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La maladie de l’artiste, cet imprévu néanmoins prévisible qui frappe au moment où la gloire est proche, est autant le symbole de l’échec du personnage que l’indication d’une impossibilité, qui est celle de montrer par un récit toute la richesse et la vitalité du temps « ouvrier » de la vie d’artiste. Le constat que pose le critique Albert Thibaudet dans son essai « Le roman de l’intellectuel » est à cet égard éclairant. Pour le critique, bien que la vie de l’être génial soit en théorie une matière de prédilection à un genre aussi foisonnant que le roman, l’essentiel de cette vie – la création d’une œuvre géniale, totalisante – présente un défi impossible pour le roman, qui ne peut mettre en abyme sa propre totalité :

Évidemment on a écrit de bons romans sur ce qu’on pourrait appeler le petit intellectuel, comme on dit le petit bourgeois, par exemple Charles Demailly. Mais si le roman du grand intellectuel a parfois été tenté, il n’a jamais produit une œuvre viable. Balzac y a complètement échoué dans Louis

Lambert. S’il peut sembler avoir réussi dans La Recherche de l’absolu, c’est

d’abord parce que le titre en est faux et que les recherches de Balthazar Claës ne font que symboliser dans le relatif la recherche de l’absolu. C’est ensuite que Claës est vu du dehors et non du dedans, que l’intérêt du drame consiste en ce dehors […]102.

De manière générale, le problème qui sous-tend la représentation de l’existence géniale tient à la difficulté qu’éprouve le personnage de l’artiste à subir l’épreuve du temps qui passe, contre lequel butent à la fois une identité achevée et la perfection idéelle de l’œuvre. L’opposition entre vie vouée et vie ratée, grâce à laquelle est critiqué le rapport à l’œuvre du personnage, camoufle en fait le problème de représenter l’action d’un personnage qui, loin d’être a priori un incapable, possède à l’inverse un surcroît de qualités, une identité trop bien définie, qui fige toute possibilité d’action, ou toute digression du

récit. C’est en ces termes qu’Isabelle Daunais conçoit l’impuissance de l’artiste réaliste, causée par sa propre incompatibilité avec la durée du roman plutôt que par sa folie, celle- ci étant le symptôme de son inadéquation comme personnage romanesque et non pas la cause de cette inadéquation. Dans son article « Le personnage romanesque et ses qualités », elle présente en effet Louis Lambert comme un personnage « mort-né », comme une « proposition […] extrême qui […] nous conduit en dehors du roman » :

[C]et accident, ou ce ratage [de Louis Lambert], a ceci de particulier qu’il n’est pas seulement celui que subit un jeune homme plein d’avenir, il est également celui qui frappe le personnage. À la différence des héros morts trop jeunes ou fauchés en pleine gloire et qui puisaient dans cette fin une valeur exemplaire, Louis Lambert n’a rien à léguer, ni d’exemple à offrir : même s’il est possible d’y voir un débordement de son génie ou la conséquence d’une jeunesse trop studieuse, sa folie n’en survient pas moins comme un simple et curieux « arrêt » de sa personne, comme l’interruption inopinée de la trajectoire qui se présentait à lui. […] [Ce] héros de l’« intangible », pour reprendre le terme de Flaubert, est un personnage mort-né, qui n’accède à la vie romanesque que pour en être pratiquement aussitôt dépossédé, dans une fulgurance où se confondent la part d’aventure (d’un jeune homme emporté par le travail trop intense de son esprit) et la part d’impasse (d’un héros de roman qui littéralement se perd). Le coup qui frappe ce jeune génie a toute la démesure de la fatalité […], mais elle agit aussi dans le roman comme une perte pure, sans résidu103.

La malédiction de l’artiste – sa folie, sa mort – apparaît donc comme étant aussi celle du personnage qui, en tant que personnage romanesque, n’a pas la malléabilité nécessaire pour évoluer dans son propre récit. Autrement dit, si l’artiste génial se voit ballotté entre les extrêmes que sont, d’une part, la certitude d’une œuvre déjà toute faite qui puisse immortaliser son talent et, d’autre part, la certitude de son impuissance, qui fait de lui un être devant se retirer complètement du roman, c’est que son action n’est vectrice d’aucune durée, à l’image des œuvres qu’il crée. En tant qu’artiste, mais aussi en tant que

personnage, le génie ne parvient pas à gérer efficacement le temps qui est à sa disposition, comme si son problème était de faire sens du temps lui-même, et non de parvenir à reproduire l’Idée à l’origine de son œuvre. Son geste créateur ne s’insère jamais dans l’engrenage des heures et des jours, mais s’épuise plutôt à tenter de le faire. Il obéit, malgré lui, à la logique très balzacienne de la « peau de chagrin » : inconscient de la valeur du temps qui passe et des limites du monde physique – que ce soient les limites de son propre corps ou du monde concret –, l’artiste ne fait que dilapider le temps qui est à sa disposition, incapable de circonscrire ses désirs et ses actions dans une temporalité dont il percevrait le sens et la finalité. À titre d’exemple, Claude Lantier, certain de la fortune prochaine que lui apportera son chef-d’œuvre, entame le capital de sa rente (la métaphore pécuniaire sert ici de succédané à un rapport mesuré au temps) et s’habitue de la sorte « à prendre sans compter104 », à vivre ancré dans un présent sans avenir. Dans tous les romans, l’ébauche impossible à terminer est aussi éloquente de cette gestion déficiente du temps par l’artiste, qui tourne en rond, qui déconstruit, qui s’éparpille, et ne s’approche jamais du but qui était fixé avec tant de clarté :

Et Claude, en effet, comme si cette ironie d’un habile homme lui eût porté malheur, ne fit ensuite que gâter son ébauche. C’était sa continuelle histoire, il se dépensait d’un coup, en un élan magnifique, puis il n’arrivait pas à faire sortir le reste, il ne savait pas finir. Son impuissance recommença, il vécut deux années sur cette toile, n’ayant d’entrailles que pour elle […]105.

Au lieu d’être un problème purement psychologique, qui impliquerait une forme de déroute du personnage au sein d’une existence qui était jusqu’alors lente et paisible, la fulgurance innée de l’artiste comme sa disparition violente révèlent un problème inhérent au cadre existentiel fourni par l’idée de vocation. Être pétri de vitesse, l’artiste ne sait pas

104 L’Œuvre, p. 332. 105 Ibid., p. 336.

comment survivre à son propre récit tout en conservant son identité, sans cesse menacée par le temps qui passe et qui le transforme. Ainsi, au lieu de manquer de temps, comme il le croit souvent, ou de le dilapider, l’artiste génial montre au contraire qu’il dispose, dans son récit, de trop de temps. Dans l’optique où l’artiste est prisonnier d’une hérédité qui façonne sa folie en même temps que son génie, le temps qui s’écoule (par exemple les dix années que Frenhofer passe à peindre la Femme qu’il a imaginée et au terme desquelles la forme est anéantie) n’est pas une durée qui permet au personnage de « faire œuvre » ; elle est au contraire une durée vide, une durée à cause de laquelle la possibilité de l’œuvre disparaît.

On pourrait alors poser l’hypothèse que le roman de l’artiste, bien qu’il semble se confondre avec le roman d’apprentissage, puisqu’il en est la continuation, s’éloigne fondamentalement de ce modèle. Christophe Pradeau, dans son article « Le roman a le temps », a à cet égard montré que le modèle du roman d’apprentissage goethéen fonde sa durée sur l’action tâtonnante d’un personnage en quête de lui-même : « il est dans la logique du roman de retarder le moment de finir, de freiner des quatre fers pour durer encore106 ». Contrairement à l’artiste trépignant d’impatience que met en scène le roman réaliste, le personnage romanesque est habituellement, écrit Pradeau, « sinon tout à fait passif, du moins, comme l’écrit Goethe, “retardateur” ; son action, loin de hâter le dénouement, est dilatoire : “Les sentiments du personnage principal doivent […] ralentir l’acheminement du tout vers le conclusion.”107 » Roman de l’apprentissage terminé et de la vocation à maintenir, le roman de l’artiste invente une temporalité toute faite pour son personnage, qui est celle d’une éthique de vie, d’un labeur ouvrier en théorie admirable,

106 C. Pradeau, « Le roman a le temps », p. 387. 107 Ibid., p. 387.

mais en pratique impossible à représenter, le roman devenant le cadre d’une durée pour le moins superflue à son personnage.

Ainsi, ce n’est pas l’action de l’artiste qui fournit la véritable matière du roman. La passion du personnage est irréductible au temps du récit et son geste créateur, lorsque fécond, est indicible à cause de son caractère secret, intériorisé. C’est la maladie, que Jean- Louis Cabanès présente à juste titre comme une sorte de personnage108, qui joue dans le récit le rôle de relance narrative, en instaurant une tension dramatique au sein d’une absence de temps. Alors que l’existence de l’artiste se présente, paradoxalement, à la fois comme jouée d’avance et comme une vie sans péripéties, la maladie arrive à point nommé pour créer une durée – certes artificielle –, une quête imprévue, celle d’un éloignement de l’œuvre que l’artiste tenait pourtant serrée contre lui.

Dans le cas de Coriolis, il faut attendre la production du premier chef-d’œuvre, Le

Bain turc, pour que la maladie survienne et qu’elle devienne l’entrave principale au talent

du peintre, qui la voit reprendre possession de lui à chaque anniversaire de l’achèvement du tableau109. Plus qu’un accident, qu’un obstacle ou que le rappel d’une malédiction latente, la maladie de Coriolis se transforme en une expérience du temps à l’opposé de sa nature comme artiste. Après le bref épisode de la maladie qui a failli l’emporter110, un état maladif permanent, une fatigue qui transforme à la fois le rapport de Coriolis au monde et son rapport à l’œuvre à faire, remplace la fougue qu’on lui reconnaît habituellement. Coriolis est forcé de vivre lentement. Durant sa longue convalescence, l’errance, la promenade et l’attente deviennent le mode d’être du peintre. Que ce soit à Barbizon, où il

108 Voir J.-L. Cabanès, Le Corps et la maladie dans les récits réalistes (1856-1893), vol. 1, p. 151-152. 109 Manette Salomon, p. 455.

se retire pour hâter sa guérison, ou à Paris, où il continue de ne rien produire, Coriolis se voit forcé de vivre à rebours de son génie. Il se laisse guider par son corps maladif, c’est- à-dire par ses nerfs, qui le submergent de sensations et d’impressions, et par « ses yeux111 », comme le dira son ami Chassagnol, qui le forcent à vivre ancré « dans son temps112 », loin du monde des Idées. Abandonnant la quête du Beau, Coriolis apprend dans la maladie à dégager de son seul contact avec le réel l’œuvre qu’il produira. Grâce à son affaiblissement permanent, Coriolis découvre « une effrayante richesse d’imaginations anxieuses et de perceptions blessantes113 », mais aussi et surtout une nouvelle conception de sa propre vocation :

Il était à ce moment critique, à cette heure de la vie d’un artiste où l’artiste sent mourir en lui comme la première conscience de son art : instant de doute, de tiraillement, d’anxiété où, tâtonnant de son avenir, tiraillé entre les habitudes de son talent et la vocation de sa personnalité, il sent tressaillir et s’agiter en lui le pressentiment d’autres formes, d’autres visions, le commencement de nouvelles façons de voir, de sentir, de vouloir la peinture114.

L’œuvre, cette Idée préexistant au tableau et extérieure au personnage, s’intériorise : elle se forge comme autant de croquis mentaux qui, s’ils ne se traduisent pas en toiles, se suffisent à eux-mêmes.

Quelquefois, tirant de sa poche un petit carnet […], il jetait dessus deux ou trois de ces coups de crayon qui attrapent l’instantanéité d’un mouvement. Il fixait d’un trait l’effort d’une attelée de maçons, la paresse d’un accoudement sur un banc de jardin public […], un morceau quelconque du sculptural naturel superbe, ému, qu’indique et montre le spectacle de la rue. Journées de fatigue, souvent stériles, mais qui souvent aussi donnaient à

111 Ibid., p. 418. 112 Ibid. 113 Ibid., p. 447. 114 Ibid., p. 413.

l’artiste, en quelque coin obscur, sous quelque porte cochère, une de ces rencontres soudaines de la réalité pareilles à une illumination de son art115.

La maladie crée, pour l’artiste impuissant, une temporalité qui n’existe plus dès lors qu’il se remet au travail et que la « lutte » contre le tableau et contre les instances de validation congédie la valeur octroyée au tâtonnement, pour n’en conférer qu’aux œuvres achevées et consacrées. Vacances obligées, la maladie se présente non pas comme la promesse d’un futur glorieux, mais comme la possibilité d’élargir le présent et d’en faire, en soi, le lieu de la vie du personnage. Coriolis vagabonde dans ce présent long non pas à la manière d’Anatole, le bohème, mais à celle de « l’homme des foules » baudelairien, dont le regard sur la modernité n’est pas neutre mais esthétique, pouvant se comparer, écrit Baudelaire, « à un kaléidoscope doué de conscience, qui, à chacun de ses mouvements, représente la vie multiple et la grâce mouvante de tous les éléments de la vie116 ». Le temps de la maladie est empli des virtualités de l’œuvre possible, mais il est invisible aux autres, tout comme le génie de Louis Lambert, puissance en devenir, restera à jamais méconnu, son œuvre étant cloisonnée dans la folie, comme « dans une sorte de minéral117 ».

Il faut attendre l’œuvre huysmansienne pour que la maladie devienne véritablement, pour le personnage de l’artiste, une modalité du temps et de l’espace ; il est cependant utile de noter que cette qualité « romanesque » de la maladie est découverte et explorée par les romanciers réalistes, qui font de l’échec ultime des génies la marque d’une dynamique propre au genre romanesque plutôt qu’empruntée à la tradition bohème. Chez Zola, la médiation temporelle de la maladie, son rôle narratif, apparaît dès les premières pages, le rapport de l’artiste à l’œuvre n’étant jamais binaire, mais toujours ternaire. La

115 Ibid., p. 411.

116 C. Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », dans Écrits sur l’art, p. 514. 117 Louis Lambert, p. 121.

maladie ajoute, entre un artiste pressé et son œuvre toute faite, une distance incommensurable, que fera sienne la durée du roman. Folie du personnage, la maladie se révèle être aussi – et ce détail, qu’Edmond de Goncourt accuse Zola de lui avoir « volé », illustre avec éloquence l’utilité dramatique de cette métaphore – une maladie de la vue, comme si le personnage, voyant s’éloigner de lui son talent, devenait littéralement myope devant tout le temps à franchir et contre lequel il ne sait pas lutter118.

Le thème de la maladie, qui retarde et annonce, dans le roman réaliste, la sortie de l’artiste du récit dont il est pourtant le héros, crée une temporalité dont le caractère factice est aussi une hypothèse à élargir. Temporalité de l’inaction se trouvant enchâssée dans une durée vide, la maladie est un thème discrédité par le roman réaliste, qui fonde sa matière sur la productivité de son personnage ; elle se présente pourtant déjà dans ce roman, non seulement comme l’envers de la vocation, mais comme un mode d’être nouveau, indépendant de la vie active, grâce à laquelle le personnage dure sans agir. C’est cette hypothèse que va déployer Huysmans, en s’intéressant au potentiel narratif de cette temporalité de survie du personnage de l’artiste : au lieu de représenter la vie de l’artiste selon un cadre existentiel hérité du romantisme, Huysmans s’intéresse à la vie de l’artiste telle qu’elle a été façonnée par le roman depuis le romantisme. En percevant la maladie comme un outil narratif plutôt qu’exclusivement thématique, Huysmans cherche à dépasser l’aporie romanesque inhérente à la vie de l’artiste génial et lance, grâce à ses artistes épuisés, un défi au naturalisme : créer des romans dont la durée n’est pas basée sur l’action des personnages, mais sur leur impuissance.

118 Voir L’Œuvre, p. 114-115 et 304. Dans Manette Salomon, Coriolis souffre d’une maladie de la vue qui l’empêche de voir la lumière et les couleurs (p. 530-531).

C

HAPITRE

3 :L

A MALADIE COMME ESPACE DE SURVIE

L’originalité du personnage de l’artiste maladif huysmansien est de donner au thème de la maladie un rôle inédit : plutôt que de se poser comme le principal obstacle à l’œuvre, comme chez l’artiste génial du réalisme, la maladie devient la seule garantie du talent du personnage, qui peut grâce à elle conserver son statut symbolique d’artiste sans pour autant produire d’œuvre. Cyprien Tibaille, premier artiste véritable de l’univers huysmansien, est présenté, dans Les Sœurs Vatard, comme « un tout jeune homme, gringalet et maigre, l’air maladif et triste1 ». Il est donc avant tout un malade, « frêle et nerveux à l’excès2 ». Mais cette constitution maladive n’indique pas seulement la présence, chez le personnage, d’un talent inné pour l’art, sorte de malédiction bénie qu’il faudrait contenir, dominer, ou du moins canaliser dans une œuvre. La maladie nerveuse se conjugue au contraire aux maladies vénériennes contractées : l’artiste devient, chez Huysmans, un malade sursaturé de maladies. Or ce sont ces dernières qui expriment, mieux encore que la constitution fragile du peintre, sa sensibilité d’artiste, car les vices et la débauche sexuelle « maladive » nourrissent, voire rendent possible la vision du monde et l’esthétique singulières et nouvelles de Cyprien :

C’était d’ailleurs un homme dépravé, amoureux de toutes les nuances du vice, pourvu qu’elles fussent compliquées et subtiles. […] Frêle et nerveux à l’excès, hanté par ces sourdes ardeurs qui montent des organes lassés, il était arrivé à ne plus rêver qu’à des voluptés assaisonnées de mines perverses et d’accoutrements baroques. Il ne comprenait, en fait d’art, que le moderne. Se souciant peu de la défroque des époques vieillies, il affirmait qu’un peintre ne devait rendre que ce qu’il pouvait fréquenter et voir; or,

1 Les Sœurs Vatard, p. 169. 2 Ibid., p. 148.

comme il ne fréquentait et ne voyait guère que des filles, il ne tentait de peindre que des filles. […] Son art se ressentait forcément de ces tendances. Il dessinait avec une allure étonnante les postures incendiaires, les somnolences accablées des filles à l’affût et, dans son œuvre brossée à grands coups, éclaboussée d’huile, sabrée de coups de pastel, enlevée souvent d’abord comme une eau-forte, puis reprise sur l’épreuve, il arrivait avec des fonds d’aquarelle, balafrés de martelages furieux de couleurs, s’invitant, se cédant le pas ou se fondant, à une intensité de vie furieuse, à un rendu d’impression inouï3.

Ce chapitre ne s’intéressera pas au caractère original de l’esthétique « maladive » que Huysmans déploie par l’intermédiaire de son type unique, mais aux conséquences narratives et romanesques inhérentes à la mise en scène d’un héros impuissant par choix plutôt que par faillite – Cyprien étant, comme ses congénères, et malgré son goût pour le moderne, un raté. Il s’agira ici de mettre en lumière le travail narratif implicite au renversement syntagmatique entre talent artistique et maladie qu’opère Huysmans, par rapport au modèle du roman réaliste et naturaliste. En effet, si ce renversement syntagmatique, affectant avant tout la posture du romancier – qui devient, de chirurgien à la santé florissante, un malade incapable de produire son œuvre –, a été amplement analysé