et s’abrita sous un arbre d’où tombait une rondelle d’ombre48.

Le refuge est donc fondamentalement une rade qui n’est pas seulement ouverte sur une mer de solitude, mais aussi trouée de toutes parts, comme le remarque aussi avec angoisse Jacques Marles pendant son tour du maître au château de Lourps :

Il rôda autour du château, cherchant si, par des fermetures solides, il pourrait se mettre à l’abri, dès l’ombre, des maraudeurs et des bêtes ; les portes se refusaient bien à s’ouvrir sans coups de pied ou pesées d’épaule, mais la plupart avaient perdu leur clef ou devaient fermer par des loquets maintenant perdus et des bobinettes privées de gâches. Il inspecta les alentours ; le parc n’était pas clos du côté du bois; nul mur et nulle haie; tout le monde pouvait entrer49.

À propos de cette arche trouée, transformée en espace problématique, l’article de Gilles Bonnet cité plus haut fournit une piste d’analyse féconde50, en ce qu’il définit l’arche

47 Ibid., p. 714. 48 Ibid., p. 715-716. 49 En rade, p. 814.

50 Cependant, le but général de cet article s’éloigne du propos de ce chapitre, en ce qu’il établit des ponts entre l’espace fictionnel du refuge chez Huysmans et les conditions générales de l’énonciation de la littérature, selon l’hypothèse empruntée à D. Maingueneau que cette dernière « suppose à la fois

comme un espace du « seuil », comme « un espace interstitiel de tension où le dedans et le dehors viendraient s’affronter51 ». L’arche n’est pas, chez Huysmans, la métaphore d’un univers indépendant et fantasmagorique créé par le malade, elle est surtout le lieu d’une renégociation avec le réel, un « espace tiraillé par des forces contraires52 ». C’est l’hypothèse que défend aussi Stéphanie Guérin-Marmigère dans La Poétique romanesque

de Joris-Karl Huysmans : elle affirme que les oppositions franches entre la réalité et le

rêve, entre le social et l’intime, doivent être repensées comme autant d’antagonismes ambivalents, autant d’univers interdépendants :

la dualité des mondes diurnes et nocturnes offre dans En rade un témoignage de cette ambivalence en approfondissant les phénomènes psychiques involontaires déjà entrevus dans À rebours. Alors que de nombreux critiques ont insisté sur la séparation des deux versants y voyant un « strabisme littéraire », ou ont cherché à en réduire la dualité, nous pensons qu’En rade propose non une coupure mais une interaction entre rêve et réalité, entre des contraires destinés à se rencontrer53.

L’arche se présente, pour le personnage, comme le lieu d’une collision mesurée entre son propre univers et le monde extérieur, ainsi que le métaphorise parfaitement l’aquarium placé devant la « réelle fenêtre ouverte dans le vrai mur54 » de la salle à manger de des Esseintes, filtrant et tamisant, sans pour autant l’anéantir, la lumière extérieure. Alors que la nature, comme l’écrivait déjà Théophile Gautier dans Les Jeunes-France, « c’est très-pittoresque, d’accord, mais c’est ennuyeux à crever », « toujours des arbres, de la terre, du gazon55 », la réalité perçue de l’arche se voit déformée par les fantasmes et les

l’impossibilité de se clore sur soi et l’impossibilité de se confondre avec la “société” ordinaire ». Voir G. Bonnet, « Huysromans : Poétique du seuil », p. 105-106.

51 Ibid., p. 107. 52 Ibid., p. 111.

53 S. Guérin-Marmigère, La Poétique romanesque de Joris-Karl Huysmans, p. 209. 54 À rebours, p. 593.

rêveries du personnage, sortes de filtres « maladifs » apposés sur la nature au point de la rendre parfois méconnaissable.

Pourtant, cette réalité « neuve » et factice ne se présente pas comme une finalité, mais plutôt comme la première étape de la renégociation du rapport au monde du personnage qui, après avoir amené le monde à lui, s’installe sur le seuil de son arche et peut observer une réalité nue, sans fards, dans laquelle, cependant, il n’a pas besoin de vivre. L’expérience de la maladie se distingue ainsi fondamentalement d’autres expériences d’enfermement, de réclusion, tentées par les personnages huysmansiens à un moment ou à un autre des romans. Dès lors qu’un personnage se coupe entièrement du monde, il ne renégocie nullement son rapport au réel, mais poursuit simplement la logique qui régnait dans la vie sociale, que ce soit en la perpétuant ou en se plaçant « à rebours » d’elle. On peut penser à M. Bougran qui, enfermé chez lui, montre d’autant mieux l’absurdité de la vie en société qu’il poursuit sans difficulté ses activités du ministère bien qu’il soit à la retraite, inventant des causes administratives complexes dont la résolution fictive est tout aussi satisfaisante qu’elle ne l’aurait été dans la réalité. De la même manière, des Esseintes n’invente pas une nouvelle manière d’être au monde lorsque son « chez-lui » est un refuge hermétique, sa logique de l’envers ne servant qu’à mieux mettre en lumière les modalités de la vie « droite », « normale ». Ce n’est qu’au sein de son arche pleine de trous, dans l’espace liminaire de la maladie choisie, que le personnage est forcé d’entretenir un rapport véritablement neuf au monde extérieur. À cet égard, la comparaison entre la vie parisienne, où des Esseintes pouvait encore, étant suffisamment en santé, se réfugier chez lui par temps caniculaire et parvenir par l’imagination à grelotter de froid56, et la vie à Fontenay, où une

56 Voir À rebours, p. 720 : « Hélas! le temps était loin, où, jouissant d’une bonne santé, des Esseintes montait, chez lui, en pleine canicule, dans un traîneau, et, là, enveloppé de fourrures, les ramenant sur sa poitrine,

telle attitude, à rebours de la réalité, n’est plus entièrement possible, est éloquente de la position du personnage dans l’arche, position à mi-chemin entre les fantasmes de sa conscience et la réalité, enfin dénudée de toute idée préconçue sur laquelle fonder son blasement. Placé à la lisière extrême de son refuge – son jardin –, des Esseintes est, dans ce passage d’À rebours, à la fois aveuglé par sa névrose galopante et capable de percevoir le réel dans sa plate nudité, sans pour autant que cette contemplation appelle au spleen. Le contact renoué à travers la névrose permet à l’inverse d’« égayer » des Esseintes, dans un va-et-vient entre ses pensées et la vue de son jardin :

Assis sur le gazon, il regarda, d’un air hébété, les carrés de légumes que les domestiques avaient plantés. Il les regardait et ce ne fut qu’au bout d’une heure qu’il les aperçut, car un brouillard verdâtre flottait devant ses yeux et ne lui laissait voir, comme au fond de l’eau, que des images indécises dont l’aspect et les tons changeaient.

À la fin pourtant, il reprit son équilibre, il distingua nettement des oignons et des choux; plus loin, un champ de laitue et, au fond, tout le long de la haie, une série de lys blancs immobiles dans l’air lourd.

Un sourire lui plissa les lèvres, car subitement il se rappelait l’étrange comparaison du vieux Nicandre qui assimilait, au point de vue de la forme, le pistil des lys aux génitoires d’un âne […].

Ces souvenirs l’égayèrent un peu; il examina le jardin, s’intéressant aux plantes flétries par la chaleur, et aux terres ardentes qui fumaient dans la pulvérulence embrasée de l’air […]57.

La fonction de l’espace liminaire que représente l’arche, parce que celle-ci permet la collision du réel le plus plat avec les fantasmes les plus délurés, n’est pas seulement de créer un univers romanesque décadent, c’est-à-dire antinaturaliste, mais aussi d’inventer, pour le personnage, une position face au monde qui reconfigure les modalités de sa présence dans le récit et de son action. À l’instar de Jacques Marles, qui se cherche un havre de repos en attendant de mettre sa vie et ses affaires parisiennes en ordre, le

s’efforçait de grelotter, se disait, en s’étudiant à claquer des dents: – Ah! ce vent est glacial, mais on gèle ici, on gèle! parvenait presque à se convaincre qu’il faisait froid! Ces remèdes n’agissaient malheureusement plus, depuis que ses maux devenaient réels. »

personnage huysmansien fait de son arche un espace éphémère, précaire, à la fois hors du temps et ouvert à tout vent, qui lui permet d’établir une coupure avec la logique du roman naturaliste (qui le forcerait à produire coûte que coûte une œuvre géniale ou à disparaître), tout en préparant, ne serait-ce que de façon velléitaire, les modalités d’une action future, où l’œuvre aurait une place et une fonction différentes. Ainsi, cette position particulière du personnage, permise par « l’enfermement ouvert » de la maladie, ne prend sens que parce que l’identité première du « type unique » huysmansien est d’être un artiste.

Bien que le personnage soit tiraillé entre son désir d’échapper au monde et son incapacité, peut-être voulue, d’y parvenir totalement, son inactivité permet moins aux romans de Huysmans d’explorer une réalité « neuve » que de repenser l’idée d’œuvre, c’est-à-dire de repenser, au moyen du cas précis et problématique qu’est la figure de l’artiste, les modalités d’une action romanesque dirigée vers un but unique. À travers le rapport au monde du malade, habitant son arche pleine de trous, doit en effet se lire un rapport à l’action d’une nature encore inexplorée par le genre romanesque, car ce n’est pas le rapport de l’artiste au tableau, au livre ou à toute autre forme esthétique achevée qui se présente comme l’enjeu du récit, mais la durée non événementielle – impossible à montrer en régime romanesque actif – qui se situe entre l’artiste et son œuvre.

Le resserrement, chez Huysmans, de l’espace autour du corps du malade, en ouvrant les digues qui maintenaient auparavant séparés de la vie concrète le passé, le rêve et les fantasmagories, désenclave le champ d’action de l’artiste, qui donne à voir, plutôt que la production d’une œuvre, les conditions de possibilité de la création. Contrairement à l’artiste du naturalisme, cet artiste avide de documents qui cherche, à l’instar de Claude Lantier qui arpente d’un pas vigoureux tout Paris, à se saisir de morceaux de la réalité au

sein d’une totalité en théorie épuisable58, l’artiste huysmansien devient celui qui découvre la possibilité d’une œuvre au sein même de son expérience du monde, c’est-à-dire dans l’insignifiance de sa vie de reclus, où se confondent pensées mélancoliques mal définies, espoirs non formulés, souvenirs médiocres, toutes « ces sensations tristes ou joyeuses qui s’éveillent chez l’homme, dans la solitude, sans cause bien définie, souvent59 », qui lui semblent par ailleurs absentes de la littérature. À l’inverse d’un Zola, chez qui le réel a valeur d’idéal tant il semble d’emblée constitué comme autant d’œuvres à cueillir, autant de tableaux contre lesquels l’artiste peut mesurer son talent, Huysmans incorpore la matière de l’œuvre à la vie réelle et, ce faisant, lui retire ce qu’elle pouvait encore avoir d’idéalité, pour devenir le lieu d’une collision tempérée entre la subjectivité d’un « Monsieur tout-le- monde », d’une « personnalité insignifiante60 », comme peut l’être André Jayant, et un réel sans signification ni valeur a priori.

Plutôt que de tenter de forcer l’accouchement de l’œuvre, « l’incapable » huysmansien suspend son geste : il s’intéresse plutôt à ce réel « teinté » de sa propre subjectivité, qui semble cependant, paradoxalement, représenter au mieux le caractère plat, non événementiel, de la réalité. Enfermé chez lui, confortablement installé dans ses habitudes, au sein de ses bibelots, de ses livres et de ses manies, André n’a qu’à avoir la fragile impression que « la mise en train de son œuvre [est] terminée61 » pour que la vie dans l’arche puisse débuter. L’arche est bien entendu menacée, comme les rades de des

58 Voir notamment L’Œuvre, p. 142-143 : « Ils venaient de traverser Paris, c’était là une de leurs grandes tournées favorites ; mais ils avaient d’autres itinéraires... Ils couraient les rues, les places, les carrefours, ils vaguaient des journées entières, tant que leurs jambes pouvaient les porter, comme s’ils avaient voulu conquérir les quartiers les uns après les autres, en jetant leurs théories retentissantes aux façades des maisons ; et le pavé semblait à eux, tout le pavé battu par leurs semelles, ce vieux sol de combat d’où montait une ivresse qui grisait leur lassitude. »

59 En ménage, p. 475. 60 Ibid., p. 435. 61 Ibid., p. 357.

Esseintes ou de Jacques Marles, car les « crises juponnières » d’André l’empêchent de se soustraire totalement au monde et aux femmes. L’arche est aussi menacée par le constat que l’œuvre pourtant si bien lancée ne sera probablement pas achevée : ainsi, la sensation du personnage de pouvoir, quand il le voudra, « abattre de la besogne comme au bon temps62 » est, à moyen ou à long terme, sérieusement mise en péril. Or la singularité de la vie dans l’arche réside justement dans son caractère provisoire, plus précisément dans le sentiment momentané de puissance qu’éprouve l’incapable, qui voit l’œuvre achevée dans l’œuvre amorcée, une certitude dans ce qui n’est qu’une virtualité63 : l’œuvre existe, dans l’arche, en tant qu’elle se constitue comme une vie possible de l’écrivain, qui la superpose à sa vie réelle, à ses flâneries, à ses efforts larvés à la table de travail, mais qui, aussi, la tient suspendue comme un couvercle au-dessus de toutes les vies qu’il observe de ses fenêtres.

Placé sur le seuil de la vie parisienne, dans cet abri ouvert qu’est sa terrasse ensoleillée, ou les fenêtres de son appartement, André vit en effet le livre qu’il écrit à travers le regard qu’il porte sur le monde, inquiet de devoir un jour s’y replonger, mais avant tout curieux d’en contempler les détails et les mouvements. Il faut à cet égard remarquer la manière dont la narration suit méticuleusement le regard du personnage dans ce passage d’En ménage, lors de ces « journées charmantes de labeur et de flâne64 » qui

62 Ibid., p. 357.

63 Cette sensation de puissance, dont l’incapable a conscience du caractère illusoire tout en s’y accrochant comme à un fait, est finement résumée par Italo Svevo dans Senilità, où est mis en scène un héros tout à fait semblable à André et dont la psychologie est ici résumée : « En raison de la conscience fort claire qu’il avait de la nullité de son œuvre, il ne se vantait pas de son passé, mais, tant dans la vie que dans l’art, il croyait encore et toujours se trouver dans une phase de préparation, en se considérant au plus secret de lui-même comme une puissante et géniale machine en construction, mais encore inactive. Il vivait toujours dans une attente, dépourvue de patience, de quelque chose qui devait lui venir de son cerveau, l’art, et de quelque chose qui devait lui venir de l’extérieur, la fortune, le succès, comme si l’âge des belles énergies ne s’était pas éclipsé pour lui. » Senilità, dans Romans, p. 376.

constituent l’essentiel de l’expérience heureuse d’André dans la « maladie » (maladie de la volonté, dans ce cas-ci, bien plus que maladie physique). Dans ce regard mobile s’expérimente en effet la liberté créatrice devant l’œuvre possible, qui ne fait qu’un avec le « mic-mac65 » de la vie des voisins : survient ainsi un décloisonnement de l’espace et du temps, semblable à ce que vivront dans le rêve ou dans la remémoration mélancolique des Esseintes et Jacques Marles, et qui confère à la position immobile d’André, ainsi qu’à son inaction, un dynamisme inattendu. Ce sont d’abord des files d’objets qui apparaissent devant lui, puis le ballet des employés de bureau « virant et tournant […] dans des pièces semblables », « au-dessous et au-dessus de lui, du haut en bas du ministère, par les hautes fenêtres du premier, par les croisées plus basses des autres étages, par les lucarnes étranglées du faîte66 », mais aussi des plongées dans la rue, des perspectives théâtrales avec ses portes dérobées; en somme, placé devant la vie des autres, dont il apprend à connaître les habitudes, les tempos, les cycles et les variations, André se tient devant une totalité ouverte, qu’il semble impossible d’épuiser, bien qu’il ne s’agisse ici que de la vue des fenêtres d’un appartement situé, de surcroît, dans un quartier ennuyeux.

On peut certes voir dans cette attitude esthétique d’André, qui annonce celle de des Esseintes, une régression vers un stade antérieur à la création artistique, comme si le personnage huysmansien tentait de s’installer sur le seuil de la création. Autrement dit, il est possible – et c’est l’hypothèse qui fait consensus chez les critiques – que l’artiste huysmansien érode son identité artiste, c’est-à-dire la part virile et active de sa vocation, pour se cantonner dans le dilettantisme. La création artistique, dans le discours du XIXe siècle, et comme le rappelle Laurent Jenny dans La Vie esthétique, se pense en effet

65 Ibid., p. 358. 66 Ibid.

toujours selon deux pôles corrélés, « entre totalisation et déploiement67 », l’appel des formes devant être contenu avec force par l’artiste qui, par son œuvre, parvient à « graver ses visions, [à trouver] la formule verbale où les contenir et les enfermer68 ». Se perdre dans les formes, écrit Jenny, équivaut à devenir le fumeur de haschisch dont Baudelaire décrit l’expérience mais aussi les faiblesses, puisque son rapport au monde se situe en deçà de l’œuvre d’art; se placer, à l’inverse, dans l’attente de l’œuvre achevée, c’est sauter par- dessus l’acte créateur, l’esthète étant ainsi tout aussi passif que le fumeur. L’artiste