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Plusieurs méthodes d’appréciation des revenus

Appréhender les inégalités de mobilité

1 D IVERSITÉ DES APPROCHES

2.2. L’estimation du niveau de vie du ménage

2.2.1. Plusieurs méthodes d’appréciation des revenus

Les ménages disposent de plusieurs sources de revenu, c’est pourquoi, pour mesurer le niveau de vie d’un ménage ou d’un individu il faut préciser la nature des ressources prises en compte et la période durant laquelle elles sont calculées (pluriannuelle, annuelle, mensuelle…). On distingue généralement trois principales sources de revenu qui selon qu’elles sont ou non prises en compte, peuvent modifier de manière sensible le diagnostic sur les inégalités :

• Les revenus d’activités qui se décomposent en revenus d’activité salariée et non-salariée (salaires et honoraires) et en bénéfices pour les entreprises. Cette source de revenu représente la part la plus importante du revenu total des ménages soit près de 71 %1 de leur revenu total avant impôt en 2001. Bien entendu, son importance varie selon la période du cycle de vie, ainsi après 75 ans, elle représente moins de 6 % de la part du revenu total.

• Les revenus sociaux qui constituent la deuxième source de revenus des ménages (26 % du revenu total). Il s’agit des revenus de remplacement, essentiellement constitués par les pensions de retraites et les allocations chômage. Après 74 ans, cette source de revenus représente environ 83 % du revenu total, contre moins de 21 % en moyenne. Les revenus sociaux comprennent également les revenus issus des transferts privés, c’est-à-dire les

1 Ce résultat comme ceux présentés à titre illustratif dans la suite de ce paragraphe sont issus de l’enquête « Revenus

versements reçus et effectués entre ménages (pensions alimentaires, aides financières …), et les revenus de transferts sociaux, c’est-à-dire les prestations sociales non contributives versées aux ménages (prestations familiales, allocations logement, minima sociaux …), l’ensemble correspondant à environ 5 % du revenu total. La part des revenus de remplacement (chômage, retraites) et des transferts privés (pensions…) a tendance à se réduire des plus modestes aux plus aisés. Notons que l’intégration des prestations sociales non contributives au revenu initial du ménage modifie considérablement le montant des ressources perçues par les plus modestes et par conséquent le diagnostic que l’on peut porter sur le niveau des inégalités et la pauvreté. Les prestations sociales représentent ainsi près de 36 % du revenu avant impôts du 1er décile [Hourriez, 2003]. Elles font passer le taux de pauvreté de 14 % à 7 % des ménages [Hourriez et al., 2001].

• Les revenus du patrimoine qui représentent à peine plus de 3 % en moyenne du revenu total des ménages. Le patrimoine est composé à part identique (40 %) de logements et d’actifs financiers, 15 % sont des actifs professionnels [Atkinson et al., 2001]. Son montant est croissant en fonction du cycle de vie : de 0,4 % du revenu total des moins de 30 ans à 8 % au-delà de 74 ans.

A partir de la somme des revenus d’activités, des revenus sociaux et des revenus du patrimoine, il est possible de calculer le revenu disponible du ménage en déduisant les prélèvements obligatoires qu’il subit (impôts directs sur le revenu, taxe d’habitation, contributions sociales comme le prélèvement social sur le revenu et le patrimoine, la CSG, le CRDS1…). La part des impôts directs varie entre 4 % pour le décile le plus modeste, 17 % pour le décile le plus aisé et 30 % parmi le centième le mieux doté de la population [Hourriez, 2003]. La comparaison de la distribution du revenu initial et du revenu disponible permet d’évaluer l’incidence des principaux mécanismes redistributifs du système socio-fiscal français. Il convient cependant de garder présent à l’esprit que dans ce cas, seule une partie des impôts et des transferts sont pris en compte : l’impact de la fiscalité indirecte qui frappe la consommation finale (TVA, TIPP…) et qui est de surcroît la plus régressive, ou celui des prestations en nature fournies par l’État, sous la forme de mise à disposition gratuite ou quasi-gratuite d’équipements collectifs et de services publics (santé, éducation, transports …), étant totalement occulté.

Le plus souvent les données disponibles dans les enquêtes reposent sur une estimation du revenu

1 Contribution Sociale Généralisée (CSG) et Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS),

respectivement impôt destiné à financer l'assurance maladie, les prestations familiales et le fonds de solidarité vieillesse et impôt destiné à résorber l'endettement de la sécurité sociale. Ces deux prélèvements ont été généralisés à la quasi totalité des revenus.

monétaire perçu en l’espace d’une année par les individus ou les ménages. Toutefois d’autres méthodes d’appréhension, plus ou moins opérationnelles, peuvent être envisagées. Toutes soulignent le fait que le revenu monétaire courant tel qu’il est le plus souvent estimé n’offre pas une mesure pleinement satisfaisante du niveau de vie. Certaines solutions proposent par exemple, d’intégrer au revenu monétaire une estimation des revenus en nature. Ces méthodes reposent sur un élargissement du concept de revenu visant à mieux appréhender l’ensemble des ressources perçues. Ainsi, il est possible d’intégrer dans le calcul du revenu les différentes situations face au logement (propriétaire, accédant à la propriété ou locataire). Les données de la Comptabilité Nationale, par exemple intègrent dans le revenu des propriétaires fonciers les loyers fictifs qu’ils sont censés se verser à eux-mêmes1 [Bihr et Pfefferkorn, 1999]. Certaines méthodes proposent une estimation de la valeur des aides sociales en nature dont bénéficient les ménages, d’autres encore cherchent à prendre en compte les possibilités de valorisation du temps libre à travers le concept de revenu potentiel ou en évaluant la production domestique [Hourriez et Legris, 1997].

Au-delà des différentes dimensions qu’il est possible d’intégrer, la période retenue pour estimer les ressources du ménage n’est pas neutre non plus. Le revenu du ménage, généralement calculé sur une année, ignore les compensations qui peuvent exister entre le revenu de l’année en cours et celui des années passées ou futures. Une diminution (augmentation) des revenus peut être la conséquence de chocs transitoires. Son incidence réelle sur le niveau de vie variera selon qu’elle intervient dans un univers certain (décalage momentané dans la perception des revenus) ou incertain (chômage). On peut penser qu’une meilleure estimation du revenu, prenant en compte le revenu permanent du ménage serait plus à même de refléter son niveau de vie et donc les inégalités qui le traversent. Cette solution reste toutefois fortement soumise aux données disponibles car dans ce cas il faut disposer de données longitudinales de panel, sauf à se contenter de sources déclaratives rétrospectives, donc a priori peu fiables.

Cet aperçu des différentes méthodes d’appréciation des revenus du ménage confirme que cette estimation n’est pas neutre. Il s’agit d’un vaste thème où les approches et les méthodes peuvent varier sensiblement, donnant alors des résultats différents, parfois non comparables. Ce tour d’horizon méthodologique souligne combien il est important de préciser préalablement à toute analyse empirique, les différentes dimensions qui ont été intégrées, cette étape permettant ensuite

1 Dans la même logique, on peut considérer que les aides versées aux propriétaires en cours d’acquisition ou celles

perçues par les locataires entrent dans l’estimation du revenu disponible et « elles constituent une part non

de nuancer les résultats en leur portant un regard critique. 2.2.2. Le choix d’une échelle d’équivalence

Selon l’INSEE, le niveau de vie d’un ménage correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’unités de consommation qui compose le foyer. En ramenant le revenu disponible à un revenu par équivalent-adulte, l’intégration de la composition du ménage facilite la comparaison des revenus entre ménages de taille différente. Le choix d’une échelle d’équivalence permet de tenir compte des économies d’échelle réalisées grâce au partage de biens à usage collectif (logement, équipement du ménage…). Elle reflète également les économies d’échelle réalisées dans la consommation privée, grâce au lien décroissant entre coûts unitaires et quantités achetées. Cette solution repose sur l’estimation faite des coûts monétaires additionnels, générés par tout membre supplémentaire du foyer, en partant de l’hypothèse que la relation entre les dépenses du ménage et sa composition n’est pas proportionnelle : « plus les biens collectifs représentent une part importante de la consommation des ménages, plus les économies d’échelle sont importantes, et plus l’échelle d’équivalence prend une valeur faible » [Hourriez et Olier, 1997, p. 68]. Cette méthode permet de tenir compte des différentiels de coûts liés à l’âge, en distinguant par exemple les enfants des adultes.

En dépit de justifications intuitives incontestables, la détermination d’une échelle d’équivalence est plus complexe qu’il ne paraît a priori car elle est soumise à un certain nombre de conventions plus ou moins implicites qui suscitent de nombreuses controverses [Lechene, 1993]. La plupart des modèles supposent par exemple, que le ménage se caractérise par un système unique de préférences et que tous les membres du ménage disposent d’un même niveau de vie (l’inégalité interne au ménage n’est pas prise en considération), ce que ne confirment pas toujours les résultats empiriques. Autre hypothèse controversée, on considère le plus souvent que les coûts supplémentaires liés à une modification de la composition du foyer sont indépendants du niveau de revenu initial1, bien que les tests conduisent en général rejeter ce postulat initial. En tout état de cause, bien que ces échelles soient difficiles à estimer et bien qu’il n’existe pas vraiment d’accord sur les hypothèses qu’elles sous-tendent, il paraît difficile de considérer qu’elles n’ont aucun intérêt pour évaluer le bien-être d’un ménage.

En France, l’échelle d’équivalence la plus connue, utilisée depuis les années cinquante, est celle d’Oxford. Le premier adulte sert de référence et compte pour un, tandis que le poids attribué aux autres individus dépend de leur âge : les personnes de 14 ans et plus comptent pour 0,7 et les

moins de 14 ans pour 0,5. Cependant, les travaux réalisés par l’INSEE aboutissent à une remise en cause de cette échelle qui ne correspondrait plus aux modes de consommation actuels et qui sous-estimerait les économies réalisées par les ménages de plusieurs personnes [Hourriez et Olier, 1997]. Rappelons qu’elle a été construite à une époque où l’alimentation captait une part importante du budget des ménages [Legris et Lollivier, 1996]. Aujourd’hui, les estimations réalisées à partir des enquêtes « Budget de famille », préconisent l’utilisation de « l’échelle INSEE » qui attribue une unité de consommation au premier adulte du ménage, 0,5 à chaque individu de 14 ans ou plus et 0,3 aux enfants de moins de 14 ans. Cette échelle, que nous utiliserons dans la partie empirique de ce travail, est tout à fait similaire à « l’échelle OCDE modifiée » utilisée à EUROSTAT et à celle utilisée par Atkinson et al. [1995] pour des comparaisons de revenus dans les pays de l’OCDE1.

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